Editorial

Noli me tangere

Publié le 29/01/2015
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Chaque siècle connaît autour de son An XV une fracture majeure et l’effondrement de l’ordre ancien. Jusqu’à maintenant, l’ophtalmologie, en veille et défense depuis plus de 20 ans, a su parer la plupart des menaces, lorsque ces dernières lui étaient spécifiques. En revanche, elle perd des plumes chaque fois qu’elle subit un avalage de couleuvres imposé à l’ensemble de la profession. Et lorsqu’une malédiction s’en mêle, cela devient compliqué !

Heureusement, un stop a été imposé à l’optométrie, sous l’impulsion du brillant duo des présidents du syndicat professionnel. Le ministère a confié à la filière des « 3O » (ophtalmologistes, orthoptistes et opticiens), dans le domaine unique de la prescription des lunettes, une prestation raccourcie, efficace et non médicalisée en première intention. Les conditions, précises, sont actuellement testées. Des mesures y sont évidemment associées : limitation des prix, médicalisation contrôlée des adaptations et une certaine compréhension envers les réseaux de soins.

Cette périmédicalisation de la prescription des verres nous imposera de passer au travail délégué et au cabinet multitâches. Pour l’instant, les départs à la retraite ne sont pas compensés par les arrivants, mais après, les équilibres se rétabliront-ils autour du même périmètre ?

Les ophtalmologistes devront rapidement tirer parti des changements et s’organiser pour modifier leurs pratiques de rendez-vous et de délivrance. Les centres Point vision labourent actuellement les champs délaissés par les cabinets et attirent les médecins fatigués d’un exercice libéral. Les patients profitent de ces structures, parfaitement conçues pour un objectif clair. Rien n’empêche les libéraux de faire de même, à une moindre échelle.

Parallèlement, les investigations complémentaires oculaires connaissent une croissance importante, soutenue par des appareillages de plus en plus performants, simplifiés et cotés. Les strates d’anciens CES vont se réduire, alors que celles des anciens internes vont croître, avec ce que cela implique de formation technique. Attendons-nous à maintenir notre leadership en matière de consommation de soins et d’up-coding.

Alors, 2015 ? Ce sera l’année du tiers payant généralisé (TPG) et Marisol Touraine n’a qu’un œil. Ce nouveau noli me tangere de l’argent viendra altérer notre fonctionnement, faute d’avoir préalablement mis en place des outils de régulation. Une seule prévention : mettre en route, d’urgence, une transition technologique, en modifiant parallèlement les contraintes de rendez-vous et d’accès.

Chef de service consultant de l’hôpital Foch, directeur médical groupe Visya

Dan Alexandre Lebuisson

Source : Bilan spécialistes