Malgré l’efficacité de la thrombectomie pour traiter un AVC ischémique, le résultat reste peu satisfaisant pour la moitié des patients, qui conservent des séquelles fonctionnelles même quand la revascularisation est un succès. La revascularisation d’un gros vaisseau n’empêche pas la persistance d’occlusions de plus petits vaisseaux. C’est pourquoi des thérapies adjuvantes sont proposées : antiagrégant plaquettaire ou antithrombotique. Deux nouvelles études randomisées contrôlées contre placebo ne parviennent cependant pas à démontrer l’intérêt de l’injection par voie intra-artérielle d’un fibrinolytique (activateur du plasminogène) après la thrombectomie lors de la phase aiguë.
Publiés dans le Jama, ces deux travaux, menés par des médecins de l’université médicale militaire chinoise, suivaient le même protocole. L’essai Post-TNK (1) visait à évaluer l’intérêt d’une thrombolyse adjuvante par ténectéplase et Post-UK (2) par urokinase. Dans les deux cas, plus de 500 patients (respectivement 540 et 535) hospitalisés moins de 24 heures après la survenue des symptômes d’un AVC causé par l’obstruction d’un gros vaisseau intracrânien ont été recrutés et randomisés entre un groupe recevant une injection intra-artérielle de ténectéplase ou d’urokinase après une revascularisation par thrombectomie et un groupe sans thrombolyse.
« Avec cette combinaison, on atteint des taux de recanalisation de 80 à 90 %, mais selon le score Tici, la qualité de la recanalisation est très hétérogène
Pr Mikaël Mazighi, hôpital Lariboisière
Les recommandations de la société européenne de l’AVC, qui prévalent en France, préconisent une thrombolyse intraveineuse (jusqu’à 4 h 30) puis une thrombectomie (jusqu’à 6 voire 24 heures chez des patients très sélectionnés selon l’imagerie) lors de la phase aiguë. « Avec cette combinaison, on atteint des taux de recanalisation de 80 à 90 %, explique le Pr Mikaël Mazighi, chef du département de neurologie de l’hôpital Lariboisière (AP-HP). Mais en utilisant le score Tici, on voit que la qualité de la recanalisation est très hétérogène. Seulement 30 % des patients atteignent le score Tici3, c’est-à-dire une revascularisation de 100 % du territoire concerné. » Il est donc nécessaire de développer des stratégies plus efficaces.
Une tendance non significative
Dans l’essai Post-TNK, les patients ont été évalués à l’aide d’une échelle d’invalidité, le score de Rankin modifié, allant de 0 (pas de symptôme) à 6 (décès). Un patient était considéré comme ayant complètement récupéré s’il avait un score de 0 ou 1 au bout des 90 jours de suivi. Les auteurs constatent que c’était le cas pour 49,1 % des patients du groupe sous ténectéplase, versus 44,1 % du groupe contrôle, avec une différence non statistiquement significative. La mortalité à 90 jours n’était pas statistiquement différente dans les deux groupes (16 % versus 19,3 %) de même que le risque hémorragique (6,3 % contre 4,4 %).
Dans l’essai Post-UK, le critère d’efficacité était la survie sans handicap à 90 jours. Le groupe sous urokinase n’avait pas de chance significativement plus élevée que le groupe contrôle de survivre sans handicap jusqu’à la fin du suivi : 45,1 % contre 40,2 %. La mortalité à 90 jours (18,4 % contre 17,3 %) et l’hémorragie intracrânienne (4,1 % dans les deux groupes) étaient également similaires.
Ces résultats sont à rapprocher des données de l’étude Choice, dans laquelle 121 patients avaient été recrutés. La moitié de ceux (51 %) qui ont reçu de l’altéplase, un autre fibrinolytique, a atteint un score inférieur à 1 sur une échelle de handicap fonctionnel, contre 40,4 % de ceux qui ont reçu un placebo. Après ajustement sur des facteurs de risque, la différence entre les deux groupes était statistiquement significative. Toutefois, l’étude s’était arrêtée après avoir inclus seulement 60 % du nombre de patients prévu.
Une bonne sécurité d’emploi
En outre, en utilisant d’autres outils de mesure du handicap fonctionnel, tels que l’échelle des National Institutes of Health (NIH), la différence entre les deux groupes n’était plus statistiquement significative, comme le notent dans un éditorial les Drs Diederik Dippel, Ching Khan et Bridget Schoon, du département de neurologie du centre médical universitaire Erasmus, aux Pays-Bas. Ces trois chercheurs ne concluent toutefois pas qu’il faille évacuer la bithérapie thrombectomie-thrombolyse, arguant qu’il n’y avait pas de signe d’une moins bonne sécurité chez les patients traités.
Une position que partage le Pr Mazighi. « Même si l’effet n’est pas significatif sur le plan statistique, il y a une tendance, explique-t-il. L’absence de résultat pourrait s’expliquer par un problème de taille d’effectif. Il faudrait des études plus vastes. » La voie intra-artérielle permettrait une diffusion plus locale et précise. « Ça ouvre des perspectives à l’avenir pour l’administration de fibrinolytiques », conclut le Pr Mazighi.
(1) J. Huang et al., Jama, 2025.
DOI : 10.1001/jama.2024.23466
(2) C. Liu et al., Jama, 2025.
DOI : 10.1001/jama.2024.23480
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024