PAR LE Dr OLIVIER GILBERT ET LE Pr OLIVIER FOURCADE*
LES SERVICES de réanimation présentent des particularités par rapport aux services traditionnels car la majorité des patients ne peuvent émettre un avis éclairé ; le rôle des proches en est majoré. Depuis 2002, afin de lutter contre le paternalisme médical et d’améliorer l’autonomie du patient, le code de santé publique impose, si cela est possible, que soit proposée au patient la désignation d’une personne de confiance pour représenter sa volonté s’il ne peut l’exprimer. Lors des décisions de limitation où d’arrêt des thérapeutiques, l’information des proches est indispensable. Toutefois, n’étant pas les représentants légaux, ils n’ont qu’un rôle consultatif (1), la prise de décision revenant au médecin. Lors d’un sondage d’opinion français, 90 % des personnes interrogées souhaitaient qu’un membre de leur famille participe aux décisions médicales concernant leur propre santé s’ils étaient dans l’impossibilité de s’exprimer (2), alors que moins d’un Français sur deux souhaitait effectivement participer à ces décisions pour un proche (3).
Les familles ayant pris part aux décisions de limitation ou d’arrêt des soins ayant abouti au décès du patient sont plus à risque de développer des états de stress post-traumatique les mois suivants (4). Lautrette et coll. ont récemment montré le bénéfice de la mise en place de rencontres destinées aux proches, lors du choix d’une stratégie palliative et de leur poursuite après le décès (réduction significative du taux d’anxiété et de dépression) (5).
L’information des proches lors des prises de décision améliore la communication avec les soignants, facilite la transition des soins curatifs aux soins palliatifs si nécessaire, évite les traitements inutiles et diminue les conflits. Une mauvaise communication pourra entraîner une majoration du stress, mais aussi un détachement dans le processus décisionnel. Les conditions d’un entretien peuvent être difficiles en réanimation en raison de problèmes organisationnels (manque de disponibilité, multiplicité des intervenants et de leurs
approches) ou d’une mauvaise compréhension des proches, du fait du contexte psychoaffectif. En interrogeant les familles après une entrevue avec un médecin, on constate que la moitié n’a pas correctement compris le message (diagnostic, traitement ou pronostic) (6). Une plus grande écoute et des entretiens plus longs sont revendiqués. Une étude multicentrique française a évalué le temps moyen passé par les médecins pour informer les familles à seize minutes, dont seulement cinq dédiées à l’écoute des proches (7). Des entretiens plus longs et une meilleure équité du temps de parole favorisent l’implication des familles. Les études du groupe FAMIREA nous montrent qu’une communication trop courte, donnée par des soignants mal identifiés et comportant des informations contradictoires est associée à une insatisfaction plus importante des familles. Les litiges avec les structures de soins sont souvent liés à un défaut de communication.
Un binôme médecin infirmière clairement identifié.
L’information, premier besoin des familles en réanimation (8), revêt une importance majeure du fait de la gravité des pathologies, de la mortalité élevée (près de 25 %) et de l’ambiance anxiogène de ce type de service. Les sociétés savantes françaises de réanimation se sont une nouvelle fois exprimées sur la position à adopter envers les familles dans une conférence de consensus en 2009 (www.sfar.org). Idéalement, l’entretien sera réalisé par un binôme médecin-infirmière, clairement identifié, à des moments précis, dans un lieu dédié, neutre. La première entrevue, déterminante pour la relation de confiance, doit être réalisée le plus précocement possible. Les soignants doivent s’enquérir de l’état de connaissances de la famille et du contexte psychoaffectif avant de délivrer des informations. Après ce temps d’écoute, le soignant utilisera des mots simples en évitant les termes techniques. Les points suivants seront abordés : diagnostic présumé, traitements envisagés, durée prévisionnelle du séjour, attentes du traitement mis en route et possibilités évolutives. L’entretien essaiera de faire ressortir la connaissance des souhaits du patient. Une personne référente pourra être désignée. Les autres entretiens se feront à intervalles réguliers ou à la demande de la famille. L’information et le ressenti des proches seront tracés dans le dossier médical. Un certain nombre de familles sont dans un processus de déni de la réalité, mécanisme de défense devant des situations traumatisantes. Ce phénomène ne doit pas être vécu comme un échec, mais doit être repéré et respecté par les soignants. Des entretiens réguliers permettront d’instiller les informations selon le rythme d’acceptation des familles.
Les familles d’origine étrangère ne maîtrisant pas parfaitement le français doivent recevoir une attention particulière et des temps d’entretien plus longs. La présence d’un interprète médical est obligatoire, mais non suffisante. Une mise au point préalable du contenu de l’entretien avec l’interprète apporterait un bénéfice.
La participation aux soins.
Des équipes favorisent la participation des familles aux soins afin d’améliorer leur satisfaction et le confort du patient. Dans une étude auprès de 78 services de réanimation français, seulement un tiers des familles était désireux de participer aux soins (9). Cependant, ces résultats pouvaient être faussés par la technicité des actes proposés (toilettes, aspirations trachéales). Lorsque des soins plus appropriés étaient envisagés (massages, soins de bouche), 97 % des familles y étaient favorables (10). Des approches favorisant le contact et le bien-être doivent être privilégiées.
La délivrance d’un livret d’accueil a montré un bénéfice sur la dépression et l’anxiété des familles ainsi que sur la compréhension du diagnostic et du traitement (11). Les proches pourront y retrouver les informations pratiques (coordonnées, glossaire des termes techniques, conditions d’accueil, etc.).
Les horaires de visite doivent être élargis, l’ouverture en continu ayant montré une diminution des symptômes d’anxiété chez les patients. On ne retrouve pas d’effet délétère sur les soins et la présence des proches n’est finalement que de deux heures par jour environ. Le nombre de visiteurs et les conditions d’accueil dans les chambres doivent faire l’objet d’une réflexion dans chaque service en fonction des possibilités. En dehors de situations particulières, le port systématique d’une blouse de protection par les familles est déconseillé. Les visites des enfants doivent être favorisées s’ils le souhaitent, mais elles doivent être préparées avec l’équipe soignante.
L’accueil et l’information font partie intégrante du soin et sont nécessaires à une bonne prise en charge. Des recommandations ont été émises et de nombreux projets sont en cours pour améliorer le confort des patients et des proches.
*Service d’anesthésie-réanimation, CHU de Toulouse.
(1) Comité consultatif national d’éthique. Consentement éclairé et information des personnes qui se prêtent à des actes de soin ou de recherche. Avis n°58 du 12.06.1998.
(2) Azoulay E et coll. Opinions about surrogate designation: A population survey in France. Crit Care Med 2003;31:1711-4.
(3) Azoulay E et coll. Half the family members of intensive care unit patients do not want to share in the decision-making process: A study in 78 French intensive care units. Crit Care Med 2004;32:1832-8.
(4) Azoulay E et coll. Risk of post-traumatic stress symptoms in family members of intensive care unit patients. Am J Respir Crit Care Med 2005;171:987-94.
(5) Lautrette A et coll. A communication strategy and brochure for relatives of patients dying in the ICU. N Engl J Med 2007;356:469-78.
(6) Azoulay E et coll. Half the families of intensive care unit patients experience inadequate communication with physicians. Crit Care Med 2000;28:3044-9.
(7) Fassier T et coll. One-day quantitative cross-sectional study of family information time in 90 intensive care units in France. Crit Care Med 2007;35:177-83.
(8) Molter NC. Needs of relatives of critically ill patients: a descriptive study. Heart Lung 1979;8:332-9.
(9) Azoulay E et coll. Family participation in care
to the critically ill: opinions of families and staff. Intensive Care Med 2003;29:1498-504.
(10) Garrouste-Orgeas M et coll. Opinions of families, staff, and patients about family participation in care in ICUs. in press.
(11) Azoulay E, et coll. Impact of a family information leaflet on effectiveness of information provided to family members of intensive care unit patients: a multicenter, prospective, randomized, controlled trial. Am J Respir Crit Care Med 2002;165:438-42.
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