Les durées de traitement antibiotique (ATB) préconisées ont pour la plupart un faible niveau de preuve et reposent surtout sur des avis d'experts. Lors de leur développement, on était davantage dans une logique d'efficacité à tous crins que dans un souci d'épargne. Désormais, la problématique est différente.
Quelques études ont donc exploré récemment la possibilité de réduire la durée du traitement dans des infections communes. Leurs résultats montrent qu'on peut souvent singulièrement réduire le nombre de jours d'ATB. D’autant plus que, en France, les durées de traitement sont souvent exprimées par une fourchette (7-14 jours/pneumonie). L'idée était d'adapter le traitement à la clinique. Mais nombre de prescripteurs privilégient d'office la durée maximale. Résultat, on surtraite largement nombre d'infections courantes non compliquées.
Durées fixes et traitement plus courts
Les prochaines recommandations SPILF, à paraître dans la revue Médecine et Maladies Infectieuses au printemps, vont donc préconiser à la fois des durées fixes et plus courtes. Ce consensus est fondé sur une analyse approfondie de la littérature existante. Le niveau de preuve, même s'il s'est amélioré, reste parfois limité. Ce texte devrait toutefois préconiser un raccourcissement du traitement ATB dans plusieurs indications. On devrait être à : -3 à 7 jours (vs 7-14 J) pour les pneumonies simples ; 5 jours pour les méningites à méningocoques ; 6 semaines (vs 12 semaines) dans la plupart des infections ostéoarticulaires.
Deux études françaises publiées récemment ont en effet montré que l'on peut diviser par deux la durée de l'antibiothérapie dans les infections du pied diabétique et les spondylodiscites (1,2).
Ce texte va par ailleurs intégrer les recommandations « infections urinaires » de 2015, restreignant à 7 jours (vs 10-14 J) le traitement des pyélonéphrites simples traitées par fluoroquinolone ou bêtalactamine injectable (3). Sachant que 5 jours de traitement pourraient même suffire, selon une étude présentant cependant des limites.
Plus de prescriptions conditionnées par une réévaluation
Parallèlement, plusieurs textes préconisent de réévaluer plus strictement les prescriptions en ville comme à l'hôpital. Le groupe de travail pour la préservation des ATB commandé par le ministère de la Santé préconise de limiter à 7 jours maximum la prescription initiale en ville, toute prolongation imposant une réévaluation clinique (4).
À l'hôpital, même tendance. Le Programme de prévention des infections associées aux soins (PROPIAS) recommande la réévaluation systématique par un médecin senior au-delà de 7 jours. Il propose aussi que le score ICATB2 des hôpitaux cible mieux le suivi et la réévaluation notamment des ATB critiques, ceux les plus générateurs de résistances (5).
Enfin, une instruction de la DGS de juin dernier met la lutte contre l’antibiorésistance sous la responsabilité des Agences régionales de santé (ARS). L'idée est de mettre en place des indicateurs plus efficaces. Ce texte impose d'ailleurs l'avis du référent ATB avant le 3e jour et à nouveau au 7e jour pour les ATB de dernier recours (6).
Entretien avec la Pr Céline Pulcini, infectiologue CHU de Nancy, EA 4 360 APEMAC, université de Lorraine
(1) Tone A et al. Six-week versus twelve-week antibiotic therapy for nonsurgically treated diabetic foot osteomyelitis: a multicenter open-label controlled randomized study. Diabetes Care 2015 ;38:302-7
(2) Bernard L et al. Antibiotic treatment for 6 weeks versus 12 weeks in patients with pyogenic vertebral osteomyelitis: an open-label, non-inferiority, randomised, controlled trial.Lancet 2015 ; DOI: http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(14)61233-2
(3) Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires bactériennes communautaires de l’adulte. SPILF 2015
(4) Carlet J , Le Coz P. Rapport du groupe de travail spécial pour la préservation des antibiotiques. Juin 2015.
(5) PROPIAS : programme national d’actions de prévention des infections associées aux soins. DGOS/PF2/DGS/RI1/DGCS/2015/ 202. 15 juin 2015.
(6) INSTRUCTION DGS/RI1/DGOS/PF2/DGCS/2015/212 du 19 juin 2015
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