L’obésité, en entraînant une surcharge volumétrique cardiaque, parfois associée à une atteinte myocardique spécifique et plus souvent à un trouble respiratoire du sommeil, pourrait à l’avenir être une des principales causes de fibrillation atriale (FA). La perte de poids après chirurgie bariatrique est associée à une diminution significative de diamètre auriculaire gauche (1). Des études pilotes, sur de petits effectifs, suggèrent que la réduction pondérale favorise le maintien en rythme sinusal après réduction d’une FA (2). Cependant les relations entre perte de poids et récurrence de FA restent à préciser : existe-t-il une relation « dose-effet » si la perte de poids est maintenue ? Quelle est l’influence des fluctuations du poids ? C’est à ces questions que s’intéresse l’étude Long-term Effect of Goal Directed Wieght Management in an Atrial Fibrillation Cohort (LEGACY), qui évalue les effets à long terme de la perte et des fluctuations de poids sur le contrôle du rythme chez des patients obèses avec FA.
Cette étude australienne, chez 1 415 patients présentant une FA, a sélectionné 825 sujets dont l’indice de masse corporelle (IMC) était ≥ 27 kg/m², et en a retenu 355 ne présentant pas de critères d’exclusion : FA permanente, infarctus du myocarde ou chirurgie cardiaque durant l’année précédente, pathologie carcinologique en cours, dysfonction ventriculaire gauche, valvulopathie sévère, insuffisance cardiaque ou hépatique sévère, maladie auto-immune ou inflammation chronique. Des conseils hygiénodiététiques suivis d’un programme à accomplir seul ou avec l’aide d’un médecin, avec une visite trimestrielle systématique, ont été proposés aux patients inclus. La variation du poids était définie comme une perte ou un gain ≥ 1 % du poids total d’une année sur l’autre.
Afin de déterminer une relation « dose-réponse », à la fin du suivi les patients ont été divisés en trois groupes selon la réponse pondérale : les patients du groupe 1 (n = 135) ont perdu plus de 10 % de leur IMC initial, dont 52 durant la 1re année, ceux du groupe 2 (n = 103) ont diminué leur IMC de 3 à 9 %, enfin les patients du groupe 3 (n = 117) ont eu une réduction d’IMC inférieure à 3 %. La durée du suivi moyen (48 mois) et les caractéristiques à l’inclusion n’étaient pas significativement différentes dans les trois groupes. Les effets de la perte de poids sur la récurrence de la FA ont été analysés sur un enregistrement ECG ambulatoire de 7 jours et sur une échelle de sévérité de la FA.
Une nette diminution des épisodes de FA après perte de poids
Les patients du groupe 1 (13,4 %) ont eu significativement (p ‹ 0,001) moins de traitement antiarythmique et d’ablation que ceux des groupes 2 (22,2 %) et 3 (45,5 %). La survie sans arythmie atriale est respectivement de 86 % dans le groupe 1,66 % dans le groupe 2 et 40 % dans le groupe 3. En analyse multivariée, l’intensité de la perte de poids est associée à une diminution des épisodes de FA, sur les Holters de 7 jours réalisés au moins annuellement ou sur l’ECG de repos trimestriel (p ‹ 0,001). Une perte de poids› 10 % est ainsi associée à une réduction de plus de 6 fois de la probabilité d’une récidive de la FA par rapport aux deux autres groupes (IC95 : 3,4-10,3 ; p ‹ 0,001). Il en est de même de la variabilité pondérale, une survie sans arythmie atriale étant retrouvée chez 76 % des patients dont la perte de poids est permanente versus 38 % des sujets dont la perte de poids est fluctuante ou passagère (p ‹ 0,001). Une variation du poids supérieure à 5 % est ainsi associée à une augmentation de deux fois du risque de récidive d’arythmie atriale (IC95 : 1,0-4,3 ; p = 0,02). Chez les patients dont la perte de poids est la plus importante, on observe également une réduction de la pression artérielle systolique, du nombre de traitements antihypertenseurs, de l’insulinémie à jeun, du volume de l’oreillette gauche.
Cette étude confirme les bénéfices d’une réduction pondérale sur la prévention de la récurrence de la FA, surtout si elle est constante et régulière. Les mécanismes en sont multiples. La perte de poids, en diminuant l’hypervolémie induite par l’obésité et en étant associée à une diminution de la pression artérielle systolique, réduit à la fois la pré- et la post-charge ventriculaire gauche diminuant les contraintes pariétales à l’origine d’un effet antiremodelage à la fois ventriculaire et auriculaire. De plus, soit directement soit indirectement grâce à la diminution de l’insulinémie et des cytokines pro-inflammatoires qui lui est associée, elle pourrait avoir un effet myocardique favorable. Enfin, la réduction pondérale diminue l’incidence des troubles respiratoires du sommeil qui, par stimulation du système sympathique, sont une cause importante de FA. Ces données doivent inciter à renforcer les mesures non pharmacologiques chez les patients en surpoids présentant une FA. Un suivi diététique régulier s’inscrivant dans une démarche d’éducation thérapeutique s’impose, initié si nécessaire dans des cliniques spécialisées dans la perte de poids et suivi en cas d’échec d’une discussion de chirurgie bariatrique si l’obésité est morbide ; il est en effet maintenant prouvé que la réduction pondérale est associée de manière dose-dépendante au maintien en rythme sinusal. Un contrôle du poids doit donc s’inscrire dans la stratégie visant à prévenir l’épidémie annoncée de FA.
(1) Cuspidi C et al. Am J Hypertens 2014;27(2):146-56
(2) Abed HS et al. JAMA 2013;310(19):2050-60
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