La thérapie génique progresse à grands pas en hématologie. Après des résultats très prometteurs dans l'hémophilie et les thalassémies, le congrès de l'American Society of Hematology (ASH), cette année à Atlanta du 9 au 12 décembre 2017, met à l'honneur deux thérapies CD19 CAR T cells ayant confirmé leur efficacité durable dans les lymphomes non hodgkiniens (LNH) réfractaires
Ce n'est pas une surprise en vérité. L'une d'elle, le Yescarta (axicabtagene ciloleucel ou axi-cel) développé par le laboratoire Kite Pharma (racheté récemment par Gilead), a déjà obtenu aux États-Unis l'AMM de la FDA dans l'indication des LNH agressifs en octobre 2017. Le Yescarta est ainsi la deuxième thérapie génique CAR-T ayant l'AMM. Le Kymriah (CTL019) du laboratoire Novartis, l'autre thérapie testée dans les LNH réfractaires, est la première thérapie CAR-T cells autorisée par la FDA avec une AMM en août 2017 mais dans les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) de l'enfant et de l'adulte.
Des études qui font date
Trois études pour les LNH réfractaires ont été présentées, dont deux publiées dans le « New England Journal of Medicine » (NEJM). Pour le Yescarta, il s'agit de l'étude américaine multicentrique ZUMA-1 chez 101 patients (lymphome diffus à grande cellules B ou LDGCB, lymphome médiastinal primitif à grandes cellules B, lymphome folliculaire transformé).
Pour le Kymriah, il s'agit de deux études financées par Novartis et signées par le Dr Stephen Schuster du centre anti-cancer Abramson (Philadelphie). La première, l'étude JULIET, non publiée hormis une analyse intermédiaire dans « Hematol Oncol », est une étude internationale multicentrique chez 81 patients de 27 centres dans 10 pays différents (Amérique du Nord, Europe, Australie, Asie). La seconde publiée dans le « NEJM » et qui a bénéficié aussi du soutien institutionnel des NIH, n'est autre que la série actualisée des 28 patients traités au centre anti-cancer Abramson, déjà incluse dans l'étude JULIET.
La technologie des CAR-T cells consiste à extraire par leucaphérèse les cellules T autologues du patient puis à les manipuler génétiquement avec des molécules CAR de façon à cibler les cellules cancéreuses. Les cellules CAR-T sont ensuite réinjectées au patient.
Des suivis longs
Les trois études montrent des résultats des taux élevés de rémission durable. Dans l'étude JULIET, à 3 mois, 26 patients (32 %) ont eu une réponse complète, alors que 5 (6 %) ont eu une réponse partielle. Les données de la série du centre anti-cancer Abramson apporte la preuve que la réponse peut persister longtemps avec un suivi médian de 28,6 mois. Chez les 28 patients, 43 % des patients traités pour un LDGCB étaient en rémission complète, comme 71 % de ceux traités pour un lymphome folliculaire. Tous les patients étaient encore en rémission complète à 6 mois. Une réponse prolongée au cours des 28,6 mois de suivi médian - et jusqu'à plus de trois ans - était observée chez 86 % des patients LDGCB ayant répondu et chez 89 % des patients avec lymphome folliculaire ayant répondu.
Pour le Yescarta, une réponse complète a été observée chez 54 % des patients et une réponse incomplète chez 82 %. Au total, avec un suivi médian de 15,4 mois, 42 % des patients étaient toujours répondeurs, avec 40 % qui avaient une réponse complète. Le taux de survie à 18 mois était de 52 %.
Des effets secondaires graves et fréquents
Si les résultats sont très encourageants, ce n'est pas un remède universel et certains patients rechutent, comme l'a déclaré le Dr Patrick Stiff, de l'université de Loyola et co-auteur de l'étude ZUMA-1. « Nous avons une approche très mesurée de cette nouvelle thérapie, qui est efficace, mais aussi potentiellement toxique », a-t-il déclaré.
Les deux thérapies CAR-T ont rapporté de très nombreux effets secondaires graves, les plus inquiétants étant le syndrome de relargage des cytokines (SRC), des troubles neurologiques (encéphalopathies, confusion, aphasie), cytopénies, infections graves, coma. Dans ZUMA-1, 95 % des patients traités ont présenté au moins un effet secondaire grave, 13 % ont eu un SRC et 28 % des troubles neurologiques.
Pour le Dr Stiff, les résultats des CAR-T cells sont comparables au 45 % de guérison après une greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques. « Les centres comme celui de Loyola, qui ont une expertise dans les deux approches, seront maintenant en mesure de proposer davantage d'options thérapeutiques pour avoir une rémission à long terme et guérir des patients avec un lymphome avancé », estime-t-il.
Pour le Kymriah, Novartis, au vu des résultats de l'étude JULIET, a déposé une demande d'AMM auprès de la FDA dans le LDGCB réfractaire. En Europe, Novartis attend l'autorisation de l'EMA pour le CTL019 à la fois dans la LAL et le LDGCB réfractaires.
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