Rassemblés le temps d’un déjeuner par la secrétaire d’état chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche Geneviève Fioraso, plusieurs personnalités du monde de la recherche ont dressé la liste des efforts à mener pour préparer le terrain de la recherche de crise sanitaire de demain.
Intervenant principal de cette réunion, le Pr Jean François Delfraissy, le directeur de l’ANRS et coordinateur de l’ensemble des opérations internationales et nationales de réponse à la crise Ebola a constaté « la nécessité d’une structure légère, capable de lancer rapidement des projets de recherches préparés à l’avance. »
Une telle structure est déjà en cours d’élaboration, sous la responsabilité du Pr Yves Lévy, président-directeur général de l’INSERM. Elle devra, à terme, disposer de ses propres réserves financières pour amorcer des programmes de recherche d’urgence, en attendant les premiers appels à projet. « Nous devons également disposer de capacités de financement de projets de recherche menés dans les pays du sud, estime le Pr Jean François Delfraissy. L’ANRS en est capable sur ses fonds propres (c’est ainsi qu’a été financé l’essai INSERM sur le favipiravir, ndlr), les autres agences de moyens devraient en être capables aussi. »
Améliorer le suivi épidémiologique
L’épidémie d’Ebola de 2014 aura été la plus longue, la plus meurtrière et aura infecté des patients à une échelle sans précédent. Il n’est pas concevable de pas tirer des enseignements d’un événement d’une telle ampleur. « Une des raisons de l’échec de la communauté internationale à contrôler l’épidémie en Afrique de l’ouest a été cette fausse croyance qu’elle était en train de prendre fin dès le mois de mai », rappelle le Pr Arnaud Fontanet, chef de l’unité Épidémiologie des Maladies Émergentes de l’Institut Pasteur de Paris et professeur titulaire de la chaire « Santé et Développement » au Centre national des arts et métiers. « Il a suffi qu’une poignée de patients quittent la Guinée pour la Sierra Leone et le Liberia, échappant ainsi au radar, pour que l’on ait un rebond épidémique début juillet », rappelle-t-il. Le Pr Arnaud Fontanet plaide pour une meilleure coordination régionale : « Il ne faut plus que le suivi et le partage des données s’arrête aux frontières, car chaque patient implique le suivi de dizaines de cas contacts. Le malade qui était arrivé au Sénégal depuis la Guinée a obligé les autorités sanitaires à surveiller 70 cas contacts possibles. »
L’importance de disposer de réseaux de surveillances réactifs s’illustre, selon le Pr Fontanet par l’exemple du Coronavirus MERS-CoV apparu dans la péninsule arabique en 2012. « Notre gestion de l’épidémie liée au MERS-CoV s’est beaucoup inspirée des leçons apprises lors de l’épidémie de SRAS dix ans plus tôt. D’ailleurs, quand un médecin qui travaillait en Arabie Saoudite a détecté un patient avec des symptômes respiratoires inhabituels, il a eu l’idée d’envoyer des prélèvements à l’Erasmus Medical Center qui a une expertise reconnue dans le diagnostic des infections respiratoires». Découvert plus tôt, ce nouveau coronavirus en circulation a pu être plus longuement étudié, livrant de précieuses informations sur sa pathogénicité et son mode de transmission.
Le défi de la « folie réglementaire »
Le président de l’ANRS a également noté qu’il manquait des données de « basic science » sur Ebola, et notamment en ce qui concerne l’hôte : la chauve-souris. « Que savons-nous sur la chauve-souris ? Son système immunitaire ? Sa relation au virus ? »
La recherche fondamentale se heurte à la forêt administrative et réglementaire qui encadre la recherche en infectiologie dénoncée par l’ensemble des participants. Selon le Pr Christian Bréchot, directeur de l’institut Pasteur de Paris et ancien directeur de l’INSERM, « on a un certain nombre de recherches qui sont bloquées par la réglementation. Nous sommes dans une situation où l’on sait que l’on aura de plus en plus de recherches à faire dans des laboratoires P4 alors que la folie réglementaire s’accroît. »
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