Protection directe ou indirecte ?

Vaccins Covid : l'efficacité chez les sujets âgés en question

Par
Publié le 06/11/2020
Article réservé aux abonnés
Les stratégies de priorisation des vaccins Covid dépendront de l'efficacité observée chez les sujets âgés.
Plus de 200 candidats en phase 3 sont en développement à travers le monde

Plus de 200 candidats en phase 3 sont en développement à travers le monde
Crédit photo : Phanie

Une stratégie de priorisation des vaccins Covid aux sujets âgés se révélera-t-elle la bonne ? Si l'âge est un facteur majeur de formes graves de l'infection, il n'est pas dit que les candidats vaccins seront suffisamment efficaces dans cette tranche de la population. Dans un éditorial, deux épidémiologistes américains exposent comment définir les politiques vaccinales en fonction de la protection conférée dans les groupes à risque.

Fin juillet déjà, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié les grandes lignes de sa stratégie de vaccination contre le Covid-19. Soignants, sujets avec comorbidités et personnes âgées sont des cibles prioritaires, mais ne seront pas forcément les individus à vacciner, comme l'a expliqué fin septembre au « Quotidien » la Pr Élisabeth Bouvet, présidente de la Commission technique des vaccinations. Encore beaucoup d'inconnues subsistent en effet autour de l'efficacité des vaccins : sécurité à long terme, durée de la protection, efficacité d'une vaccination partielle ou à moindre dose, potentiel du virus à échapper à l'immunité induite…

Et une question centrale se dégage : les vaccins vont-ils empêcher la transmission ou la survenue de formes graves ? Si les futurs candidats disponibles s'avèrent agir sur la transmission et/ou être d'une efficacité assez mauvaise chez les seniors, « il est très vraisemblable qu'ils seront proposés à l'entourage des sujets à risque et aux professionnels de santé », a précisé la responsable à la HAS.

Dans leur éditorial, Marc Lipsitch de l'École de santé publique, T. H. Chan de Harvard et Natalie Dean de l'université de Floride ne disent pas autre chose en théorisant le problème entre protection directe et indirecte. Les deux spécialistes américains citent en exemple le vaccin antigrippal qui reste peu efficace chez les sujets âgés avec une réponse immunitaire faible et de courte durée. Si les plus de 65 ans font toujours partie des cibles prioritaires en France, des stratégies de protection indirecte sont avancées pour gagner en efficacité via la vaccination des plus jeunes.

En serait-il de même pour le Covid ? Pour l'instant, il n'y a pas de réponse claire, car les essais de phase 3 n'ont pas la puissance nécessaire pour évaluer de façon fiable l'efficacité dans des sous-groupes, tels que les sujets âgés. Le problème est d'autant plus marqué que les personnes âgées sont encore sous-représentées dans les études.

Solutions pour générer des données

Pour les deux épidémiologistes, un suivi en aveugle à long terme devrait apporter des données sur les effets du vaccin selon l'âge, comme prévoit de le faire jusqu'à 12 mois l'essai Solidarity de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Mais ce n'est pas sans risque éthique : les participants pourraient être appelés à renoncer au vaccin alors que ce dernier devient disponible en quantités suffisantes. Outre le suivi prolongé, les méta-analyses peuvent apporter des éléments de réponse, en compilant les données d'essais multiples, comme c'est le cas pour le vaccin d'AstraZeneca développé avec l'université d'Oxford et testé aux États-Unis, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni ou encore au Brésil. 

De multiples vaccins aux effets différents

Le suivi post-AMM de cohortes prioritaires pourrait se révéler également très informatif en offrant la possibilité de s'intégrer aux programmes existants pour la grippe. Un tel système permettrait ainsi de surveiller simultanément plusieurs vaccins.

Les stratégies de priorisation des vaccins chez les sujets âgés dépendront ainsi de l'effet sur la contagiosité et sur la sévérité de la maladie. Pour les éditorialistes, l'un des pires scénarios serait un vaccin efficace qui réduit l'expression de l'infection chez les plus jeunes mais sans fournir une protection directe ou indirecte chez les plus âgés.

Les épidémiologistes gardent néanmoins espoir car les candidats vaccins en développement sont nombreux et utilisent un mélange de technologies existantes et innovantes. Et de conclure : « Bien que les vaccins varient dans leurs caractéristiques, disposer de preuves fiables sur la protection directe et indirecte peut aider à planifier comment les utiliser de façon coordonnée ». Si une dizaine est avancée en phase 3, plus de 200 vaccins sont en développement contre le Covid à travers le monde.

M Lipsitch et al. Science, 2020. 101126/science.abe5938

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin