Les facultés cognitives impliquées dans la navigation dans l'espace sont parmi les premières à être altérées chez les patients souffrant de la maladie d'Alzheimer. C'est pourquoi une idée a germé dans l'esprit des membres du laboratoire d'informatique en image et système d'information de l'Université de Lyon (UMR 52-05 -Université de Lyon) : pourquoi ne pas se servir d'un jeu vidéo doté d'un environnement en 3 dimensions pour réaliser des tests d'orientation spatiale ?
Ce jeu, c'est Sea Hero Quest VR, élaboré avec l'aide du studio de développement Glitchers. Le joueur incarne un capitaine de bateau dont la principale occupation consiste à retrouver son chemin dans des labyrinthes de plus en plus complexes, sur la base de cartes fournies au début de chaque niveau. Il doit aussi tirer en cloche des fusées éclairantes sur des cibles non visibles mais dont le joueur doit auparavant avoir mémorisé la position approximative. Pour renforcer l'immersion, Sea Hero Quest VR est un jeu en réalité virtuelle disponible sur l'Oculus Rift. Plus d'explications dans cette vidéo :
En théorie, plus les capacités d'orientation spatiales du patient sont affûtées, meilleur son score sera dans le jeu. Mais comment s'assurer que les capacités d'orientation virtuelles sont le reflet fidèle de celles dans le monde réel ? Les chercheurs ont répondu à cette question dans un article publié en mars 2019 dans « Plos One ». L'équipe d'Antoine Coutrot y décrivait une première évaluation de la pertinence de leur dispositif chez 49 participants, dont 25 femmes, âgés de 18 à 35 ans.
La moitié des participants habitaient à Londres et l'autre moitié à Paris. Dans les deux cas, les participants qui avaient les meilleurs résultats dans le jeu étaient aussi les plus dégourdis pour se repérer dans leur ville. Les auteurs ont ajusté leurs résultats pour plusieurs facteurs confondants, à commencer par l'expérience des participants en matière de pratique des jeux vidéo. Les auteurs en déduisent que Sea Hero Quest est « écologiquement validé dans le monde réel », ce qui en fait un outil potentiellement « sensible, sûr, peu coûteux et facile à administrer pour évaluer la capacité cognitive à naviguer dans l'espace ».
Identifier les facteurs confondants
Cette constatation étant faite, quid des éléments qui, dans l'histoire personnelle du patient, ont pu influencer le résultat ? Et en premier chef : le lieu où ils ont grandi ? Certaines études suggèrent en effet par exemple que le réseau socio-économique dense des grandes villes peut servir de « tampon » contre le risque de dépression.
Le 30 mars dernier, la même équipe a publié la suite de son travail dans « Nature ». Cette fois-ci, l'échelle était bien plus grande grâce au crowdsourcing. En ouvrant leur logiciel au grand public européen (avec l'aide des équipes de l'université du Münster, de Northumbria, du Collège Universitaire de Londres et de l'institut fédéral des technologies de Zurich), ils ont vu leur jeu expérimenté par plus de 4 millions de participants répartis dans 53 pays et issus de villes aux profils très variés.
À partir des données fournies par 400 000 de leurs utilisateurs, répartis dans 38 pays, les chercheurs ont constaté que les capacités de navigation dans l'environnement étaient homogènes au sein des groupes de personnes originaires de la même zone géographique. Les joueurs ayant grandi en ville ont un moins bon sens de l'orientation que ceux ayant grand en dehors des villes, indépendamment de leur âge ou leur niveau d'éducation.
Par ailleurs : le fait de grandir dans une ville dotée d'un réseau de rue peu resserré et très orthogonal comme Chicago est associé à de meilleures performances que des personnes qui grandissent dans une ville avec un réseau dense comme Prague ou Paris. Dans certains pays comme la France, la Roumanie ou l'Inde, les plans des villes sont suffisamment alambiqués pour qu'il n'y ait pas de différence significative entre ville et campagne.
Le mythe du mauvais sens d'orientation féminin
En dehors des informations cruciales pour la mise au point d'un test grand public de dépistage de la maladie d'Alzheimer, les travaux lyonnais lèvent un coin de voile sur un certain nombre de notions. Par exemple, les chercheurs ont pu explorer la question de la différence de capacité de navigation spatiale entre hommes et femmes.
Leur conclusion bat en brèche la supposée supériorité des messieurs dans ce domaine. Si les hommes avaient effectivement de meilleurs scores en général, la différence était directement corrélée au score d'égalité entre les hommes et les femmes établi par le rapport du Forum économique mondial. Il y a ainsi peu de différences de genre en termes de navigation spatiale dans les pays scandinaves, beaucoup plus en Égypte ou en Arabie saoudite.
Forts de ces données, les chercheurs en informatique vont entrer dans une phase de validation clinique de leur outil, en proposant des sessions de jeu à des patients souffrant de formes plus ou moins avancées de la maladie d'Alzheimer.
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