« JE SUIS BOULEVERSÉE, confie le Dr Nicole Honorat. Ce passage à l’acte, comme les précédents, est abominable. Après l’annonce d’un plan par le P-dg, cet événement tragique indique que l’on assiste actuellement à une perte de confiance dans l’entreprise. » Âgé de 51 ans, marié et père de deux enfants, le salarié s’est jeté d’un pont sur l’autoroute A41, près d’Alby-sur-Chéran (Haute-Savoie) ; employé dans une centrale d’appel téléphonique située à Annecy-le-Vieux, il a laissé une lettre à l’intention de son épouse, dans laquelle, précise la préfecture de Haute-Savoie, « il explique que c’est le climat au sein de son entreprise qui a rendu propice le passage à l’acte ».« Il travaillait sur un plateau qui était connu depuis longtemps pour être invivable, a commenté un syndicaliste de la CFTC , il y avait une vraie indifférence, aucune humanité, on ne parlait que de chiffres, les salariés étaient connus pour être de la chair à pâté. Une semaine après le début de la négociation sur le stress au travail, on pensait que les managers auraient compris. »
Les moyens pour intervenir en urgence.
Le Dr Honorat, médecin du travail à France Télécom, à Paris, depuis dix-huit ans, suit elle-même les salariés d’un plateau téléphonique. « Des procédures ont été mises en place pour que nous puissions suivre les personnes en souffrance. Des techniciens reconvertis dans la fonction commerciale sont en particulier exposés. Ce sont les managers qui nous les signalent. Mais il en est des managers comme des autres collaborateurs, ils sont plus ou moins coopérants et usent des méthodes managériales diverses. » Pour sa part, le Dr Honorat estime qu’elle dispose des moyens pour intervenir en urgence et rencontrer les personnes fragiles qui lui sont signalées : « J’évalue leur situation et, suivant les cas, je les oriente vers leur médecin généraliste ou, avec l’accord de celui-ci, vers un psychiatre. Il m’est arrivé aussi de les accompagner aux urgences hospitalières. Des avis d’inaptitude sont posés, et des aménagements de postes peuvent être envisagés. Dans tous les cas, les personnes fragiles sont revues, au moins tous les mois, parfois tous les trimestres. »
Le Dr Honorat estime avoir les moyens d’assurer ce suivi, mais c’est, regrette-t-elle, au détriment de ses autres consultations, nombreuses, puisqu’elle suit un effectif de 2 200 salariés. Ses décisions sont-elles toujours respectées par la direction de l’entreprise ? « Oui, répond-t-elle. Si mes avis n’étaient pas suivis, j’en aurais tiré les conséquences, comme plusieurs de mes collègues, qui ont choisi, ces dernières années, de quitter l’entreprise. »
Le médecin du travail parisien déplore cependant de ne pas avoir pu se concerter avec les dirigeants du groupe lors de l’adoption du plan destiné à mettre un terme à la série de suicides. « Nous en avons pris connaissance comme le public, par médias interposés. » Elle exprime le vu qu’ « une concertation puisse s’instaurer dorénavant entre les dirigeants et les médecins du travail pour reconstruire un sentiment de bien-être. »
Pour elle, dans cette entreprise qui subit une mutation importante, avec toutes les modifications qu’elle entraîne auprès de salariés qui n’y étaient pas forcément préparés, la première urgence consiste à recueillir les signalements chez des personnes fragiles en souffrance. Sans doute ne sont-elles pas toute repérées. « Et c’est tout l’intérêt, souligne-t-elle, d e l’espace écoute qui a été créé, que de se tenir disponible en permanence pour recueillir les plaintes, proposer des rencontres avec les personnes, procéder à des analyses et leur proposer les prises en charge qui conviennent. »
De source syndicale, le salarié qui s’est suicidé lundi avait été signalé comme une personne en difficulté, après avoir muté d’un service de relations avec les entreprises vers le plateau d’appel d’Annecy.
« Nous ne sommes pas le SAMU, nous ne disposons pas de ses moyens », constate le Dr Honorat.
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