Le Quotidien des lecteurs

Médecine du travail : un décret dangereux

Publié le 21/09/2010
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Les Molières (91)

DR JEAN HVOSTOFF

Par le décret du 26 août 2010, les employeurs pourront mandater le médecin contrôleur (bien rémunéré) de leur entreprise afin de constater que l’arrêt de travail d’un salarié est justifié ou abusif, et leur décision fera autorité. La seule sentence d’arrêt injustifié de ce médecin contrôleur fera perdre au salarié ses indemnités journalières y compris celles versées par la Sécurité sociale.

Le seul recours du salarié est, dans les dix jours (en recommandé avec accusé de réception ?), de demander à sa Caisse de Sécurité sociale de venir constater son état. Durant cette attente le salarié malade doit-il reprendre son travail ? Le temps que la Sécurité sociale réagisse et qu’un médecin-conseil voit le patient, celui-ci sera peut-être déjà cliniquement apte à reprendre son travail ou l’aura repris ?

Le gouvernement a augmenté le pouvoir de l’employeur vis-à-vis du salarié. Et nous pouvons pressentir le fignolage du harcèlement au travail. Pour licencier un salarié, il suffit de :

1/- Harceler sur son lieu de travail la personne dont on veut se séparer afin de provoquer son arrêt de travail.

2/-Dés réception de son arrêt de travail, envoyer le médecin contrôleur de l’entreprise pour qu’il prononce la sentence d’arrêt de travail injustifié.

3/-Obliger le salarié à reprendre immédiatement son travail en maintenant la pression.

Très rapidement cette personne craquera et donnera sa démission ou se suicidera. Quoi qu’il en soit l’employeur aura obtenu son départ à peu de frais !

Quand l’arrêt de travail est considéré comme abusif, le salarié doit obtenir l’aval de sa caisse pour un nouvel arrêt. Le harcèlement peut continuer puisque le salarié doit être présent sur son lieu de travail tant que sa caisse d’assurance-maladie n’a pas donné son aval pour un arrêt de travail. Sinon il peut être accusé d’abandon de poste et donc licencié pour faute grave. Comment doit se comporter dans ce cas ? Le salarié qui a une gastro-entérite à 8-10 selles par jour (métro, bus, RER n’ayant pas de toilettes, doit-il porter une couche-culotte ?), ou un syndrome grippal avec 39-40 °C, etc. ?

En conclusion, le gouvernement :

- Donne aux entreprises un pouvoir monstrueux sur les salariés en leur permettant de peaufiner le harcèlement sur le lieu de travail. C’est ce qu’il appelle faire du social.

- Déprécie le travail du Médecin-conseil de la Sécurité sociale, qui doit se soumettre à l’avis du Médecin contrôleur de l’entreprise et le valider. Le travail d’un Médecin contrôleur d’une entreprise est-il considéré comme plus objectif, plus consciencieux que le travail du Médecin-conseil de la Sécurité sociale ?

- Continue à discréditer le Médecin Généraliste qui ne prescrirait d’arrêt de travail que par complaisance.

Je suis étonné que, à part l’Ordre des Médecins, ce décret ne soit pas relevé par les médias non médicaux, et n’ait révolté aucun syndicat, aucun député ni sénateur.

Pouilly en auxois (21)

DR PIERRE-MARIE GIROUX

À quand des patients soignés par des robots ? 

Frédréric Van Rœckeghem, directeur des caisses d’assurance maladie nous écrit personnellement; puis il enfonce à nouveau le clou avec la « la lettre d’information aux médecins » pour nous expliquer que la feuille de soins électronique (FSE) est la panacée. « Nous avons tous à y gagner », affirme-t-il.

Il déplore les 150 millions de feuilles de papier encore traitées en 2009 pour un coût de 1,74 euro la feuille, contre 27 centimes pour une FSE. Il vante la forme dématérialisée, mais en médecine l’on n’aime pas trop ce qui est dématérialisé. ?

Monsieur le directeur oublie de vous dire que les 220 millions d’euros économisés serviront en tout ou partie à indemniser les anciens employés qui étaient occupés à traiter les feuilles de soins papier.

Je me suis laissé dire qu’avant les FSE, la moitié des employés de la sécurité sociale étaient nécessaires pour traiter les feuilles papier.

Ou le nombre d’employés a été réduit d’autant, ou, si l’effectif des employés de la sécurité sociale n’a pas changé, c’est que l’on paie des gens à se tourner les pouces.

-Service rendu à vos patients ? C’est le travail de la sécurité sociale de rendre le meilleur service à ses affiliés. Elle en a les moyens grâce à leurs super-cotisations. Le meilleur service rendu à nos patients, pour nous médecins, c’est de faire le bon diagnostic, de prescrire le bon traitement pour conduire nos patients à la guérison, ou au pire, au mieux que l’on puisse espérer.

-Incitation accrue ? On ne répond même pas le Directeur se moque de nous.

Le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, interrogé sur le déficit de la sécurité sociale, a déclaré il y a peu, qu’il fallait changer le système de cotisation !

Si je comprends bien : éponger le déficit, c’est pomper plus de fric aux cotisants, aux entreprises, aux épargnants ?

Réduire le déficit, c’est une meilleure gestion et redonner le sens des responsabilités à tous les acteurs de la santé : professionnels de santé, patients, gestionnaires des hôpitaux, de l’industrie pharmaceutique…

Michel chassang n’a sûrement pas exercé en secteur 2 et n’a pas été affilié à la caisse RSI-PL.

Il pourra utilement se référer au bulletin « CAMPL actifs, provinces » de juin 2010.

Dans son éditorial, le président Michel Gonelle nous annonce que nos deux caisses PL (RSI-IDF et RSI provinces) ont un excédent technique de recettes sur les prestations servies, de 54 %.

Voila une bonne gestion de nos caisses maladie accompganée de la modération de la consommation des affiliés de ces ré"gimes de protection sociale, qui sont des gens responsables ?

Nous gérons nos caisses de sécurité sociale, comme nous gérons nos propres entreprises, en bons pères de famille, comme l’on disait dans le temps !

Beaune (21)

DR CHARLES HENRI SIMON

Soutier de la médecine

C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai pris connaissance de l’interview des Professeurs Gilles Brücker et Christine Katlama, concernant leurs relations avec Madame Liliane Bettencourt.

Je pense avec eux qu’il est insupportable d’être l’objet de telles calomnies publiques. Je voudrais juste souligner que Madame le Pr Katlama déclare pudiquement : « Nous avons été amenés à la conseiller ou à l’aider parfois à se frayer un chemin à l’hôpital, comme nous le faisons pour tous nos proches ».

En clair, cela signifie obtenir des passe-droits pour une amie (très) fortunée. Je ne sais pas ce qu’en pensent les anonymes qui restent pendant des heures sur un brancard aux Urgences, dans des conditions inhumaines, en attendant qu’on leur trouve un lit dans un Service.

Pour ma part, soutier de la médecine, il m’arrive aussi, parfois, d’être obligé d’aider certains patients à se frayer un chemin à l’hôpital, non qu’ils soient riches et généreux, mais au contraire, parce qu’ils sont clochards, toxicomanes, marginaux.

J’ai de la chance, personne encore ne m’a reproché le moindre conflit d’intérêt !


Source : Le Quotidien du Médecin: 8819