On a longtemps pensé que l’effet des agents anesthésiques au niveau central était complètement réversible après leur arrêt. En fait, depuis une vingtaine d’années, de nombreuses observations ont montré une majoration de la neuro-apoptose qui accompagne physiologiquement le développement cérébral après administration d’anesthésiques à des animaux nouveau-nés (rongeurs, primates). Une diminution de la neurogénèse est également observée. Dans le cerveau en développement, il existe en effet une balance entre neurogénèse et apoptose neuronale, soumises à l’influence de facteurs environnementaux, dont les xénobiotiques.
Troubles cognitifs chez l’animal
Cette mort neuronale accrue est observée avec la majorité des anesthésiques employés en clinique, intraveineux (thiopental, kétamine, propofol, benzodiazépines…) ou inhalés (protoxyde d’azote, anesthésiques volatils halogénés). Elle a des répercussions comportementales : les animaux ont des performances cognitives altérées dans différents paradigmes (piscine de Morris, labyrinthe en croix surélevé, fear conditioning) et ce, à distance de l’élimination des anesthésiques.
La période du développement la plus altérée chez les différentes espèces exposées aux anesthésiques concorde avec le pic de la synaptogenèse constitutive. Par extrapolation, la période la plus à risque chez l’homme s’étendrait sur quelques mois avant et après la naissance.
Plusieurs traitements (dexmédétomidine, mélatonine, lithium…) ont un effet protecteur vis-à-vis des effets neurotoxiques des anesthésiques en conditions expérimentales mais, à ce jour, leur emploi chez le nouveau-né opéré n’est ni validé, ni justifié.
D’importantes limites, inhérentes aux conditions expérimentales, doivent être considérées. Le développement cérébral du rongeur se fait sur une échelle de temps beaucoup plus courte que chez l’humain et les protocoles d’anesthésie de quelques heures, correspondraient, en clinique, à une anesthésie de plusieurs jours. Surtout, la plupart des expériences ne comportent pas de chirurgie.
Chez l’Homme c’est moins clair
Plusieurs études cliniques rétrospectives sur registres ont suggéré que des difficultés (troubles des apprentissages, de l’attention…) sont plus fréquentes chez les enfants anesthésiés, mais leurs limites sont nombreuses. Ces registres n’ont pas été conçus pour étudier un lien entre le trouble considéré (par exemple, le trouble déficitaire de l’attention et hyperactivité) et l’anesthésie. Ils ne permettent pas de dissocier les effets de l’anesthésie de ceux de la chirurgie, ni de la maladie prise en charge. Les résultats des études cliniques prospectives comparatives en cours (études GAS, MASK, PANDA) ne sont pas encore disponibles.
On doit envisager l’éventualité que des résultats clairs chez l’animal ne le soient pas chez l’humain, pour plusieurs raisons : 1) l’humain est capable de palier un déficit par une stratégie d’adaptation permettant ainsi le maintien d’un phénotype normal, même en cas de perte neuronale, c’est à dire qu’il y a neurotoxicité mais qu’elle n’est pas apparente (par exemple en cas d’emploi de l’outil informatique pour pallier des difficultés d’écriture) ; 2) l’altération de la cognition attribuée aux anesthésiques pourrait être liée, en fait, à la maladie (anoxie/ischémie, collapsus…) ; 3) les conditions d’hospitalisation pourraient être responsables per se de troubles comportementaux (induits par la séparation des parents, le bruit, une désorganisation du sommeil…) Ce qui signifie qu’il peut y avoir eu neurotoxicité et/ou stress mais liés à un (ou des) facteur(s) autres que les anesthésiques.
Si les concepts évoqués ici étaient confirmés par les études en cours, un suivi spécialisé des enfants les plus à risque (anesthésies multiples et/ou lésion ou fragilité cérébrale concomitante ?) devrait en découler, mais le problème des files actives de patients et de la disponibilité d’un nombre suffisant de spécialistes se poserait alors.
Ces informations commencent à être reprises par la presse grand public ; la question de l’information aux parents va nécessairement être posée. Elle ne doit pas être faite sans concertation. L’élaboration de documents écrits semble utile, validés par des équipes expertes.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024