En février 2020, lorsque les premiers patients COVID potentiels – qui venaient généralement de Chine – ont consulté dans les hôpitaux français, les soignants devaient s’équiper selon les protocoles proposés en réponse à l’épidémie d’Ebola en 2014 : tenue à usage unique, lunettes ou sur-lunettes couvrantes, charlotte, surblouse, surchaussures, gants (voire double gant en cas de prélèvement), et bien sûr masque FFP2. Ces mesures – ainsi que celles préconisées pour le nettoyage des locaux entre chaque patient – n’ont pu durer qu’un temps. Très rapidement, devant l’épuisement des ressources en équipements de protection, les soignants hospitaliers ont dû s’adapter. Et que dire des libéraux qui, eux, n’ont même jamais eu de moyens de se protéger…
Un sac poubelle coupé, un poncho de pluie
De façon insidieuse dans certains établissements, ou plus directive dans d’autres, des restrictions à l’accès aux masques, au gel hydroalcoolique, aux gants et aux surblouses ont été organisées : le nombre et le type de masque étaient établis par avance et l’attribution s’est faite par les cadres ou les chefs de service. Il s’y est associé des campagnes de communication sur l’inutilité des masques FFP2 pour la plupart des gestes de soins, et sur une sensibilisation à l’augmentation de la quantité de déchets DASRI. Comment les soignants hospitaliers, les établissements et les libéraux ont-ils fait face à cette situation qui a mis leur santé en danger ?
Après quelques jours de sidération pour les hospitaliers, et plus rapidement encore en ville, c’est la « débrouille » qui a pris le pas. Pas de surlunettes ? Pas grave, on utilise des lunettes de bricolage ou de plongée… Pas de sur-blouse ? Un sac poubelle coupé ou un poncho de pluie fait aussi bien… Plus de tenues jetables ? On ressort celles en tissu et on les lave à 60 ° chez soi pour en avoir toujours en rechange… Pas de FFP2 ? Pourquoi ne pas les réutiliser ou superposer des masques chirurgicaux… Des charlottes manquantes ? On en coud en famille avec des tissus colorés…
Ré-utiliser les FFP2 en les faisant sécher sur un Tupperware ®
C’est la question de la gestion des masques FFP2 (qui étaient d’ailleurs souvent périmés en début d’épidémie car datant de l’époque H1N1) qui a causé le plus de problèmes. D’un masque par patient, on est vite passé à deux masques par jour à l’hôpital voire un par semaine dans les EHPADs. Une seule chose à faire, les réutiliser.
En sachant que les mains ne doivent pas entrer en contact avec la partie filtrante afin de garder les propriétés antivirales, des « tutos » ont fleuri sur les techniques qui permettent d’enlever les masques grâce à des boîtes en plastique qui sont ensuite utilisées comme support pour « aérer » le masque pendant 3 à 7 jours, délai après lequel aucune particule virale ne serait retrouvée sur le masque.
Autre piste, la stérilisation : au micro-onde, au four classique, au « sèche-cheveux », dans un sac en papier. Chacun sa technique cache-misère. Si les soignants français pourraient bientôt bénéficier de livraisons plus régulières de masques, les pays moins favorisés devront majoritairement faire avec la réutilisation des masques.
Son Smartphone dans un sac congélation
En parallèle, d’autres mesures visant à réduire les besoins en équipement ont été prises : limiter le nombre d’intervenants auprès de chaque malade (sans étudiants, et externes, les médecins devant examiner et prélever eux-mêmes), favoriser la téléexpertise grâce aux smartphones placés dans des sachets en plastique hermétiques (sac congélation) et servant à communiquer avec des confrères hors de toute sécurisation des données… Ce sont ces échanges « sauvages » d’images qui ont permis de faciliter les diagnostics de lésions cutanées ou de vascularites liées au SRAS-CoV-2.
L’avènement des « makers »
L’épidémie de COVID a aussi permis aux « makers » de trouver une place sur le devant de la scène. Ces collectifs apparus dans les années 2000 aux États-Unis et regroupés dans des FabLabs, proposent, alors que les usines sont à l’arrêt, de mettre à profit leur créativité, leur culture digitale et leur utilisation de l’open source (le partage des données) en les mixant avec des savoir-faire traditionnels et les possibilités offertes par les imprimantes 3D. Très rapidement, ils ont proposé des visières de protection du visage. Comme sur le site makerscovid.paris.
Désormais, des dizaines de plans sont partagés libres de droits : masques FFP2, pièces de respirateurs, voire des respirateurs entiers, caisses de protection à placer sur les patients de réanimation pour éviter le risque d’aérosolisation (et surtout remplacer les ponchos de pluie placés sur les patients et utilisés jusque-là).
L’AP-HP s’est saisie du phénomène et propose une plateforme interne d’impression haut débit pour répondre aux besoins sanitaires urgences des soignants. Son site covid3d.org a pour but de fédérer des initiatives de conception et d’impression 3D pour lutter contre le COVID-19 en Île-de-France. Pêle-mêle, on y trouve les plans d’une protection nasale pour porteurs de masque (pour éviter les plaies de nez), des adaptateurs pour utiliser les masques de plongée Décathlon ® dans des services ou les patients sont sous aérosols, des poignées sans contact, des pousses bouton (afin de ne pas être en contact direct…) et des portes élastiques de masques pour éviter les lésions causées par les élastiques des masques derrière les oreilles…
Rowan N ; Laffey J. Challenges and solutions for addressing critical shortage of supply chainfor personal and protective equipment (PPE) arising from Coronavirusdisease (COVID19) pandemic–Case study from the Republic of Ireland. Science of the Total Environment 725 (2020) 138532
Friese C, Veenema T, Johnson J et coll. Respiratory Protection Considerations for Healthcare Workers During the COVID-19 Pandemic. Health Security Volume 18, Number 3, 2020 ª
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