Un régime végétarien qui respecte les quantités recommandées de protéines végétales peut ne pas suffire à procurer les acides aminés essentiels. Selon un travail mené par des chercheurs de l’université Massey de Nouvelle-Zélande, un facteur est trop souvent négligé : la digestibilité et l’assimilation des acides aminés qui peuvent varier selon les sources de protéines végétales.
Parmi les 20 acides aminés utilisés par l’organisme pour la fabrication de protéines, neuf ne peuvent pas être synthétisés par le corps humain et doivent donc être apportés par l’alimentation. Les sources végétales en contiennent des quantités variables et leur digestibilité n’est pas homogène. Pour mieux comprendre comment la consommation de protéines végétales se traduit concrètement en apport d’acides aminés, et plus particulièrement en lysine et en leucine, l’équipe de Bi Xue Patricia Soh a analysé en détail le régime de 193 végétariens pendant quatre jours. Leur choix s’est porté sur ces deux acides aminés car ils ont tendance à être souvent présents en relativement faibles quantités dans les plantes.
Des quantités absorbées trop faibles chez la moitié des participants
Dans un article publié dans Plos One, les chercheurs livrent leur analyse. Les trois quarts des participants consommaient les quantités recommandées de protéines, rapportées à leur poids. Mais en regardant dans le détail le contenu des repas et en croisant ces informations avec les données disponibles sur les quantités d’acides aminés digérables fournies par chaque type d’aliment, les chercheurs sont arrivés à la conclusion que seulement la moitié des participants recevaient les quantités quotidiennes nécessaires de lysine et de leucine.
Quelque 78,8 % des hommes et 73 % des femmes consommaient des quantités recommandées de protéines. Mais en ajustant les quantités de protéines absorbées en fonction de leur digestibilité, les auteurs ont calculé que la prise globale de protéines passait de 1,25 g/kg à 0,98 g/kg chez les hommes et de 1,05 g/kg à 0,80 g/kg chez les femmes. En moyenne, le régime alimentaire des participants fournissait 52,9 mg de leucine et 35,7 mg de lysine digérables, soit moins que les apports de référence (leucine : 59 mg/g ; lysine : 45 mg/g). Ces données sont cohérentes avec les analyses sanguines réalisées chez les patients.
« Ces résultats soulignent que le respect des quantités de protéines recommandées n’est pas toujours suffisant », expliquent les auteurs appelant à de nouvelles études pour explorer les moyens d’augmenter les apports en leucine et lysine. « Pour parvenir à une alimentation riche en protéines de bonne qualité, il ne suffit pas de consommer des quantités suffisantes, la variété des sources entre aussi en ligne de compte », précisent les chercheurs, ajoutant qu’une « carence prolongée dans ces acides aminés peut affecter négativement la balance protéinique, le maintien musculaire et d’autres fonctions physiologiques, en particulier dans les populations les plus vulnérables ».
Algues séchées, graines de courge, lentilles cuites et arachides grillées
D’après les données de la cohorte néo-zélandaise, les sources végétales les plus riches en leucine comprennent les algues séchées, les graines de courge grillées, le soja grillé à sec, les lentilles cuites et les arachides grillées à sec. « Ces aliments peuvent être consommés en quantités insuffisantes dans la cohorte ou sous des formes limitant leur digestibilité, détaillent les chercheurs. Pour répondre aux besoins, la consommation de légumineuses pourrait être augmentée, mais cette approche doit cependant tenir compte des apports en fibres alimentaires et leur contribution à la satiété, ainsi que de l'équilibre global des autres nutriments. » Les auteurs proposent donc une stratégie consistant à compléter les légumineuses avec des céréales, moins contributrices en acides aminés, dans chaque repas végétalien afin d'obtenir des profils alimentaires plus équilibrés.
Dans un commentaire publié dans Science Media Centre, Tom Sanders, professeur de nutrition et de diététique au King’s College de Londres, pointe des limites méthodologiques de l’étude : l’absence de groupe témoin omnivore, le manque de données sur la composition en acides aminés des aliments et la non prise en compte de la contribution du microbiote intestinal à l’apport alimentaire en lysine.
En outre, le scientifique questionne le risque réel que représente un manque de lysine et de leucine dans l’alimentation. « Bien que les végétaliens aient probablement des apports plus faibles en lysine et en leucine, cela ne suggère pas de carence, pointe-t-il. D'autant plus que les apports de référence sont principalement fondés sur des études américaines où les apports en protéines étaient élevés et provenaient principalement de produits animaux ». Aucune carence en leucine n'a en effet été décrite chez l'homme. « En revanche, poursuit Tom Sanders, de plus en plus de preuves suggèrent que les effets stimulants sur la croissance d'un apport élevé en leucine et en autres acides aminés ramifiés pourraient être liés à un risque accru de cancer, en particulier de la prostate ». Et concernant la lysine, « une étude récente a révélé des niveaux inférieurs de 25 % chez les végétaliens par rapport aux omnivores, mais a conclu que la différence n'était probablement pas significative », souligne-t-il.
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