Sensation de brouillard cérébral, difficultés à maintenir son attention ou à trouver les mots, troubles de la syntaxe, mémoire immédiate défaillante, raisonnement laborieux… Après la fatigue, rapportée par 32 % des patients*, ces troubles cognitifs constituent l’une des principales gênes exprimées (par 22 %), parmi les symptômes prolongés du Covid-19, 12 semaines ou plus après le diagnostic.
« Compte tenu de leur fréquence élevée et de leur impact majeur sur la vie quotidienne, le repérage des troubles cognitifs est indispensable chez tout patient ayant des symptômes prolongés du Covid-19. Ce repérage systématique ne doit pas être négligé et commence dès la première consultation à partir des plaintes du patient et/ou de la présence de signes cliniques », argumente la Haute Autorité de santé en préambule de cette nouvelle fiche de réponses rapides, qui vient s’ajouter aux autres diffusées depuis février 2021. L’exercice du repérage est d’autant plus délicat que certains patients sous-estiment voire nient leurs troubles, ces derniers étant par ailleurs changeant selon le niveau de fatigue. Sans oublier que leur apparition et leur sévérité ne semblent pas liées à la gravité de l’infection initiale.
Écoute active et questionnaires pour un bilan initial
Le bilan initial doit permettre, dans le cadre d’une écoute active, de repérer les signes et les symptômes évocateurs de troubles cognitifs et d’évaluer leur retentissement sur la vie quotidienne, professionnelle et sociale. Quand les patients se plaignent d’une gêne au quotidien, le médecin peut procéder à un test cognitif de débrouillage. Ceci à l’aide : d’un questionnaire de plainte mnésique (en 15 questions) ; du questionnaire de plainte cognitive (QPC), plus simple ; ou encore de l'échelle de Moca (durée de passation 10 minutes), corrélée à l’examen du médecin qui doit primer, surtout chez les patients jeunes et/ou de niveau intellectuel élevé, pour lesquelles cette échelle peut s’avérer peu sensible. Si le Moca est < 26 et/ou si les troubles cognitifs impactent la vie quotidienne, un bilan neuropsychologique complet est indiqué.
Un bilan neuropsychologique complet, a fortiori à réaliser quand les troubles s’aggravent, peut être fait en consultation hospitalière, en centre de mémoire ou en cabinet libéral. Il explore au minimum les fonctions de base, l’attention, la mémoire immédiate et de travail, les fonctions exécutives, le rythme de travail, la mémoire à long terme, les fonctions instrumentales, et le langage. « Il est fractionné pour les patients sujets à des exacerbations post-effort », précise la HAS.
Diagnostic différentiel
Le médecin doit éliminer : une maladie neurodégénérative, notamment chez un sujet âgé (maladie d’Alzheimer, etc.) ; une autre pathologie neurologique avec atteinte cérébrale (sclérose en plaques, traumatisme crânien, AVC, etc.) ; un syndrome d’apnée du sommeil en cas de ronflements ; ou encore un trouble anxiodépressif parfois associé. Celui-ci est à rechercher d’autant plus quand le bilan neuropsychologique est normal.
L’IRM cérébrale peut être réalisée pour éliminer une autre pathologie : l’absence d’anomalie spécifique des symptômes prolongés du Covid n’exclut en rien des troubles cognitifs liés à un Covid long. Quant au TEP scanner cérébral, il peut aussi servir au diagnostic différentiel, après avis spécialisé neurologique ou consultation mémoire. « Des hypométabolismes ont pu être mis en évidence dans certaines régions profondes du cerveau, mais avec une sensibilité variable et une corrélation imparfaite entre l’imagerie et la clinique », lit-on. Pour rappel, la physiopathologie exacte des troubles cognitifs d’un Covid long reste mal connue, malgré plusieurs hypothèses à l’étude (neuro-inflammation chronique microgliale, persistance virale sanctuarisée, atteinte microvasculaire avec troubles de la coagulation, modification du métabolisme énergétique).
Rééducation cognitive spécifique
Si un dysfonctionnement cognitif est mis en évidence, la HAS préconise une rééducation cognitive, pour améliorer les troubles, diminuer leur retentissement au quotidien, aider les patients à les comprendre et les accepter, et à revenir dans leur vie professionnelle. Cette rééducation s’apparente plutôt à une éducation (contrairement à ce qui est proposé dans le cadre de l’Alzheimer, par exemple) ; les patients apprennent à développer des stratégies cérébrales d’épargne et de compensation, pour éviter les rechutes. Un suivi au long cours peut être nécessaire, ponctué par un bilan de réévaluation.
Concrètement, la rééducation cognitive peut être faire par un orthophoniste ou par un neuropsychologue, pour une remédiation cognitive. Les séances peuvent porter sur : l’entraînement des fonctions perturbées conjointement à un apprentissage à une meilleure autogestion du rythme et des activités, les stratégies compensatoires, l’adaptation de l’environnement, la métacognition, la psychoéducation. Enfin, des exercices d’auto-rééducation peuvent être proposés au patient après le bilan par un professionnel.
La HAS publiera dans les prochaines semaines un guide du parcours de soins post-Covid-19, précise l’instance.
*Dans une méta-analyse de 43 études observationnelles portant sur 13 332 patients ayant eu le Covid-19
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?