« C’EST UNE DÉCOUVERTE bienvenue, mais surprenante du point de vue de la plasticité cérébrale et de l'apprentissage perceptif », déclare au « Quotidien » la Française Daphné Bavelier, professeur de sciences cognitive et cérébrale, directrice du laboratoire de réalité virtuelle MindSpace, à l'Université de Rochester (New York). « Ce n'est pas la première fois que des chercheurs tentent d'améliorer par un entraînement la sensibilité au contraste. Néanmoins, c'est le premier traitement efficace… Il montre que les personnes à la vue normale ou corrigée peuvent améliorer leur vision en jouant aux jeux vidéo d'action. »
« Notre collaborateur Dennis Levi, qui dirige le département d'Ophtalmologie à l'université de Berkeley en Californie, utilise cette technique chez des sujets amblyopes et elle semble efficace. Dans le cas des amblyopes, toutefois, les jeux d'action peuvent être au début un peu trop difficiles pour le système visuel, par conséquent ils doivent être ajustés aux besoins. Nous y travaillons. »
Le vieillissement et l'amblyopie.
La sensibilité au contraste (jugée sur la capacité à distinguer deux teintes voisines de gris), évaluée systématiquement dans l'examen clinique de la vue, est l'un des premières fonctions compromises dans nombre de situations, dont le vieillissement et l'amblyopie. Cette baisse se montre particulièrement gênante pour la conduite de nuit ou en faible visibilité. Les traitements standards visant à l’améliorer font tous appel à la correction optique, par lunettes, lentilles ou encore chirurgie.
Daphné Bavelier et son équipe ont ainsi identifié une intervention efficace. Le simple fait de jouer à des jeux vidéo d'action, 5 heures par semaine pendant 2 mois, améliore la sensibilité au contraste en agissant sur la plasticité neuronale.
Dans un premier temps, les chercheurs ont étudié la vision, normale ou corrigée, de 20 jeunes adultes (de 19 à 27 ans), dont la moitié était des joueurs réguliers de jeux d'action (au moins 5 heures/semaine dans les 6 derniers mois), et l'autre moitié ne l'était pas (moins de une heure/semaine l'année précédente). Les joueurs réguliers présentent une sensibilité au contraste améliorée de 53 % par rapport aux non joueurs.
Entraînement intensif.
Afin d'établir sans ambiguïté l'effet causal du jeu d'action, ils ont conduit dans un deuxième temps une étude d'entraînement intensif (50 heures de jeu d'action sur 9 semaines, soit environ 5 heures et demi par semaine pendant 2 mois) chez une trentaine de participants qui n'étaient pas des joueurs réguliers. Ils ont été répartis au hasard en 2 groupes : l’un sur des jeux d'action (Unreal Tournament et Call of Duty), et l’autre, témoin sur un jeu de simulation (Sims 2), complexe mais ne nécessitant pas des tirs précis.
À la fin des 2 mois, les participants entraînés aux jeux d'action présentent une sensibilité au contraste améliorée de 43 %, par rapport aux témoins. Enfin, une fraction des participants a été revue entre 6 à 24 mois plus tard. L'amélioration a persisté.
Il faut remarquer que ces bénéfices ont été obtenus chez des adultes jeunes, au faîte de leurs facultés visuelles. « Ceci est important en pratique, pour améliorer la conduite de nuit ou sous mauvaise visibilité, ou la lecture. Plus généralement, nos résultats indiquent que le temps passé devant un écran d'ordinateur n'est pas forcément nuisible à la vision. »
Le Pr Daphné Bavelier travaille à appliquer cette recherche au traitement de l'amblyopie. Son équipe cherche également à élucider les mécanismes qui permettent cette plasticité.
Nature Neuroscience 29 mars 2009, Li et coll., DOI : 10.1038/nn.2296.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?