C'est un résultat important que les chercheurs du centre de recherche grenoblois Clinatec (voir encadré) ont communiqué à la presse française en juin en amont de leur présentation au congrès World Society for Stereotactic and Functional Neurosurgery (WSSFN) à Chicago du 3 au 6 septembre. Il s'agit des premières données prouvant le ralentissement des symptômes de la maladie de Parkinson grâce à la photobiomodulation intracrânienne, chez les trois premiers patients implantés. Une amélioration fonctionnelle significative de la marche a même été observée par les équipes du Pr Stephan Chabardes, chef du service de neurochirurgie au CHU Grenoble Alpes.
Le neurochirurgien a greffé, chez trois patients suivis entre 24 et 36 mois, tous répondeurs à la L-Dopa, un implant mis au point avec la société Boston Scientific. Ce dispositif se compose d'un boîtier, d'où sort une tige plongeant jusque dans les noyaux gris centraux dopaminergiques pour y délivrer des pulsations lumineuses d’une longueur d'onde de 670 nm (rouge), proche de l’infra-rouge. La sonde s'allume pendant une minute, toutes les quatre minutes. Les chercheurs n'ont pas tenté une illumination en continu pour épargner la batterie et éviter le risque d'épuisement des neurones exposés à la lumière.
Des récepteurs à la dopamine plus actifs
Dans les différentes cohortes de patients, une fois la maladie diagnostiquée, les patients perdent environ 10 % de leurs récepteurs à la dopamine chaque année. Au cours de l'étude grenobloise, le nombre de récepteurs détectés par le PET-scan n'a pas diminué au cours des trois années de suivi et a même augmenté. Les tests fonctionnels montrent en outre une diminution de l'akinésie et de la rigidité. La consommation médicamenteuse a également reculé. Les scientifiques de Clinatec supposent qu'au moment du diagnostic, une bonne partie des quelque 60 à 70 % des cellules dopaminergiques supposées mortes sont en fait mourantes et sont revivifiées par l'exposition à la lumière.
L'étude clinique va poursuivre son recrutement jusqu'à inclure 14 patients nouvellement diagnostiqués divisés entre un groupe implanté immédiatement puis suivi pendant quatre ans, et un groupe suivi quatre ans avant d’être implanté. « Il faut rester prudent, mais c'est très encourageant, estime le Pr Chabardes. Nous ne savons pas si cet effet se prolongera dans le temps. » Jusqu'à présent, les pistes de traitement restent insuffisantes : la stimulation cérébrale profonde ne ralentit pas la progression de la maladie, car les neurones dopaminergiques continuent à dégénérer ; et deux études récentes publiées dans The New England Journal of Medicine ont échoué à démontrer l'efficacité des anticorps monoclonaux cinpanemab et prasinezumab.
La photobiomodulation stimule les mitochondries et restaure leur fonction. On évite ainsi la détresse du neurone, l’inflammation et la gliose
Jean-Philippe Bourgoin, directeur adjoint de la recherche technologique à Clinatec
Mille nuances de photobiomodulation
La photobiomodulation fait partie des quatre grandes thématiques du centre de recherche Clinatec. Les trois autres sont l'interface cerveau-machine pour la réhabilitation fonctionnelle des handicaps moteurs, la thermobiomodulation en prévention des crises dans l'épilepsie pharmacorésistante et la stimulation cérébrale profonde.
Les chercheurs explorent aussi la photobiomodulation extracorporelle cardiaque pour prévenir les conséquences de l'infarctus du myocarde et la photobiomodulation transcrânienne dans la maladie d'Alzheimer, la démence à corps de Lewy (une étude est en cours au CHRU de Strasbourg), les troubles du sommeil ou encore les traumatismes crâniens. « La photobiomodulation stimule les mitochondries et restaure leur fonction, précise Jean-Philippe Bourgoin, directeur adjoint de la recherche technologique à Clinatec. On évite ainsi la détresse du neurone, l’inflammation et la gliose. »
Trois autres essais cliniques sont programmés pour 2025 pour étudier le timing d'utilisation de la photobiomodulation dans la prise en charge du traumatisme crânien. Enfin, Brigitte Piallat de l'institut des neurosciences de Grenoble mène pour sa part des essais précliniques sur des primates non humains dans les troubles du sommeil.
Les biophotons, un reflet de la santé mitochondriale
Un autre programme de recherche, plus fondamental mené à Grenoble, concerne les biophotons. Selon des découvertes récentes, toutes les mitochondries sont capables de les émettre et les capter. En 2002, le chercheur allemand Fritz-Albert Popp, inventeur du terme biophoton, les définit par l'intensité de leurs émissions à la surface des tissus vivants, de l'ordre de 10 à 1 000 photons par cm2 et par seconde.
« Les biophotons sont des émissions de lumière extrêmement faibles, avec une longueur d'onde comprise entre 200 et 900 nm », explique la chercheuse Jaimie Hoh Kam, recrutée par le fonds Clinatec pour développer un dispositif capable de dépister certaines pathologies telles que le diabète ou les pathologies cardiovasculaires, via les biophotons émis par un tissu donné. « Les biophotons servent de moyen de communication entre les cellules, poursuit Jaimie Hoh Kam. Quand la mitochondrie fonctionne, elle produit un dérivé réactif de l'oxygène ; et quand elle vieillit ou devient dysfonctionnelle, elle produit moins d’énergie mais plus de ces dérivés, aux dépens de la cellule. » En mesurant la quantité et la longueur d'onde des biophotons, Jaimie Hoh Kam espère mesurer également la santé mitochondriale d'un tissu.
Les cellules cancéreuses émettent ainsi des biophotons dont la longueur d'onde tend vers le bleu, alors que les cellules normales sont associées à une longueur d'onde proche du rouge. De même, un cerveau jeune émettra plutôt dans la gamme des rouges, tandis qu'un cerveau âgé émettra dans la gamme des bleus.
Le fonds Clinatec, à la recherche de 30 millions pour la médecine sans médicament
L'institut de recherche Clinatec a été fondé en 2007, le bâtiment inauguré en 2012. Quant au fonds Clinatec, créé il y a tout juste 10 ans, il est désormais un opérateur de recherche centré sur l'application de la recherche en physique pratiquée au CEA au domaine de la santé. Son objectif : mettre au point des approches thérapeutiques non fondées sur des médicaments, et en particulier pour les pathologies du cerveau. Le centre bénéficie d'une organisation, qui a été longtemps unique au monde avec un espace dédié à l'ingénierie, un espace de recherche clinique et un espace d’accueil des patients en hospitalisation de jour.
Le centre rassemble plus de 700 chercheurs, auteurs de quelque 1 000 publications chaque année. Clinatec s'est récemment illustré en publiant les premières images de cerveau humain par son IRM 11,7 Tesla Yseult.
Le fonds Clinatec est dirigé par l'ancienne secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel. Le 28 novembre prochain, elle lancera, lors d'un dîner de bienfaisance à l’Atelier des Lumières, à Paris, un appel aux dons afin de collecter 30 millions d’euros pour concrétiser les ambitions de recherche d'ici à 2030.
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