Bien que l'on sache que le SAOS majore la mortalité, jusqu'ici la démonstration du bénéfice du traitement par ventilation à pression positive continue (PPC) sur des critères durs n'a jamais été faite. Les études randomisées avaient, en effet, échoué à chaque fois à apporter la preuve d'un bénéfice en termes de morbimortalité cardiovasculaire, comme en termes de mortalité totale.
Aujourd'hui, une analyse de la cohorte SHHS, la plus vaste étude d'observation dans le domaine, met en évidence pour la première fois un élément de preuve, avec un net recul de la mortalité totale des sujets sous traitement (1). Chez les obèses souffrant de SAOS sévère chez lesquels le traitement avait été prescrit, la mortalité totale est réduite de 62 % à 11 ans de suivi moyen. « Malgré les limitations de l'étude, cette observation peut être un argument intéressant à exposer en clinique pour amener les patients à se traiter et améliorer leur observance, bien souvent difficile à obtenir », commente l'éditorialiste (2).
Des sujets appariés avec un suivi de 11 ans
La cohorte SHHS (Sleep heart health study), initiée dans les années 1995-1998, a recruté plus de 6 000 sujets de plus de 40 ans. Parmi eux, les auteurs ont retenu 81 patients obèses et porteurs d'un SAOS sévère, à qui un traitement par PPC avait été prescrit. Ils ont été appariés sur l'âge, le sexe et l'index apnée-hypopnée à 4 témoins chacun. On a donc au total deux groupes, l'un de 81 sujets traités et l'autre de 311 non traités, tous obèses et porteurs d'un SAOS sévère.
Ces sujets ont en moyenne à l'inclusion 63 ans, 80 % sont des hommes et leur IMC est autour de 30 kg/m2. Parmi eux, la moitié était hypertendus, un sur dix diabétiques et un sur cinq avait une pathologie cardiovasculaire.
À 11 ans de suivi moyen, 96 décès ont été recensés : 12 chez les sujets traités dont 1 décès cardiovasculaire, 84 chez les non traités dont 26 décès cardiovasculaires. Soit un taux brut de 12,8 décès/1 000 patients années versus 24,7 décès pour 1 000 patients années (p = 0,03).
En analyse multivariée tenant compte des principaux cofacteurs de morbidité — antécédents cardiovasculaires, HTA, IMC, diabète, tabac, alcool, et niveau d'étude — le risque relatif de mortalité totale est réduit de 62 % (RR = 0,38 ; [0,18 - 0,81]). Et quand, pour limiter les biais inhérents à la prescription du traitement, les auteurs apparient les sujets sur des scores plus complexes de propensité, avec d'un côté 51 patients de l'autre 204 témoins, le risque relatif de décès est à nouveau réduit, ici de 42 % (RR = 0,58 ; [0,35-0,96]). Soit un risque de décès dans tous les cas au moins divisé par deux. Même après ajustement sur les antécédents cardiovasculaires, une analyse exploratoire suggère que le bénéfice est très important en termes de mortalité cardiaque (RR = 0,06).
Enfin, les courbes de survie montrent que la mortalité ne commence à différer qu'après 6 à 7 ans de suivi.
Un bénéfice qui apparaît 7 ans après
Ce résultat tranche singulièrement avec les échecs répétés des études randomisées. Comment l'expliquer ? Pour les auteurs, l'une des premières hypothèses est relative au temps de suivi. Dans cette cohorte, le bénéfice sur la mortalité met en effet 6-7 ans à apparaître, un délai bien supérieur à celui couramment utilisé dans les études cliniques. Pour exemple, dans la plus longue et plus vaste étude menée, l'étude Save, le suivi médian était de 3,7 ans. Une autre hypothèse est selon eux le manque de puissance des études randomisées, vu le très faible nombre d'événements durs.
Toutefois, le bénéfice mis en évidence dans cette analyse est restreint aux sujets obèses et présentant un SAOS sévère. Peut-être du fait que la pathologie est courante chez les obèses, touchés plus d'une fois sur deux, et que la mortalité augmente avec la sévérité du trouble, commente l'éditorialiste. Et ce travail a lui même des limites. Il s'agit d'une étude observationnelle. Le recours à la PPC était déclaratif. L'adhésion au traitement est donc inconnue. Mais « si ce bénéfice est confirmé dans des cohortes plus récentes, ce résultat aura des implications cliniques importantes », selon les auteurs.
(1) Lisan Q et al. Association of positive airway pressure prescription with mortality in patients with obesity and severe obstructive sleep apnea the sleep heart health study. JAMA Otolaryngol Head Neck Surg 2019. doi:10.1001/jamaoto.2019.0281
(2) Kushida CA. Positive airway pressure and survival in patients with obstructive sleep apnea. JAMA Otolaryngol Head Neck Surg 2019. doi:10.1001/jamaoto.2019.0345
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