« Sur les plus de deux millions de personnes âgées dénutries, la moitié n'en a pas conscience : ils ne se rendent pas compte de leur amaigrissement. Ils n'ont donc pas l'idée de s'adresser à un spécialiste pour améliorer leur statut nutritionnel », souligne la Dr Monique Ferry. Avec l'âge, la sensation de faim et de soif diminue naturellement. À cela peuvent s'ajouter des facteurs psycho-socio-environnementaux, des troubles buccodentaires ou de la déglutition, favorisant l'entrée dans la dénutrition (lire page XX).
Les régimes restrictifs sont, par ailleurs, particulièrement délétères. « Après 70 ans, les régimes restrictifs doivent être bannis car le risque de dénutrition est trop important. Les personnes âgées ont des besoins nutritionnels au moins équivalents, voire supérieurs aux adultes », indique la Dr Ferry. Autre facteur de risque de dénutrition majeur : la solitude, qui entraîne souvent un manque de motivation pour la cuisine. De fait, la monotonie alimentaire coupe l'appétit et ralentit le renouvellement des bourgeons du goût. La perte de goût est ainsi un motif fréquemment invoqué par les personnes âgées ayant du mal à se nourrir.
Réhausser et enrichir
À l’inverse, tant que la personne âgée prend plaisir à manger et conserve une vie sociale, elle reste protégée de la dénutrition, sauf maladie grave. Le fait de varier les aliments et d'en augmenter la saveur (en ajoutant des épices, des herbes, en travaillant les sauces…) peut avoir un effet positif sur la prise alimentaire sur le long terme. « Lorsque les personnes âgées sont dénutries, nous leur conseillons d'enrichir leur plat en y ajoutant de la poudre de lait, de la crème, du beurre, du fromage râpé, du jambon ou du bœuf haché, notamment. Ils peuvent ainsi ingérer un maximum d'énergie et de protéines dans des petits volumes. Le gratin dauphinois est l'exemple parfait de plat aisé à enrichir (crème fraîche, fromage râpé…) », explique la Dr Ferry. Cette stratégie d'enrichissement des plats est bien documentée. Après une période de suralimentation, les seniors continuent à manger plus que d'habitude et prennent alors du poids (2).
Protéines, activité physique
« Le praticien doit, toutefois, veiller à ce que son patient ne reprenne pas plus de gras que de muscle. Il faut lutter contre la sarcopénie, grand facteur de risque de dépendance, en luttant contre la sédentarité chaque fois que cela est possible », tempère la Dr Ferry. La consommation de protéines est essentielle. « Néanmoins, elles doivent toujours être accompagnés d'autres nutriments : bifteck/purée, par exemple. Ingérées seules, les protéines font maigrir, ce qui est contre-indiqué chez les séniors. Par ailleurs, la consommation de produits animaux est indispensable pour les seniors, car la vitamine B 12 qu'elle contient est inexistante dans les produits d'origine végétale », note la Dr Ferry.
Les menus doivent bien entendu être adaptés aux goûts de la personne, et la texture à ses capacités de mastication et de déglutition. « En dernière intention, nous pouvons également médicaliser la prise alimentaire en supplémentant les patients âgés par le biais de compléments alimentaires oraux hyperprotidiques et hypercaloriques », conclut la Dr Ferry.
Entretien avec la Dr Monique Ferry, chercheuse Inserm à l'Université Paris 13 et ancienne médecin des hôpitaux en gériatrie.
(1) Guide alimentaire pour les seniors, réalisé par la Société française de gériatrie et de gérontologie, dont la Dr Ferry est co-autrice.
(2) Roberts SB et al. JAMA 272(1994):1601
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