Depuis la première greffe de rein en France en 1959, plus de 104 000 transplantations rénales ont été réalisées et, actuellement, plus de 40 000 personnes vivent avec un rein greffé. Cependant, le nombre de greffes de donneur vivant réalisées en France est très en-deçà des autres pays européens (15 % alors que l'objectif à atteindre est de 20 %).
Informer sur le don du vivant
Dans ce contexte, si un médecin généraliste suit un malade en attente de greffe de rein, il est légitime pour lui parler du don du vivant, plaide la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT). « Le cercle des donneurs éligibles a été élargi par la loi. Il ne s'agit plus uniquement des donneurs génétiquement apparentés », précise le Pr Christophe Mariat, vice-président (et futur président) de la SFNDT et chef de service (CHU Saint-Etienne). Aujourd'hui, conjoints et amis peuvent en effet donner, un comité indépendant recevant les candidats au don de rein pour vérifier l'absence de pression. En revanche, une greffe d'un donneur vivant reste toujours destinée à une personne bien identifiée : le mari, l'ami, le fils, etc. La personne candidate au don de rein va bénéficier d'un check-up très complet pour s'assurer que le fait de donner ne va pas lui faire courir de risque pour sa propre santé, à court, moyen et long termes.
En pratique, l'intervention se fait généralement sous cœlioscopie (avec une cicatrice discrète). L'hospitalisation excède rarement 4 ou 5 jours mais un arrêt de travail de 6 à 8 semaines est nécessaire. Ensuite, le donneur bénéficie d'un suivi médical systématique annuel. Il n'a aucun reste à charge. « Étant donné que les candidats sont rigoureusement sélectionnés et bien mieux suivis que la population générale, ils ont une très bonne espérance de vie avec des bénéfices internes de santé globale », rassure le Pr Mariat. Hormis l'hospitalisation au moment de l'intervention, la seule contrainte est de venir à l'hôpital en amont pour bilan (avec deux à trois venues au CHU sur 6 mois). En revanche, « le suivi annuel n'a pas besoin de se faire dans le service. Et il est possible de reprendre le sport ensuite : tout est fait pour qu'il n'y ait aucune conséquence sur la qualité de vie et sur la santé du donneur », insiste-t-il.
Enfin, comparativement à des greffes réalisées à partir de donneurs décédés, celles à partir de donneurs vivants ont de meilleurs résultats : moins de rejets et une plus longue espérance de vie du greffon.
Des préjugés à combattre
Au-delà de l’information sur la greffe rénale à partir de donneurs vivants, la parole portée par le médecin généraliste est aussi importante pour lutter contre les idées fausses qui circulent sur la greffe en général. « Alors que le consentement présumé devrait permettre d'obtenir plus de greffons, dans les faits, le taux d'opposition des familles n'a jamais été aussi élevé : en 2023, il était de 36 % (contre 30 % auparavant) et même de 42 % dans la tranche des 18-50 ans, peut-être en raison d'une certaine méfiance vis-à-vis du système de santé », regrette le Pr Mariat. Les besoins sont donc loin d'être couverts. En 2023, il y a eu un peu plus de 5 500 greffes d'organes (tous organes confondus) en France, dont environ 3 325 greffes de rein. Le nombre de nouveaux inscrits en 2023 a été, lui, de 8 700. Avec ceux déjà inscrits et toujours en attente de greffon, cela fait un total d'environ 11 500 patients en attente de greffe. Il existe donc une inadéquation entre besoins et greffons disponibles qui a entraîné le décès d'environ 1 000 patients sur liste.
« Le très mauvais buzz fait autour de l'histoire du patient soi-disant décédé aux États-Unis (sur des critères uniquement cliniques) et qui se serait réveillé au moment de la récupération de ses organes a eu un effet négatif alors que cela ne peut pas se produire en France, où le constat de décès repose sur des examens objectifs. Un pic de refus a été enregistré sur le registre national du refus de consentement », déplore le Pr Mariat. D'autres idées circulent, comme le fait que les grandes religions monothéistes seraient contre (ce qui n'est pas le cas) ou qu'il y ait des limites d'âge pour être donneur (alors que c'est plutôt l'état de santé qui compte).
S'il est questionné sur ces sujets, le généraliste est légitime pour rétablir la vérité. Pour susciter le dialogue, des brochures ou un poster dans la salle d'attente ou dans le cabinet ont un réel intérêt (agence-biomedecine.fr). Il peut aussi demander à ses patients s'ils y ont déjà réfléchi et discuté de leur volonté avec leurs proches. En effet, les sondages de rue montrent que 80 à 85 % des Français se disent favorables à donner leurs organes en cas de décès, mais qu'ils ne l'ont pas fait savoir autour d'eux. Certaines villes participent à leur niveau en ajoutant, sous le panneau du nom de la ville, « ville ambassadrice du don d'organes » et organisent des conférences avec l'appui des médecins. De la même manière, il existe des universités ambassadrices du don dans le but de sensibiliser les jeunes populations.
200 millions d’euros pour la greffe
Un plan Greffe 2022-2026 a été lancé par le gouvernement pour répondre au constat d'une baisse drastique du nombre de greffes pendant et après la pandémie de Covid (- 25 % de greffes réalisées en France), notamment en raison de la saturation des hôpitaux. « Ce quatrième plan Greffe s'accompagne pour la première fois d'un financement de 200 millions d'euros avec des objectifs quantifiés en termes de nombre de greffes supplémentaires attendues, nombre de greffes de donneurs vivants, etc., et une répartition de l'effort sur l'ensemble des régions. Il a d'ailleurs été nommé, dans chaque ARS, un référent greffe », explique le Pr Mariat.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024