Rétinopathie diabétique

Un arsenal thérapeutique élargi

Publié le 29/01/2015
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Crédit photo : PHANIE

L’œdème maculaire diabétique (OMD) reste la principale cause de malvoyance des patients diabétiques.

L’hyperglycémie chronique entraîne un épaississement de la membrane basale des capillaires, la disparition des péricytes et des cellules endothéliales ainsi que la production de cytokines inflammatoires, dont le VEGF, à l’origine de la rupture de la barrière hématorétinienne, responsable d’une hyperperméabilité des capillaires rétiniens et de la formation de l’œdème maculaire.

Pour traiter efficacement un OMD, il convient, bien sûr, de tenir compte des caractéristiques du patient (âge, type et ancienneté du diabète, facteurs de risque cardiovasculaires associés, sévérité de la rétinopathie diabétique…) et de l’œdème (retentissement visuel, type d’œdème, maculopathie ischémique associée, épaisseur en OCT…)

« La base du traitement de l’OMD repose sur la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires (équilibre glycémique, tensionnel et lipidique…) », souligne la Pr Pascale Massin (CHU Lariboisière, Paris).

Il est notamment essentiel de corriger l’HTA, y compris nocturne, présente chez les patients atteints de syndrome d’apnée du sommeil, lequel concerne 80 % des sujets avec OMD. Cette équilibration des facteurs systémiques doit être obtenue, au mieux préalablement au traitement ophtalmologique de l’OMD ou sinon de façon concomitante. On peut attendre 3 à 4 mois avant de traiter un OMD, afin de réévaluer la situation en cas de rééquilibration, la baisse visuelle étant lente.

Injections intravitréennes d’anti-VEGF

Le laser est moins efficace sur l’OM que sur les néovaisseaux et peut être destructeur. Le traitement de première intention de l’OMD est devenu le traitement par injections intravitréennes d’anti-VEGF qui ont nettement amélioré son pronostic.

Le ranibizumab (Lucentis) a obtenu l’AMM en 2010 dans cette indication. Il entraîne une amélioration de l’acuité visuelle pour 40 à 60 % des patients. « Les facteurs prédictifs de réponse n’ont pas encore été clairement identifiés », déclare la Pr Pascale Massin. Aflibercept (Eylea) vient également d’obtenir une AMM dans cette indication ; les anti-VEGF ralentissent aussi la progression de l’ischémie périphérique ; les injections d’anti-VEGF présentent une bonne tolérance, leur courte durée d’action impose des injections fréquentes.

Le schéma thérapeutique est fondé sur l’acuité visuelle mesurée en échelle ETDRS et l’OCT, et vise à l’obtention d’une acuité visuelle mensuelle stable pendant 3 mois et d’un assèchement de l’œdème en OCT qui sera réalisé avant la première injection et après la troisième injection. En cas de récidive de l’OMD, le traitement par injections doit être repris. En moyenne, le nombre d’injections est de 7-8 la première année, trois à quatre la deuxième, deux à trois la troisième. Les injections doivent être initialement mensuelles.

Injection intravitréennes de corticoïdes

Les injections intravitréennes d’acétonide de triamcinolone (Kenacort) ont été proposées pendant plusieurs années pour traiter les œdèmes maculaires diabétiques. Un des mécanismes des corticoïdes est qu’ils réduisent la perméabilité capillaire rétinienne en augmentant l’activité et/ou la densité des systèmes de jonction intercellulaires au niveau de l’endothélium des capillaires rétiniens.

L’effet est très rapide et maximal dès les premières semaines après l’injection mais il disparaît après six mois en moyenne. Les injections doivent donc être répétées tous les quatre à six mois. Elles ne seront répétées qu’en cas d’amélioration anatomique et fonctionnelle ressentie par le patient après l’injection précédente et en l’absence d’effets secondaires sévères. En effet, l’utilisation des corticoïdes est limitée par ses effets secondaires (hypertonie oculaire, glaucome cortisonique, cataracte…). Une chirurgie de la cataracte est nécessaire dans plus de 50 % des yeux injectés, après deux ans de suivi.

Ozurdex (dexaméthasone) vient d’obtenir une AMM dans cette indication. Il s’agit d’un dispositif biodégradable, contenant de la dexaméthasone, et ayant une durée d’action de l’ordre de 4 mois. Il est efficace pour améliorer l’acuité visuelle et réduire l’épaississement maculaire. Il peut être utilisé en première intention chez les patients pseusophaques ou chez les patients phaques pour lesquels le traitement par anti-VEGFs ne convient pas. Il sera également utilisé en deuxième intention en cas d’échec des anti-VEGFs.

L’implant intravitréen Iluvien (acétonide de fluocinolone), qui a une durée d’action de 2 à 3 ans, a également obtenu une AMM dans le traitement de l’OMD chronique en deuxième intention, lorsque la réponse aux traitements disponibles est jugée insuffisante, mais il n’est pas encore remboursé.

« En pratique, chez un sujet jeune, n’ayant pas l’âge d’avoir une cataracte, on proposera plutôt une injection intravitréenne d’anti-VEGF, et chez un patient plus âgé (ayant déjà été opéré de la cataracte), une injection de corticoïde. L’arsenal thérapeutique s’étant élargi, on va pouvoir personnaliser le traitement et le changer en cas de réponse insuffisante… le patient peut répondre à une autre molécule », explique la Pr Pascale Massin. « Le traitement par photocoagulation au laser a des indications aujourd’hui limitées en 2e ou 3e intention, éventuellement associé à des injections d’anti-VEGF ou de corticoïdes ».

La vitrectomie est indiquée pour les rares cas d’œdème maculaire tractionnel, induit par la contraction de la membrane hyaloïdienne prémaculaire épaissie et condensée ou en cas de rétraction par une membrane épimaculaire.

D’après un entretien avec la Pr Pascale Massin (CHU Lariboisière, Paris)

Christine Fallet

Source : Bilan spécialistes