PAR LES Drs VINCENT PIERRE-KAHN* ET DAVID SAYAG**
LE TRAITEMENT des affections rétiniennes s’est profondément transformé en une décennie. La photocoagulation constituait il y a encore dix ans le traitement quasi exclusif des rétino-maculopathies. Puis la thermothérapie transpupillaire suivie de la photothérapie dynamique à la vertéporfine (PDT) ont réussi à s’imposer quelque temps en améliorant modestement le pronostic des DMLA exsudatives. Ces lasers n’ont pu résister à l’arrivée brutale en 2007 des anti-VEGF dont l’efficacité, hautement supérieure, a révolutionné le pronostic des formes rétrofovéales de la maladie. L’espoir ainsi suscité a poussé de nombreuses équipes à proposer ce traitement dans d’autres pathologies rétiniennes bien qu’à ce jour l’AMM des anti-VEGF ne concerne que la DMLA. L’utilisation concomitante, d’un corticoïde (dexaméthasone, triamcinolone) en administration périoculaire puis intravitréenne (IVT), participe également au bouleversement thérapeutique des maculopathies démateuses. Mais que reste-t-il actuellement des indications de laser en 2010 ?
DMLA : IVT ou combinaison thérapeutique ?
La photocoagulation reste le traitement de référence des néovaisseaux choroïdiens (NVC) extrafovéaux compliquant la DMLA. Dans les formes rétrofovéales, les études MARINA et ANCHOR ont validé l’utilisation du ranibizumab (Lucentis) en IVT mensuelle. Les thérapeutiques combinées impliquant PDT, ranibizumab et dexaméthasone visent à réduire le nombre d’IVT en agissant sur différents mécanismes physiopathogéniques des NVC. Deux études randomisées sont actuellement en phase III : DENALI et MONT-BLANC qui comparent la bithérapie (ranibizumab + PDT) au ranibizumab seul. Les premiers résultats à 1 an de MONT-BLANC montrent une efficacité comparable des deux traitements, avec une tendance vers moins de retraitements par IVT dans le groupe bithérapie. L’étude RADICAL compare trois bras : trithérapie (PDT + dexaméthasone + ranibizumab), bithérapie (PDT + ranibizumab) et ranibizumab seul. À un an, les résultats montrent un plus faible taux de retraitements (< 4) dans les groupes tri- et bithérapie, l’acuité visuelle restant comparable dans ces trois groupes. Ces premiers résultats sont encourageants et renforcent l’intérêt d’associer les traitements. D’autres molécules intravitréennes sont en cours d’étude (VEGF Trap, anti-PDGF, inhibiteur du facteur C5) qui visent à obtenir des résultats au moins identiques au ranibizumab avec une réduction du nombre d’IVT.
Diabète : laser ou injection ?
La panphotocoagulation (PPR) reste le traitement de référence des rétinopathies non proliférantes sévères ou proliférantes pour limiter le risque de cécité. L’ETDRS a démontré que la photocoagulation en grid des dèmes maculaires (OM) cliniquement significatifs permet de réduire de 50 % le risque de baisse visuelle à 3 ans. Ce traitement se révèle très efficace pour les OM focaux, mais décevant dans les formes diffuses ou mixtes. Depuis 2001, les IVT de triamcinolone se sont développées démontrant une efficacité anatomique spectaculaire sur l’OM diffus avec un gain d’acuité visuelle sensible. Cependant, la répétition des injections et la iatrogénie induite (hypertonie, cataracte, pseudoendophtalmie) limite leur utilisation. De plus, les résultats de DRCRS comparant le grid maculaire à la triamcinolone montrent qu’à 3 ans, l’acuité visuelle est meilleure dans le groupe laser. D’autres alternatives sont donc à l’étude en particulier les anti-VEGF. Parmi eux, le ranibizumab est comparé au placebo ou au laser dans deux études de phase II (RESOLVE et READ 2). L’étude de phase III RESTORE compare trois bras : laser, laser + ranibizumab et ranibizumab seul. Les résultats intermédiaires démontrent, qu’au prix d’IVT répétées, le ranibizumab induit une amélioration progressive d’acuité supérieure au laser. Le laser pourrait, en association au ranibizumab, réduire le nombre d’injections.
Occlusion veineuse : laser ou injections ?
La néovascularisation prérétinienne ou irienne des formes ischémiques impose une panphotocoagulation. Le traitement de l’OM persistant par un grid maculaire est efficace dans les occlusions de branche (BVOS 1994) mais inefficace dans les occlusions de la veine centrale (CVOS 1995). La triamcinolone entraîne certes une baisse rapide et importante de l’dème, mais ses effets secondaires et l’absence d’AMM en limitent l’utilisation. L’implant intravitréen biodégradable de dexaméthasone 700 µg (Posurdex) a reçu une AMM aux Etats-Unis dans le traitement des OM compliquant les occlusions veineuses. Deux études randomisées comparant Posurdex au placebo concluent à une amélioration significative de l’acuité pendant les six premiers mois. La fréquence des effets secondaires semble inférieure à celle observée avec la triamcinolone. Une utilisation en ATU sera possible en France prochainement. Le ranibizumab est également à l’étude en IVT mensuelle contre placebo dans deux études de phase III (BRAVO et CRUISE). Les résultats intermédiaires à 6 mois démontrent une amélioration significative respectivement de 10 et 15 lettres en moyenne dans le groupe ranibizumab.
Le laser se retrouve donc aujourd’hui relayé au second plan depuis l’avènement des pharmacologies intravitréennes. Les traitements de la DMLA profitent largement aux OM vasogéniques ainsi qu’aux NVC secondaires, idiopathiques ou du myope. La PDT garde encore des indications spécifiques dans le cadre de l’AMM (DMLA [bithérapie]) et hors AMM (NVC du myope, hémangiome choroïdien, CRSC chronique, ERD, vasculopathie polypoïdale). Le laser reste le traitement de référence des rétinopathies ischémiques, de l’OM diabétique focal (modérée ou sévère) ou secondaire aux occlusions de branche veineuse, mais les IVT de corticoïde ou d’anti-VEGF s’inscrivent dans une logique anticipative, forts des résultats intermédiaires prometteurs des études randomisées en cours. Enfin, des dispositifs intravitréens à libération prolongée sur 3 ans d’acétonide de fluocinolone injectés ou suturés sont à l’étude dans les OM vasculaires, réduisant ainsi les contraintes liée aux IVT itératives.
*Hôpital Foch, Suresnes et Explore Vision, Paris
** Centre hospitalier intercommunal, Créteil et Explore Vision, Paris
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