La communauté microbienne vivant dans notre intestin joue un rôle majeur dans de nombreuses fonctions physiologiques. Le microbiome intestinal s’établit à la naissance et se développe pendant les 2 à 3 premières années de la vie, parallèlement au développement du système immunitaire.
Deux études publiées dans la revue « Science Translational Medicine » ont caractérisé les perturbations provoquées par les antibiotiques administrés durant cette période critique et ont aussi analysé l'impact de la césarienne (comparée à l’accouchement vaginal) ou de l’allaitement artificiel (plutôt que maternel) sur la flore intestinale.
Baisse de la diversité
« La population microbienne hébergée par l’intestin durant la petite enfance semble être cruciale pour la santé humaine, en ce sens qu’une baisse de sa diversité est impliquée dans de nombreuses maladies allergiques et auto-immunes, explique le Dr Ramnik Xavier, directeur de l’unité gastro-intestinale du Massachusetts General Hospital (Boston) et membre du Broad Institute (MIT, Cambridge). Notre étude a analysé le microbiome intestinal du nourrisson à un degré de résolution permettant d’identifier les souches bactériennes. De plus, en suivant au fil du temps nos jeunes participants, nous avons pu découvrir des résultats qui n’auraient pas été révélés par des échantillons uniques de chaque patient. »
Yassour, Xavier et coll, ont étudié 39 enfants finlandais en analysant leurs échantillons de selles recueillis chaque mois durant les 3 premières années de la vie. Parmi eux, 35 étaient nés par voie basse, les 4 autres par césarienne. La moitié d’entre eux n’a reçu aucun antibiotique durant les 3 ans, tandis que l’autre moitié a reçu entre 9 à 15 antibiothérapies orales, le plus souvent pour traiter des otites (91 %) ou des infections respiratoires (6 %).
Chaque échantillon de selles était analysé par séquençage ARN standard pour identifier les populations microbiennes. En outre, un séquençage génomique plus détaillé réalisé sur un quart des échantillons permettait d’identifier les souches spécifiques au sein des espèces bactériennes.
Déficit en Bacteroïdes
« Les résultats montrent le puissant effet du mode d’accouchement », précise le Dr Moran Yassour (Broad Institute et MGH). On le savait dans une certaine mesure. Les enfants nés par césarienne sont déficitaires en Bacteroïdes pendant les 6 à 18 premiers mois de la vie, alors que c’est l’espèce dominante dans le microbiote intestinal des enfants naissant par voie vaginale. Nous l’avons confirmé, mais nous avons découvert avec surprise que 20 % des enfants nés par voie vaginale ont la même signature intestinale, à savoir le manque de Bacteroïdes dans les 6 à 18 premiers mois. Nous ignorons encore ce qui distingue ces enfants des autres. »
L’étude confirme aussi une relation entre la durée de l’allaitement maternel et l’abondance des espèces Bifidobacterium, cependant certains bébés allaités s’avèrent présenter un faible taux de cette espèce bactérienne.
« Nous avons aussi découvert que les enfants traités par antibiotiques ont une communauté microbienne moins stable et moins diverse en terme d’espèces et de souches bactériennes. Enfin, lorsque nous examinons les gènes bactériens de résistance aux antibiotiques, nous observons après le traitement une hausse rapide des gènes de résistance à l’antibiotique, suivi par un déclin rapide pour les gènes portés par les chromosomes microbiens, tandis que certains gènes de résistance portés par les ADN "éléments mobiles" (capables de transmettre la résistance aux autres bactéries) persistent plus longtemps après l’arrêt de l’antibiothérapie », poursuit le spécialiste.
« Il est clair que dans certains cas l’antibiothérapie est importante et nécessaire pour la santé de l’enfant, souligne le Dr Moran. Mais lorsque les antibiotiques sont prescrits trop facilement, il faut considérer les autres conséquences. Une étude suivra pour explorer quel type d’intervention pourrait aider à atténuer ces conséquences. »
Persistance pendant un an
Une seconde étude de Bokulich et coll. a examiné le microbiote intestinal de 43 nourrissons américains durant les 2 premières années de la vie. Bon nombre de résultats sont parallèles. « Nous montrons que le microbiote des nourrissons évolue selon une voie de développement. Il existe un cours normal du développement, mais la césarienne, l’allaitement artificiel et les antibiotiques perturbent ce développement. Les effets de la césarienne persistent encore un an après, explique au « Quotidien » le Dr Martin Blaser (New York University Langone Medical Center). Ces résultats concordent avec les études montrant un risque accru de maladies en association avec la césarienne ou des antibiothérapies précoces. »
Science Translational Medicine, 15 juin 2016, Yassour et coll., Bokulich et coll.
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