Les mécanismes de l'infection par le chikungunya sont encore mal connus, mais un coin du voile vient d'être levé. Les chercheurs de l'unité INSERM/CNRS « Génomes, Biologie cellulaire et thérapeutique » (université paris Diderot) au sein de l’équipe d’Ali Amara ont en effet identifié une protéine essentielle à la réplication du virus dans ses cellules cibles, les cellules musculaires et les fibroblastes. Son petit nom ? FHL1.
Laurent Meertens est le premier auteur de l'étude parue dans « Nature » qui détaille ces résultats. Il rappelle au « Quotidien » les grandes étapes de l'infection par le chikungunya : « Après une piqûre par un moustique infecté (Aedes sp.) et une première phase de réplication dans les fibroblastes de la peau, le virus dissémine par voie sanguine jusqu’aux sites privilégiés de la réplication virale que sont les cellules myoblastiques et les fibroblastes présents dans les muscles et les articulations », explique-t-il.
Il n'existait jusqu'à présent pas de mécanisme expliquant cette préférence du virus pour les cellules musculaires et articulaires. La découverte du rôle de FHL1, déjà connue pour être associée à la dystrophie musculaire d'Emery Dreifuss, vient en partie combler ce vide.
19 000 gènes passés en revue
Dans un premier temps, les chercheurs ont utilisé l’approche CRISPR-Cas9, permettant de couper sélectivement une séquence génomique précise. Des cellules humaines haploïdes ont été soumises à une large variété de ces ciseaux moléculaires en mesure de casser l'ensemble des 19 000 gènes humains répertoriés, de manière à générer une librairie cellulaire où chaque cellule n'aurait qu'un seul gène inactivé.
Après introduction du chikugunya dans le milieu de culture, les auteurs ont constaté que parmi les cellules résistantes à l’infection, nombreuses possédaient un gène FHL1 invalidé. Un tel résultat semblait signifier que FHL1 est une protéine essentielle à la réplication du virus, qui plus est de façon très spécifique. « C'est la première fois que l'on met en évidence une implication de cette protéine dans un mécanisme de réplication virale, précise Laurent Meertens. Les fonctions les mieux connues de FHL1, jusqu'à présent étaient son rôle dans la croissance musculaire, ainsi que son rôle de senseur biomécanique de la tension musculaire. »
Confirmation chez la souris
Afin de confirmer cette première observation in vitro, les chercheurs de l’INSERM ont fait la démonstration de la résistance à l'infection des fibroblastes et myoblastes issus de patients atteints de dystrophie musculaire d'Emery Dreifuss, incapables de produire une protéine FHL1.
Une nouvelle confirmation in vivo a été obtenue en collaboration avec des chercheurs de l’Institut Pasteur. Les chercheurs ont inoculé des souris venant du croisement entre une mère hétérozygote ayant à la fois une version mutée et une version sauvage du gène codant pour FHL1, et des mâles n'ayant qu'une version sauvage du gène, ce dernier étant situé sur le chromosome sexuel X. La descendance mâle de ces croisements est composée d'individus exprimant une version fonctionnelle de la protéine FHL1 et d'individus ne l'exprimant pas. Cette dernière catégorie de souris était totalement résistante à l'infection et ne développait pas de maladies. Enfin, au cours de leurs travaux, les auteurs ont également mis en évidence l’importance de l’interaction entre FHL1 avec la protéine virale nsP3 pour son rôle proviral.
« Pour l'instant, notre hypothèse est que le virus usurpe la fonction naturelle de FHL1, et que cette perte de fonction temporaire pourrait être à l'origine de la pathogenèse, explique Laurent Meertens. La prochaine étape de nos travaux va se dérouler sur 3 niveaux : mieux comprendre l'interaction FHL1/nsP3 et son rôle dans la pathogenèse, détailler la structure moléculaire de cette interaction, et "designer" des inhibiteurs capables de l'antagoniser et qui pourront être à l’origine d’une nouvelle approche thérapeutique. »
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