Dans l’AVC, quels bénéfices à traiter l’HTA en préhospitalier ?

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Publié le 21/06/2024
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Faire baisser l’hypertension artérielle dans l’ambulance quel que soit le type d’accident vasculaire cérébral (AVC) n’est pas une bonne stratégie, confirme une étude chinoise. A priori bénéfique dans l’AVC hémorragique, l’approche intensive est délétère dans les formes ischémiques. Des outils diagnostiques dans le camion permettraient une prise en charge précoce personnalisée.

Dans l’AVC, il y a du temps à gagner en préhospitalier avec une prise en charge personnalisée dans le camion

Dans l’AVC, il y a du temps à gagner en préhospitalier avec une prise en charge personnalisée dans le camion
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Faut-il traiter l’hypertension artérielle (HTA) dans l’accident vasculaire cérébral (AVC) dès l’ambulance, avant d’en connaître la nature ischémique ou hémorragique ? C’est la question à laquelle a voulu répondre un essai chinois randomisé contre placebo sur 2 404 patients âgés en moyenne de 70 ans. Si l’étude baptisée Interact4 n’a pas mis en évidence d’amélioration sur le pronostic fonctionnel à 90 jours, il ressort que les patients ayant un AVC hémorragique tireraient bénéfice d’une prise en charge tensionnelle précoce intensive. Les résultats sont publiés dans The New England Journal of Medicine.

La réduction de l’HTA est connue pour être bénéfique dans l’AVC hémorragique, notamment depuis l’étude Interact de 2008 (avec une cible de TA < 140 mm Hg dans l’heure). Et les recommandations actuelles de l’HTA varient selon le mécanisme de l’AVC : quand un traitement antihypertenseur est à même de limiter la croissance de l’hématome dans l’AVC hémorragique, les objectifs tensionnels dans l’AVC ischémique sont moins restrictifs partant du principe que l’autorégulation améliore la perfusion des zones en pénombre et le sauvetage tissulaire.

Un bénéfice dans l’AVC hémorragique

Dans ce travail, les patients inclus présentaient un déficit moteur avec une TA systolique ≥ 150 mm Hg, constaté dans l’ambulance dans les deux heures suivant l’apparition des symptômes. L’administration du traitement antihypertenseur (un vasodilatateur alphabloquant, l’urapidil, couramment utilisé en Chine) était immédiate dans le groupe intervention pour une cible à 130-140 mm Hg. Pour le groupe témoin, un traitement antihypertenseur était mis en place pour une TA systolique ≥ 220 mm Hg. Le critère principal de jugement était le score de Rankin (allant de 0 [pas de symptômes] à 6 [décès]) à 90 jours après randomisation.

À l’arrivée à l’hôpital, la TA systolique moyenne était de 159 mm Hg dans le groupe intervention par rapport à 160 dans le groupe soins standard. Le TDM a confirmé l’AVC à l’hôpital pour 2 240 patients, avec 1 041 ayant une forme hémorragique (46,5 %). Aucune différence n’a été constatée sur le critère principal ni sur l’incidence des événements sévères. Dans le groupe intervention, le risque de mauvais pronostic était diminué pour les AVC hémorragiques (- 25 %) et augmenté pour les ischémiques (+ 30 %).

Dans l’AVC ischémique, la TA élevée semble être plus un marqueur de gravité, qu’un facteur à corriger

Pr Mikaël Mazighi, neurologue à l’hôpital Lariboisière (AP-HP)

TDM embarqué et biomarqueurs pour investir le préhospitalier

Que faut-il conclure de cette étude négative ? « Ce papier intéressant souligne différents enjeux pour l’avenir, explique au Quotidien le Pr Mikaël Mazighi, neurologue à l’hôpital Lariboisière et à la Fondation Rothschild. Il reste encore beaucoup à faire dans l’AVC et il faut investir le préhospitalier. Pour un effet sur le pronostic, il faut perdre moins de temps. C’est un signal encourageant pour l’hémorragie cérébrale, qui est le parent pauvre dans l’AVC. Mis à part baisser la TA, il n’y a pas grand-chose, même si la chirurgie peut être proposée dans certaines situations ».

Mais pour le neurologue, avant de débuter un traitement en préhospitalier, il faut d’abord un diagnostic : « On a l’impression d’être bénéfique pour l’AVC hémorragique, mais délétère pour l’AVC ischémique ». Ce qui n’est pas une surprise. « Le design de l’étude était discutable. Une série d’études a montré qu’avec une prise en charge intensive de la TA des AVC ischémiques, on ne rend pas service aux gens, rappelle le Pr Mazighi. Comme l’hyperglycémie, la TA élevée semble être plus un marqueur de gravité de l’AVC ischémique, qu’un facteur à corriger. L’HTA n’est corrigée que si la TA est supérieure à 220/120 mm Hg ». Un intérêt qui est d’autant plus limité en Europe et en Amérique du Nord que la proportion d’AVC ischémiques/AVC hémorragiques est de l’ordre de 80/20 quand elle est d’environ 50/50 en Chine.

Comment aller plus loin dans la prise en charge préhospitalière ? « L’ambulance avec TDM embarqué est une piste, on aurait sans doute eu de beaux résultats dans l’AVC hémorragique, indique le neurologue. Mais c’est une option coûteuse. En France, il n’existe qu’une initiative d’unité mobile à Paris à l’hôpital Sainte-Anne avec le projet Asphalt ».

Pour le Pr Mazighi, d’autres stratégies sont plus réalistes, comme le développement de biomarqueurs compagnons dans le camion. « Il en existe déjà certains prometteurs comme le GFAP, dont les concentrations élevées sont associées à l’AVC hémorragique, mais il faut encore l’évaluer », explique-t-il. Le consortium de recherche Booster, qu’il coordonne, comporte un axe diagnostique visant à identifier de nouveaux biomarqueurs pour les caillots intracrâniens. « Nous travaillons sur un panel de biomarqueurs préhospitaliers, notamment pour différencier l’AVC ischémique de l’hémorragique, détaille-t-il. Le projet prévoit de constituer une cohorte de 4 000 patients d’ici à 2025 ».

G. Li et al., N Engl J Med, 2024 ; 390:1862-72.


Source : Le Quotidien du Médecin