Je suis médecin exerçant en ville et en EHPAD. Je déplore que nous ne puissions pas prescrire de la chloroquine maintenant, dès qu'un patient présente un symptôme évocateur d’infection, même si les preuves scientifiques de son efficacité sur le Covid-19 ne sont pas toutes réunies.
Il y a des indices sérieux pour que ce traitement fonctionne. Nous ne pouvons pas attendre les résultats des études qui viennent d'être mises en route. Nous sommes dans l'urgence, nous ferons de la science plus tard. En temps normal, j’adore la science mais nous ne sommes plus en temps normal. Si nous attendons un mois les résultats, il y aura entre temps des dizaines de milliers de morts supplémentaires.
La chloroquine existe depuis 1949 et plus d’un milliard de patients au moins l'ont prise dans le cadre du traitement ou de la prévention du paludisme : nous avons du recul. Sur le plan de la toxicité, celle-ci est bien connue, elle est assez rare, maîtrisable, et les médecins sont formés pour l'éviter, en connaissant les contre-indications. Au pire, si elle n'est pas efficace nous n'aurons pas sauvé de vies, mais si elle est efficace – comme le pense Didier Raoult — en ne la prescrivant pas, nous condamnons à mort des milliers de gens.
La chloroquine ne coûte rien, et même le labo Sanofi en a donné des millions de boîtes à l'État. Si elle est efficace, dès les premiers symptômes de la maladie, elle pourrait peut-être permettre de diminuer l’afflux de malades sévères dans les services hospitaliers et les réanimations.
Pourquoi ne pas la donner dès le début de la maladie, pour tenter de limiter le passage à des formes graves ? Lorsque les malades sont en réanimation, avec des lésions pulmonaires étendues qui justifient qu'ils soient ventilés, cela n'a plus beaucoup d'intérêt de leur prescrire.
De plus, les personnes âgées vivant en EHPAD, et qui ne pourront probablement pas bénéficier de mesures de réanimation, mais qui représentent la population la plus à risque d'en mourir, ne peuvent bénéficier d'aucun traitement autre que du paracétamol. Notre déontologie et les lois éthiques internationales nous précisent bien que l’intérêt du patient doit toujours primer sur celui de la science.
Un gouvernement qui n'avait rien prévu
Ce gouvernement, malgré ses efforts actuels, persiste dans les erreurs successives. Il n’avait rien prévu depuis mi-janvier où l'épidémie devenait préoccupante et où les scientifiques compétents l'avaient prévenu. Il a décidé du confinement avec 15 jours de retard, dans la hâte, mais a maintenu les élections municipales. De même, de nombreuses EHPAD appliquent déjà le confinement réel en chambre des résidents, que vient de préconiser le gouvernement. Il fallait le faire il y a 15 jours ! Le confinement n’a pas d’efficacité si 60 personnes confinées se réunissent trois fois par jour pour manger dans le même réfectoire ! Que fera-t-il avec la chloroquine ?
Dire que le port de masque ne servait à rien a également été une grave erreur. Je vois beaucoup de malades ayant une toux et/ou un syndrome grippal qui ne portent pas de masque, ne comprenant pas qu’ils mettent leur entourage et leurs concitoyens en danger. Il est pourtant évident qu’il faille stopper la diffusion de virus à la source de sa production. Même si les masques sont introuvables en pharmacie, il est toujours possible, lorsqu’on tousse, de recouvrir sa bouche d’un foulard, d’une écharpe ou d’un morceau de tissu que l’on pourra plier pour augmenter son action de filtre. L’efficacité n’en a pas été testée par des études randomisées, mais je pense quand même que c’est mieux que de projeter un aérosol de fludge et de virus dans l’atmosphère.
Pendant les querelles entre gouvernants et experts, des gens meurent dans des hôpitaux, des maisons de retraite ou à leur domicile. Je le rappelle, nous sommes dans l'extrême urgence, tout retard de décision et tout blocage de nos gouvernants coûte en vies humaines. Je constate sur les réseaux sociaux que les autres praticiens et la population française commencent à s’indigner de cette indécision. Après la vague de l’épidémie, il y aura vraisemblablement une vague de ressac.
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