LA NEURO-OPTICO-MYÉLITE AIGUË DE DEVIC (NMO) est une affection inflammatoire démyélinisante du système nerveux central qui touche presque exclusivement la moelle épinière et les nerfs optiques. C’est une pathologie rare mais potentiellement grave avec un risque de morbimortalité élevé sans traitement adapté. Son cadre nosologique, bien que défini par Eugène Devic dès 1894, n’a été clairement précisé que récemment. Pendant très longtemps, la NMO a été considérée comme une forme particulière de sclérose en plaques (SEP). Cependant, des travaux récents ont mis en avant des différences sur le plan clinique, épidémiologique, immunologique et anatomopathologique entre SEP et NMO. C’est surtout la mise en évidence d’un autoanticorps dirigé contre l’aquaporine 4 (anti-AQP4 ou NMO-IgG), spécifique de la NMO, qui a permis de distinguer clairement la NMO de la SEP. Il fait maintenant partie des critères diagnostiques de la maladie. Il a également été à l’origine d’un élargissement du spectre clinicoradiologique de la maladie. Enfin, la découverte du rôle pathogène de cet auto-anticorps a permis de mieux comprendre la physiopathologie de la NMO et à abouti au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques. Cependant, certains patients, remplissant les critères diagnostiques de NMO, sont négatifs pour cet auto-anticorps. Cela soulève la question de la place de ce groupe de patients dans le nouveau spectre de la maladie, des mécanismes physiopathologiques propres à ce groupe et de la stratégie thérapeutique à leur proposer. La première hypothèse pour expliquer ce statut séronégatif est la sensibilité insuffisante de la méthode de détection utilisée. Dans ce cas, les anticorps anti-AQP4 sont présents mais en dessous du seuil de détection du test. L’usage classique de l’immunofluorescence sur coupe de cerveau et cervelet de rongeur exposait clairement à ce risque du fait de la limite d’espèce et de sa faible sensibilité. Les tests actuels sont plus performants car ils sont basés sur l’utilisation de cellules surexprimant à leur surface la protéine AQP4 humaine (cell-based assay). Cette amélioration de la sensibilité des tests de détection n’a pas seulement permis de faciliter le diagnostic de la maladie, elle a aussi abouti à une meilleure caractérisation du groupe des patients séronégatifs. En effet nous avons pu démontrer que l’amélioration de la sensibilité des tests de détection permettait d’aboutir à différencier les patients séronégatifs et séropositifs pour l’anti-AQP4.
Des caractéristiques cliniques.
Notre équipe et d’autres ont montré que les patients séronégatifs pour l’anti-AQP4 présentaient des caractéristiques distinctes des séropositifs. Ainsi, alors que les NMO séropositifs sont marqués par une prédominance féminine très nette (sex ratio› 5/1), chez les séronégatifs le sex-ratio est de 1. Alors que les patients séropositifs sont surreprésentés chez les Afro-Américains et en Asie, les séronégatifs sont plus volontiers caucasiens. Cliniquement, les NMO séronégatifs se présentent fréquemment d’emblée par une association de névrite optique et de myélite transverse, ce qui est relativement rare chez les séropositifs. En terme d’activité clinique et de handicap, les patients séronégatifs présentent un plus faible taux de poussée et un handicap moteur et visuel à long terme moindre que chez les séropositifs. Il est intéressant de noter que cette différence, en terme d’activité clinique, n’est pas retrouvée dans les cohortes plus récentes. Ceci est probablement à mettre en lien avec une prise en charge plus précoce et mieux adaptée. La forme dite « monophasique » de la maladie (un seul épisode d’emblée opticomédullaire) a été rapportée comme plus fréquente chez les séronégatifs. Par contre, l’analyse des caractéristiques paracliniques, d’imagerie ou biologique, ne met pas en évidence de différence nette entre les deux populations. Les NMO séronégatifs pourraient également présenter des différences physiopathologiques. En effet, le sérum des patients négatifs pour l’anti-AQP4 ne partage pas les effets toxiques des sérums positifs.
Formes pédiatriques.
Parmi les hypothèses alternatives, certains ont proposé l’implication de mécanismes indépendants de l’auto-immunité humorale ou bien encore la présence d’autres auto-anticorps. L’hypothèse de l’existence d’autres cibles à la réaction auto-immune vient des travaux concernant la myasthénie. Cette hypothèse semble confirmée par la présence d’anticorps anti-MOG rapportée chez un petit nombre de patients NMO séronégatifs pour les anti-AQP4. Il s’agissait essentiellement de formes pédiatriques. Ce groupe des patients séronégatifs est donc susceptible de regrouper plusieurs pathologies différentes. Ces différences démographiques, cliniques et probablement physiopathologiques des NMO séronégatives pour l’anti-AQP4 soulèvent plusieurs questions. La première est celle de leur place dans le spectre de la maladie. Plusieurs travaux récents ont exclu de facto les NMO séronégatives de leurs analyses, passant d’une définition clinicoradiologique de la maladie à une définition biologique et introduisant le concept d’« aquaporinopathie auto-immune ». La deuxième question est celle du traitement. Si le pronostic est moins sévère que chez les séropositifs, si le mécanisme physiopathologique est différent, la stratégie actuelle proposée dans la NMO, basée sur un traitement prolongé et visant à limiter la production d’auto-anticorps, pourrait ne pas être adaptée chez les séronégatifs. Enfin ces différences soulèvent la question de l’inclusion de ces patients dans les essais thérapeutiques qui se mettent actuellement en place dans la NMO, avec un risque important d’hétérogénéité en terme de réponse thérapeutique. Les travaux collaboratifs mis en place à l’échelle nationale, via le réseau NOMADMUS, et européenne, via le réseau EDEN, devraient permettre une caractérisation précise de ce groupe de patients, à la fois sur le plan clinique et physiopathologique, et aider à répondre à ces questions.
Fondation Eugène Devic-EDMUS, INSERM, U1028, Lyon Neuroscience Research Center, OncoFlam team, hospices civils de Lyon, université Claude Bernard, hôpital neurologique Pierre Wertheimer.
Pour en savoir plus:
Marignier R, Bernard-Valnet R, Giraudon P, et al. Aquaporin-4 antibody negative neuromyelitis optica : distinct assay-sensitivity-dependent entity. Neurology June 2 013
Jarius S, Ruprecht K, Wildemann B, et al. Contrasting disease patterns in seropositive and seronegative neuromyelitis optica: A multicentre study of 175 patients. J Neuroinflammation. 2 012;9:14.
Waters PJ, McKeon A, Leite MI, et al. Serologic diagnosis of NMO: a multicenter comparison of aquaporin-4-IgG assays. Neurology. 2012;78:665-71
Cabrera-Gomez JA, Bonnan M, Gonzalez-Quevedo A, et al. Neuromyelitis optica positive antibodies confer a worse course in relapsing-neuromyelitis optica in Cuba and French West Indies. Mult Scler. 2009;15:828-33.
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