En ophtalmologie, les génériques font partie de l’arsenal thérapeutique, depuis de nombreuses années, notamment dans le traitement du glaucome, avec des collyres bêtabloquants, inhibiteurs d’anhydrase carbonique, prostaglandines.
« Ils contiennent la même composition qualitative et quantitative en principe actif que le collyre princeps, mais leur dossier d’obtention de l’AMM est essentiellement pharmaceutique. En effet, si la composition physicochimique est déclarée la même, de nouvelles études cliniques n’ont pas besoin d’être réalisées », rappelle la Pr Isabelle Cochereau (Fondation Rothschild, Paris). L’efficacité et la tolérance sont donc théoriquement identiques mais elles ne reposent pas sur de nouvelles études cliniques.
absorbtion intra-occulaire
Or la bio-équivalence ne peut pas être facilement évaluée pour des collyres. Dans le cas des médicaments systémiques, un test sanguin peut démontrer si le médicament a été bien absorbé. Mais pour les médicaments ophtalmiques, il n’est pas possible de déterminer si le principe actif a été correctement absorbé dans l’œil. Des différences de formulation mineures peuvent affecter la manière dont le principe actif est absorbé ainsi que la tolérance du collyre.
Conservateurs et excipients
Dans un collyre générique, tout ce qui n’est pas le principe actif peut être, théoriquement, différent. Mais en pratique, en cas de variation de conservateurs (chlorure de benzalkonium, polyquaternium…) ou d’agents de viscosité (méthylcellulose, castor oil, mygliol…), au moins une étude clinique est demandée pour vérifier, à court terme, la non-infériorité d’efficacité et de tolérance versus le princeps.
Néanmoins, certains excipients mineurs ayant des rôles bien spécifiques, tels que les molécules ajustant la solubilité (chlorure de benzalkonium), la stabilité (édétate disodique), la tonicité/osmolalité (mannitol, chlorure de sodium, chlorure de potassium, sels tampon…) ou encore le pH (acide acétique/acétate de sodium, acide borique, acide citrique/acétate de sodium…) peuvent différer. « Ce sont peut-être ces adjuvants qui sont responsables d’une modification de la tolérance du collyre chez certains patients et ils ne sont pas évalués à nouveau dans un générique », explique la Pr Isabelle Cochereau.
Seuls les excipients à effet notoire qui peuvent être mal tolérés chez certains patients allergiques ou présentant un syndrome d’intolérance doivent être notifiés pour informer les professionnels de santé et les patients. Par exemple : le chlorure de benzalkonium et les composés organomercuriels qui peuvent provoquer des rougeurs ou des irritations.
On relève ainsi, dans la littérature, des résultats d’études, parfois contradictoires, sur la diminution de l’efficacité et l’augmentation des effets secondaires des collyres génériques par rapport aux collyres princeps.
Par ailleurs, il apparaît que les collyres génériques peuvent présenter des différences dans la taille des gouttes ainsi que dans la forme et taille des flacons qui modifient la façon dont le patient instille le médicament.
Sans oublier le risque de confusion qu’un collyre générique peut entraîner chez des patients souvent âgés, lorsqu’il y a un changement de présentation de leur collyre habituel, d’autant plus que le pharmacien peut changer le générique.
Tolérance locale
« Dans la mesure où la tolérance locale est un point clé de l’observance, il est important de s’enquérir du générique utilisé et de s’assurer à la fois de son efficacité et d’éventuels effets secondaires », souligne la Pr Isabelle Cochereau.
Ceci est particulièrement important dans le glaucome, en raison du caractère permanent du traitement. Les génériques présentent un intérêt pour la maîtrise des dépenses de santé, mais il faut rester vigilant pour les patients.
« Notre attitude est pragmatique, en cas de doute sur l’efficacité ou la tolérance, il est raisonnable de revenir au collyre initial et de préciser "non substituable" sur l’ordonnance », conclut la Pr Isabelle Cochereau. À savoir, aujourd’hui avec l’obligation de la prescription en DCI, qu’il est toujours possible de mentionner à côté le nom de marque.
D’après un entretien avec la Pr Isabelle Cochereau, ophtalmologiste, Fondation Rothschild (Paris)
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