Deux travaux de thèse se sont intéressés à l’adéquation aux recommandations de l’alimentation des femmes enceintes. Outre les recommandations générales du PNNS, celles-ci doivent en effet tenir compte de spécificités qui touchent à tous les groupes alimentaires. Il s’agit de répondre à des besoins spécifiques (supplémentation en acide folique, augmenter la consommation de vitamine D, fer, iode, calcium), de prévenir le risque infectieux (toxoplasmose et listériose : laver les fruits et légumes, supprimer charcuteries, produits en gelée, viandes crues fumées ou marinés, consommer immédiatement les préparations à base d’œuf cru, ne manger que des fromages à pâte pressée cuite sans croûte ou fondus à tartiner), d’équilibrer l’apport en matières grasses et de limiter les phytostérols (limiter la consommation de soja et de margarines enrichies, consommer du poisson deux fois par semaine dont un poisson gras), d’éviter d’ingérer des toxiques (zéro alcool et tabac ; métaux lourds : diversifier les sources d’approvisionnement de poisson ; acrylamide : ne pas griller les viandes ; sans compter les précautions relatives aux bisphénols, PCB, etc.).
Des contraintes importantes, d’autant que la grossesse induit des dégoûts et des troubles digestifs qui peuvent déjà significativement compliquer l’alimentation, et qu’il faut contrôler strictement un poids qui échappe.
Le premier travail avait pour objectif de quantifier l’adéquation de l’alimentation des femmes enceintes, par rapport aux recommandations générales du PNNS, et à celles spécifiques de la grossesse (1). Deux scores ont été calculés parmi les 18 000 mères ayant accouché en 2011, de la cohorte nationale Elfe. Parmi elles, 40 % ont bu au moins un verre d’alcool pendant la grossesse (dont 22 % alors que celle-ci était méconnue). La prévention de la listériose était effective chez 54 % des femmes, alors que 61 % suivaient au moins une des deux recommandations anti-toxoplasmose. Seules 23 % des femmes avaient été supplémentées en acide folique avant ou au 1er trimestre de la grossesse.
Les scores d’adéquation aux recommandations, aussi bien PNNS que grossesse, étaient plus élevés chez les femmes plus âgées, plus favorisées (revenu, niveau d’étude, CSP), primipares, avec un IMC normal, ayant davantage participé à des cours de préparation à la naissance, et aussi nées à l’étranger. Ce qui invite à cibler davantage les femmes jeunes et socialement défavorisées.
Une demande de conseils personnalisés
Partant du constat d’une grande pauvreté de la littérature en France sur le rapport que les femmes enceintes entretiennent à leur alimentation, le deuxième travail a été consacré à monter des groupes de discussion avec des femmes d’origine très diverses (2). Cette étude qualitative montre de sérieuses tensions : une cacophonie d’informations, dans un contexte où les modifications physiologiques pèsent lourdement et la demande de bien-être des mères est forte.
Afin de sortir des conseils angoissants proférés sans explication – « mon gynéco m’a donné une liste d’aliments interdits et m’a dit : ” vous la collez sur le frigo, vous contrôlez tout ce qui rentre tout ce qui sort “ » – un deuxième volet de l’étude s’est attaché à décrire une approche idéale pour réduire ces tensions. La piste d’une application personnalisée proposant des conseils au fil de l’eau a été explorée. Différents algorithmes permettant de délivrer des conseils alimentaires ont été comparés. Si certains conseils (de type ouverture du répertoire alimentaire) ont plus d’effet sur la qualité nutritionnelle, ils sont peu acceptés et donc appliqués. Au contraire, les conseils les plus faciles à suivre (modification simple de la quantité d’un aliment déjà consommé) ont peu d’effet sur l’équilibre alimentaire. Les conseils intermédiaires (substitution d’un aliment par un autre du même sous-groupe, par exemple remplacer une part de quatre-quarts par un cookie, intéressant pour son apport en noix et chocolat) sont correctement acceptés et modérément efficaces.
D’après une conférence du Fonds Français pour l’alimentation et la santé
(1) Manik Kadawathagedara (Inserm U1153). Adéquation des consomations alimentaires des femmes enceintes aux recommandations du programme national nutrition santé
(2) Clélia Bianchi (INRA). Mieux se nourrir pendant la grossesse : perception, attentes et opportunités.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024