La famille des caroténoïdes comprend plusieurs centaines de molécules présentant des propriétés antioxydantes et/ou provitamine A. Pendant longtemps, on a cru que l’intérêt nutritionnel des caroténoïdes se limitait à leur activité provitaminique A. Puis vint la théorie radiculaire du vieillissement et la mise en évidence de leurs propriétés antioxydantes. Bien que le rôle des caroténoïdes comme antioxydants directs soit aujourd’hui remis en cause - notamment à cause de leurs très faibles concentrations sanguine et tissulaire relativement à celles d’autres molécules antioxydantes - on retrouve, au niveau de l’œil, de la rétine ou du cristallin, deux d’entre eux de façon très fortement majoritaire à l’état naturel : la lutéine et la zéaxanthine. Ces pigments végétaux sont quasiment les seuls caroténoïdes d’origine alimentaire retrouvés au niveau de l’œil humain. La plupart des autres tissus de l’organisme contiennent un profil de caroténoïdes proche de celui du sang mais l’œil, par un mécanisme non encore totalement élucidé mais impliquant probablement certains récepteurs membranaires, ne sélectionne que ces deux caroténoïdes. Ils appartiennent à la sous-famille des xanthophylles qui sont les caroténoïdes possédant des groupements oxygénés. Ils n’ont pas d’activité provitaminique A. Leurs rôles principaux sont le filtrage de la lumière bleue, nocive pour la rétine, et un rôle d’antioxydant.
Protection.
Ces propriétés contribueraient à protéger la rétine et le cristallin des dommages photo-oxydatifs impliqués dans l’étiologie de deux maladies oculaires liées à l’âge : la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), et la cataracte. Une réduction du risque de DMLA chez les individus ayant des concentrations sanguines élevées de lutéine et zéaxanthine a été observée dans plusieurs études épidémiologiques. Notamment, dans l’étude POLA (Pathologies Oculaires Liées à l’Age), le risque de DMLA était diminué de 79 % chez les sujets ayant des concentrations plasmatiques élevées de lutéine et de zéaxanthine (1), la corrélation étant plus forte avec la zéaxanthine (diminution de 93 % du risque pour les concentrations élevées). Ces résultats ont été confortés par une autre étude (2) et suggèrent, mais cela reste à confirmer, que la zéaxanthine pourrait être plus importante que la lutéine dans la protection contre la DMLA.
Pour ce qui est de la cataracte, plusieurs études indépendantes ont donné des résultats similaires, montrant une réduction du risque de cataracte chez les sujets ayant un statut élevé (apports alimentaires, concentrations sanguines) en ces xanthophylles.
Toutefois, bien que les résultats des études permettent de soutenir l’hypothèse du rôle protecteur de ces xanthophylles vis-à-vis de ces pathologies oculaires, seules des études d’intervention, randomisées, en double aveugle avec placebo, permettront de démontrer de manière définitive le rôle de ces xanthophylles dans la prévention de ces pathologies.
Vitamines ?
S’il est démontré que la lutéine et/ou la zéaxanthine sont absolument indispensables pour prévenir la survenue de certaines pathologies oculaires, ces molécules méritent-elles pour autant le statut de vitamine ? Rappelons qu’une vitamine est, par définition, une molécule organique, apportée en faible quantité dans l’alimentation, non synthétisée par l’organisme (ou dont la synthèse endogène n’est pas suffisante pour subvenir aux besoins, comme c’est le cas pour la vitamine D) et indispensable à des fonctions biologiques.
Aujourd’hui, la lutéine et la zéaxanthine satisfont à tous ces critères sauf un. En effet, la démonstration d’un rôle essentiel dans la fonction visuelle est difficile car il n’est pas possible, pour des raisons d’éthique, de carencer des sujets en ces composés, qui sont retrouvés de manière ubiquitaire dans les fruits et légumes. Peut-être que les futures études d’intervention nutritionnelles de supplémentation de xanthophylles versus placebo permettront non seulement de voir un effet bénéfique sur les pathologies oculaires, mais aussi de démontrer un rôle biologique, sur l’acuité visuelle par exemple, de ces composés. Si c’est le cas, on sera bien proche de leur attribuer la dénomination de vitamine.
D’après la communication de Patrick Borel, Inserm (Marseille), Entretiens de Nutrition 2011, Institut Pasteur de Lille.
(1) Delcourt C et coll. Invest Ophthalmol Vis Sci 2006;47(6):2329-35.
(2) Gale CR et coll. Invest Ophthalmol Vis Sci 2003;44(6):2461-65.
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