Agriculture d’export et alimentation du Sud

Publié le 10/06/2013
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Crédit photo : BSIP

Dans les pays du Sud en développement, « les femmes de par leur rôle central de nourricière que leur attribue la société sont en première ligne pour défendre l’accès aux ressources nutritionnelles des familles. Et se retrouvent donc bien souvent au cœur de la bataille pour une alimentation durable dans ces pays dont les terres les plus fertiles tendent à être confisquées au profit d’une agriculture d’export au service du remboursement de la dette », résume Christiane Marty (Attac).

«Les femmes assurent 50 à 80 % de la production agricole dans les pays en développement en Afrique, Amérique du Sud, Asie. Et leur contribution à l’agriculture est encore largement sous-estimée du fait que seuls les travaux rémunérés (fiches de paye) sont pris en compte », selon C. Marty. D’autant que les femmes assument aussi les cultures vivrières. « Or l’évolution de l’agriculture ces trente dernières années dans ces pays du Sud n’est pas allée dans le bon sens. On a assisté à un recul inquiétant de l’autosuffisance alimentaire préconisée par la FAO ». Avec à la clé une dégradation des ressources alimentaires des familles et plus largement des populations.

Or ce phénomène, multifactoriel, « est en grande partie la conséquence des plans d’ajustement structurels de la dette mis en place dans les années 1980-1990 par la Banque Mondiale et le FMI, explique Christiane Marty. Ces plans, en imposant le développement d’une agriculture destinée à l’exportation, ont en effet considérablement augmenté la pression sur les terres les plus fertiles, dévolues à une agriculture d’export mécanisée confiée aux hommes. Quand l’accès aux terres fertiles et aux jardins assurant l’agriculture vivrière reculait en conséquence. D’autant que, dans nombre de pays, les femmes n’ont pas accès à la propriété en termes de droits coutumiers même si ce sont elles qui labourent, sèment, récoltent… ». Résultat, les femmes ont été contraintes à cultiver des terres de moins en moins fertiles, de plus en plus loin du village… Le temps de trajet et de travail augmentant, le taux de scolarisation a baissé. Et le déboisement de nouvelles terres, de plus en plus difficiles d’accès et pentues, est venu majorer l’érosion des sols.

«À ceci est venu s’ajouter, depuis 10-15 ans, l’achat ou la location massive de terres de pays du Sud par des pays étrangers telle la Chine qui a largement investi en Afrique. Un second phénomène qui accélère encore le recul de l’autosuffisance alimentaire », ajoute C. Marty.

« L’impact de la mondialisation a donc été terrible pour les femmes et leurs familles ». Mais certaines ont livré bataille… C’est par exemple le cas de l’UWAKI, Union des femmes paysannes du Nord-Kivu. Une association de près de 5 000 femmes qui a joué un rôle essentiel pour adapter l’économie familiale à la crise en République Démocratique du Congo, pays en guerre depuis près de 10 ans. Ce en promouvant des formations à des techniques agricoles nouvelles – travail avec bêtes attelées, re-fertilisation des sols… – la formation à l’entretien de jardins familiaux et la lutte contre le déboisement avec l’implantation de pépinières. Sans compter le soutien d’initiatives agricoles (prêts, aide à la commercialisation des produits). Avec un impact significatif puisque, dans cette région du Nord-Kivu, le taux de malnutrition de certaines zones est passé de 60 à 22 %.

Entretien avec Christiane Marty, membre du Conseil scientifique d’Attac et co-auteur de « Quand les femmes se heurtent à la mondialisation » (Attac, 2003).

 PASCALE SOLÈRE

Source : Nutrition