Chacun voit la mort – la sienne ou celle d’autrui – comme midi à sa porte. Le militaire, comme une péripétie professionnelle, l’assassin comme un accident, le médecin comme un combat contre la nature, le philosophe comme une fin en soi, le prêtre comme un commencement et non un terme.
Mais moi qui suis comme autrui, au moment où, dépouillé de toute identité d’emprunt, je me retrouve seul devant cette incertitude universelle quand je suis inquiet, ou comme une curiosité quand je me retourne sur mon passé, je me dis qu’il n’y a pas une sorte de mort mais des variétés de morts.
Ce qui caractérise la mort de chaque être humain, c’est son préambule : le parcours et le sens de toute une vie, les conditions des quelques années ou instants qui l’ont précédée, et surtout le fait de s’éteindre ou pas en toute conscience.
Le médecin qui assiste aux derniers instants d’un de ses nombreux patients, peut en être affligé, mais n’ayant vécu à ses côtés que quelques moments, il en évacue l’idée pour passer à autre chose. Ce décès sera sans doute présent dans sa mémoire, mais – à quelques exceptions près – comme un fait technique dépourvu de toute émotion. Et c’est plutôt rassurant pour la sécurité des suivants. En d’autres termes si, à l’occasion, son souvenir se réveille, il ne le perpétue pas dans sa propre vie, il ignore ce qu’était réellement cet homme ou cette femme.
La mort c’est cela : l’effacement de la réalité d’une vie dans la mémoire de ceux qui restent.
Bien différente est la signification du moment où l’être cher s’éteint sans savoir qu’il est en train de mourir, parce que depuis des années, il a perdu toute conscience de lui-même et de ceux qui l’entourent. Celui qui reste, qui l’a accompagné depuis les premiers jours jusqu’à son dernier souffle, s’est substitué à tous ses besoins, a anticipé tous les dangers, a assumé toutes les épreuves, et de ce fait s’est substitué à sa propre vie. Il a dû – par nécessité – pénétrer au plus profond de sa personnalité pour satisfaire ses désirs connus.
Aussi au moment où cette sorte de mort physique arrive – bien qu’elle fût médicalement « programmée » – celui qui y assiste et reste, le vit comme une simulation de sa propre mort, une répétition avant la « grande première » : la sienne.
L’intéressé(e) n’est pas conscient de ce qui arrive. Celui qui est là, et bien vivant, est le seul à savoir qu’ils traversent ensemble le Styx. Un véritable transfert s’est opéré. Celui qui reste continue à vivre, non seulement avec la présence du disparu, mais avec tous les rites qu’ils avaient établis ensemble. De fait, ceux qui ont ainsi accompagné jusqu’au bout un être cher, savent bien que le récit ne s’arrête pas là. Le périple continue pour celui qui reste. Comment échapper à sa présence, alors que pendant des années il s’est évertué à la remplacer à tout moment et pour tout ?
Impossible de se défaire des automatismes domestiques durement acquis.
Celui qui a ainsi perdu la vie lentement et sans en avoir eu conscience, continue à vivre par procuration dans la chair et dans l’esprit de celui (l’aidant) qui l’a accompagné, alors que lui survit, condamné – tel Sisyphe – à porter sans recours le fardeau au de-là de cette mort.
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