Premiers résultats de l'étude INSIGHT

Le risque de développer la maladie d'Alzheimer n'est pas lié à l'intensité des plaintes mémorielles

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Publié le 26/01/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le risque de développer la maladie d'Alzheimer n'est pas corrélé à la fréquence et l'intensité des plaintes mémorielles du patient.

Telle est la première conclusion à mi-parcours de l'étude Française INSIGHT-AD, visant à suivre un groupe de volontaires âgés préoccupés par leur mémoire. Ces résultats ont été présentés mercredi à l'ensemble des participants rassemblés mercredi à la fondation Louis Vuitton, à Paris, ou le Pr Dubois a voulu leur rendre hommage.

Les 318 volontaires, âgés de 70 à 85 ans, sont régulièrement soumis à un grand nombre d'examens : IRM et PET amyloïdes tous les deux ans, évaluation cognitive tous les 6 mois, encéphalogramme annuel, sans oublier de fréquents tests mémoriels et une analyse génétique. Cette batterie d'analyses doit fournir les éléments pronostics à même de prédire l'apparition et l'évolution de la maladie.

Tous ces patients sont traités à l'institut de la mémoire et de la maladie d'Alzheimer (IM2A), et 88 présentaient des lésions PET-amyloïdes à l'inclusion. Ils ont été recrutés sur la base d'une plainte mémorielle, mais ne présentent pas de troubles cognitifs repérables à l'aide des différents tests menés par les chercheurs. ll s'agissait en majorité de femmes (62,9 %) avec un haut niveau d'étude.

Des lésions asymptomatiques à l'inclusion

Les patients ayant des lésions amyloïdes au début de l'étude n'avaient pas des scores significativement différents de ceux sans lésions à l’issue du test du rappel libre et rappel indicé (FCSRT), du test de mémoire MBT, et des tests de fluence lexicale et d'apathie. En revanche, ils obtenaient des scores significativement plus faibles lors des tests de fonctions cérébrales liées au cortex préfrontal. Une différence qui disparaît une fois les résultats ajustés pour l'âge. « Les patients présentant des lésions étaient en moyenne plus âgés que ceux sans lésions », précise en effet le Pr Bruno Dubois, directeur de l'unité de neurologie cognitive et comportementale de la Pitié-Salepétrière (AP-HP) et investigateur principale d'INSIGHT.

Avec ces deux ans de recul, plusieurs constats peuvent être dressés. Le premier est qu'il n'existe pas de corrélation entre l'intensité des plaintes, évaluée via un questionnaire, et le risque de développer la maladie. « C'est un message important pour les médecins généralistes confrontés aux plaintes mémorielles de leurs patients âgés », précise le Pr Dubois. L'autre constatation est qu'avec seulement 4 malades symptomatiques sur plus de 88 présentant des plaques, « il va falloir à l'avenir de grandes séries de patients pour démontrer l'efficacité d'un traitement ciblant les agrégats de protéine Tau », constate le Pr Dubois.

Préparer les essais cliniques de demain

Plusieurs inhibiteurs de plaques amyloïdes ne sont en effet pas parvenus à démontrer leur efficacité dans le traitement de la maladie d'Alzheimer car les essais étaient menés sur des patients dont la pathologie était déjà trop avancée. Pour monter des études sur des patients encore asymptomatiques, il faut parvenir à établir les profils de patients qui développeront la maladie. « D'un point de vue éthique, il faut qu'on soit certain qu'on n'administre pas une molécule à un patient qui ne sera jamais malade », poursuit le Pr Dubois. L'identification des marqueurs pronostics fait partie des enjeux d'INSIGHT, mais pour l'instant seule la charge amyloïde au départ mesurée grâce au PET scan a été identifiée, une confirmation de travaux plus anciens.

Les mécanismes derrière l'émergence des symptômes de la maladie d'Alzheimer sont encore mal connus. « Il existe une relation complexe entre la dégénérescence neurofibrillaire (DNF) causée par l'altération de la protéine Tau et la survenue de lésion amyloïde dans le cortex affirme le Pr Dubois. La DNF localisée dans l'hippocampe est un mécanisme normal chez le sujet âgé, mais il semblerait que la survenue de lésions amyloïdes dans le cortex provoque l’irruption des lésions tau en dehors de l’hippocampe. »

Encore 3 ans de suivi assurés

L'étude n'a pas fini de produire des résultats. L'évolution des plaques amyloïdes des patients qui n'ont pas développé la maladie à ce stade n'est pas encore connue. « Nous n’avons pas analysé tous les PET scan à deux ans explique le Pr Dubois, on sait qu'elles vont augmenter, mais on ne sait pas encore à quel rythme. Nous allons maintenant essayer d’avoir un suivi le plus long possible, précise le Pr Dubois, nous disposons de 5 ans de financement. Au-delà, il faudra que je reprenne mon bâton de pèlerin », sourit-il.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9550