La pandémie virale, dont on ne mesure pas encore la réelle sévérité, et qui met lourdement à contribution, dans des conditions très difficiles, les soignants, révèle des dysfonctionnements dont il faudra faire l’inventaire, et pose à court et moyen terme des choix de société.
Les victimes de cette pandémie se compteront, en France, par dizaines de milliers, et même s’il était impossible de prévoir avec exactitude son ampleur, nul doute qu’une anticipation raisonnable eût été préférable à une communication hasardeuse dont la teneur s’est avérée au mieux contre-productive, au pire délétère par certains aspects.
Personne ne peut nier, quoi qu’affirme le premier ministre, qu’il y ait eu un retard au démarrage de la prise en compte du phénomène dans notre pays, et il serait apprécié, dans ce contexte une certaine humilité...
Dans le même registre, l’absence totale de stock de masques FFP2 et l’insuffisance avérée du stock de masques chirurgicaux ne pouvaient être ignorées des administrations et des ministres, quand les mêmes assuraient que les Français n’avaient aucun souci à se faire.
La reconnaissance tardive de cet état de fait, imputable aux gouvernements qui se sont succédé cette dernière décennie, s’est accompagnée d’un discours sur la finalité et l’utilité des masques, en fonction de leur type et des personnes concernées, qui ne trompaient pas les professionnels de santé, mais dont le but, dans l’esprit des décideurs, était de minimiser l’importance de ce péché originel auprès de leurs administrés.
Des héros mis en péril
Malheureusement, cette impréparation à demi avouée (mais pas pardonnée) mettait en péril en premier lieu ceux-là mêmes qui allaient être chargés de combattre l’épidémie, les soignants de tous bords, ceux-là mêmes que le président allait qualifier de héros, et qui auraient préféré qu’on leur fournisse de quoi assurer leur protection, pour eux-mêmes et ceux qu’ils allaient soigner. Le discours était mobilisateur, promesse était faite, l’intendance allait suivre, mais ne pouvait être tenue, compte tenu du retard initial et des capacités de production limitées.
Le maintien du premier tour des municipales, alors que le confinement devenu indispensable était annoncé, aurait pu passer pour anecdotique, mais le décès probable de victimes en rapport avec l’organisation de cette élection ne peut être passé sous silence, ne serait-ce que par respect pour ces élus qui auront perdu la vie, pour satisfaire de piètres intérêts politiciens.
Nous citerons rapidement le manque de matériel de réanimation, les tensions (euphémisme généralement utilisé quand il s’agit de rupture) sur les médicaments, le manque d’écouvillons ( !) et de réactifs pour les tests, tous ces éléments qui mettaient notre pays en fâcheuse posture pour affronter ce mortel défi.
Malgré ces handicaps, la capacité des citoyens français à se mobiliser à tous les niveaux, leur investissement sans faille pour les uns, leur discipline pour les autres, permettront de vaincre ce destin contraire, sans éviter de payer un (trop) lourd tribut.
Redéfinir les priorités
Lorsque sera venu le temps de la rétrospection, il ne faudra rien éluder de ce passé et garder en mémoire les leçons chèrement payées. Les économistes et les politiques de tous bords ne pourront faire l’impasse d’une introspection véritable et devront se poser des questions sur le fonctionnement de nos sociétés occidentales, et redéfinir les priorités qui permettront au minimum de se préparer à d’éventuelles répliques, ou à les prévenir.
Le néolibéralisme, la mondialisation, la recherche du profit à tous crins, la dévastation de notre écosystème ont fait la preuve de leurs limites et des risques qu’ils font courir à notre planète. Souhaitons que l’imagination reprenne le pouvoir, que le bon sens et l’intérêt public prennent le pas sur les intérêts privés, que les élus prennent la mesure des défis à relever et oublient les vieilles recettes qui ont fait le lit de cette tragédie. S’ils ne sont pas prêts à changer de paradigme, ils ne sont plus légitimes.
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024