Il existe de nombreux éléments dans la littérature scientifique en faveur de l'utilisation de l'oxygénothérapie hyperbare dans la prise en charge des surdités aiguës idiopathiques. Faute d'études randomisées suffisamment nombreuses, il n'y a toutefois pas de recours systématique à ce traitement qui consiste à placer le patient dans une chambre étanche où il est soumis à une pression équivalente à une immersion sous 15 m d'eau. Les chercheurs de l'université de Colombie-Britannique et de l'hôpital général de Vancouver ont publié une méta-analyse dans le « JAMA Otolaryngology Head and Neck Surgery ».
La principale cause suspectée dans les surdités idiopathiques est une mauvaise perfusion de l'oreille interne (les ORL surnomment ce type de surdité l'AVC de l'oreille). Or, dans un caisson hyperbare, la pression est telle que l'oxygène de l'air infuse directement dans les tissus de l'oreille interne.
Une thérapie difficile à évaluer
Dans leur méta-analyse, les auteurs ont inclus quatre études randomisées totalisant 88 participants bénéficiant d'un traitement hyperbare et 62 participants bénéficiant de la prise en charge standard dans les groupes contrôles. Un nombre relativement faible qui illustre le manque d'études randomisées et qui handicape l'évaluation de cette stratégie thérapeutique. « Compte tenu de la nature même de l'intervention, il n'est pas facile de mettre en place des études prospectives », explique le Dr Thierry Joffre, responsable du centre de médecine hyperbare de l'hôpital Édouard-Herriot (Hospices civils de Lyon), l'un des 22 centres du genre en France. Le recours à l'oxygénothérapie hyperbare figure dans les recommandations internationales et européennes, reprises en 2007 par la Haute Autorité de santé (HAS) et mises à jour en 2016, mais, fautes d'essais prospectifs avec groupe contrôle, le niveau de preuve reste de type 2, niveau C.
Dans les études sélectionnées par les auteurs canadiens, leur critère de jugement principal était une amélioration d'au moins 10 décibels du seuil de perception du son pour quatre basses fréquences (0,5, 1, 2 et 3-4 kHz) ou trois hautes (3-4, 6 et 8 kHz). Selon les données rassemblées, il existait une différence moyenne de 10,3 décibels entre le groupe traité et le groupe contrôle. Par ailleurs, les patients bénéficiant d'une oxygénothérapie hyperbare avaient 4,3 fois plus de chance de recouvrer leur audition.
Des patients jeunes et en bonne santé
Dans la pratique, l'oxygénothérapie hyperbare est proposée aux patients souffrant d'une surdité aiguë survenue soudainement sans explication spécifique. « Ce type de surdité touche préférentiellement les adultes jeunes, entre 20 et 40 ans, et en bonne santé générale, explique le Dr Joffre. Chaque année, notre centre traite entre 30 et 50 surdités, dont les trois quarts entrent dans la définition stricte de la surdité aiguë idiopathique. Certains patients ne nous sont pas adressés par les ORL qui ne sont pas convaincus par le faible niveau de preuve des recommandations. »
Les surdités aiguës idiopathiques sont initialement traitées par corticoïdes. Au bout d'une semaine et en l'absence d'amélioration objectivée par l'audiométrie de contrôle, un ORL peut faire un bilan pour éliminer d'autres causes de surdité potentielles, telle qu'une tumeur du nerf acoustique. Le passage en caisson hyperbare, bien qu'étant un traitement de seconde ligne, doit intervenir moins de six mois après l'apparition des symptômes. « Au-delà de six mois, on atteint le stade des séquelles », précise le Dr Joffre. Dans le cadre d'un traitement de la surdité, les contre-indications sont l'insuffisance cardiaque ou respiratoire sévère, les maladies psychiatriques, les épilepsies mal contrôlées (à cause du risque de convulsion sous pression), une grossesse en cours ou encore un pneumothorax.
« La prise en charge comprend 10 à 30 séances de deux heures à raison d'une séance par jour », détaille le Dr Joffre. Une amélioration significative est obtenue dans 80 % des cas, même si une récidive est possible.
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