Rétinopathie diabétique

Priorité au dépistage

Publié le 28/01/2016
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Un dépistage tous les deux ans, selon la Haute Autorité de santé

Un dépistage tous les deux ans, selon la Haute Autorité de santé
Crédit photo : PHANIE

« Le dépistage de la rétinopathie diabétique (RD) est un vrai enjeu de santé publique. En 2014, près de 40 % des patients diabétiques en France n’avaient pas eu accès à un ophtalmologiste dans les deux années précédentes », souligne le Dr Jean-Bernard Rottier, ancien président du SNOF, qui exerce au Mans. Ces patients à risque doivent pourtant avoir accès à un dépistage tous les deux ans selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS). « La profession est prête à s’engager pleinement dans ce dépistage. Mais nous regrettons la manière avec laquelle il a été mis en place par l’Assurance-maladie », souligne le Dr Rottier.

Au premier semestre 2015, la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) a mis en place un nouveau mode dépistage de la RD par télémédecine, en coopération entre un orthoptiste formé à la réalisation de rétinographies et un ophtalmologiste qui effectue leur lecture différée hors présence du patient. Ce mode de dépistage, validé par la HAS, concerne les patients diabétiques âgés de moins de 70 ans et sans RD connue.

Une nouvelle cotation a donc ainsi été créée pour les orthoptistes libéraux qui reçoivent en direct des patients et font un dépistage par rétinographie en couleur avec télétransmission – 17,42 €, 15,86 € si la transmission s’effectue par autre moyen que la télétransmission.

Ce dispositif ne convainc pas totalement le Dr Rottier. « La caisse avait deux objectifs en tête : favoriser le dépistage de la RD, mais surtout satisfaire les orthoptistes libéraux en leur donnant la cotation d’un nouvel acte qui, au final, s’est avérée plutôt favorable pour eux. Or, ce n’est jamais très bon de mélanger ainsi les objectifs dans une action de santé publique comme celle-ci », estime le Dr Rottier.

Un premier handicap, selon lui, est le manque de visibilité des orthoptistes libéraux au sein de la population. « L’Assurance-maladie veut créer un nouveau flux de patients vers les orthoptistes. Or les patients ne connaissent pas encore très bien l’activité de ces professionnels de santé », souligne le Dr Rottier, en estimant que ce dépistage aurait pu reposer davantage sur les cabinets d’ophtalmologistes libéraux. « Nous pouvons nous organiser pour assurer ce dépistage, en lien bien sûr avec les orthoptistes. 20 % des ophtalmologistes travaillent avec des orthoptistes au sein de leurs structures ».

En présentant le dispositif en mai 2015, l’Assurance-maladie avait tenu à préciser que ce dépistage avait été conçu suite à l’évaluation par la HAS de l’acte « Interprétation des photographies du fond d’œil, suite à une rétinographie avec ou sans mydriase » en juillet 2007, et la publication en décembre 2010 de recommandations relatives au « Dépistage de la rétinopathie diabétique par lecture différée de photographies du fond d’œil ». Mais le Dr Rottier estime que l’Assurance-maladie « n’a pas suffisamment dialogué » avec la HAS sur ce dossier. « Nous avons travaillé sur un protocole de dépistage avec la HAS qui prévoyait de permettre aux infirmiers de prendre des photos et de dilater les patients. Or, la caisse a choisi une cotation uniquement destinée aux orthoptistes en écartant les infirmiers libéraux du dépistage. De même, il aurait été intéressant que les médecins généralistes puissent avoir une cotation pour la prise de photos », souligne le Dr Rottier.

Ce dernier regrette enfin la manière avec laquelle a été fixée la cotation pour les ophtalmologistes. « La commission de hiérarchisation des actes de la CNAM avait évalué, au départ, cet acte à 17 €. Mais d’autorité, Frédéric Van Roekeghem (ancien directeur général de l’Assurance-maladie) l’a rabaissé à 11,40 € en affirmant que cet acte n’entraînait pas de coût de secrétariat, ni de pratique. Pourtant, pour ce dépistage, nous devons faire plusieurs courriers. Le fait de ne pas tenir compte de ce qui avait été fixé par la commission de hiérarchisation est d’une grande maladresse », indique le Dr Rottier.

Malgré l’attitude de la CNAM, les ophtalmologistes sont prêts à s’engager sous réserve d’ajustements. Un site internet (www.depistageophtalmo.org) a ainsi été mis en place pour que chaque ophtalmologiste s’inscrive pour signaliser sa localisation sur le territoire et participer au dépistage.

D’après un entretien avec le Dr Jean-Bernard Rottier, ancien président du SNOF
Antoine Dalat

Source : Bilan spécialiste