Des solutions pour réduire le bruit à l’hôpital

Une stratégie « bien être » pour les soignants et les patients

Publié le 26/11/2018
Article réservé aux abonnés
santé medecins

santé medecins
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

En 50 ans, les couloirs des hôpitaux sont passés d’un niveau sonore de 57 à 72 dB le jour – avec des pics qui atteignent même 80,3 dB - et de 42 à 60 dB la nuit. La signalétique « Hôpital Silence » a disparu depuis bien longtemps, à croire que le silence n’est plus une priorité pour les soins et qu’il a été remplacé par un bruit de fond accepté voire entretenu par tous, soignants comme patients.

Pourtant, l’OMS préconise de ne pas dépasser 40 dB dans les couloirs des lieux de soins et 35 dB dans les chambres de patients. L’organisation internationale estime qu’il existe un danger pour la santé dès qu’une personne est soumise à une intensité de 80 dB pendant 8 heures. Elle souligne aussi qu’il existe une gêne dès le seuil de 55 dB.

L’exposition prolongée au bruit induit une majoration de la fatigue, du stress, de l’anxiété et peut induire des troubles du sommeil. Soignants et patients sont soumis à ces bruits excessifs qui impactent sur leur qualité de vie et sur leurs relations interindividuelles.

Le bruit appelle le bruit

Interrogés sur les sources de bruits gênantes dans leur pratique quotidienne, les soignants mettent en avant les alarmes, les machines et souffleries, les appels téléphoniques et déclenchements de sonneries (bips), les conversations des soignants, de patients, l’omniprésence des accompagnants en nombre non limité… Ils soulignent aussi que les hôpitaux français sont souvent soumis à des tranches de travaux de réhabilitation alors même que les services continuent à accueillir des patients.

Mais tous les services hospitaliers ne sont pas soumis au même niveau sonore : les services techniques (chauffage, menuiserie, ventilation, machines en veille…), les services médico-techniques (imagerie, bloc opératoire, urgences…) et les salles d’attente viennent en tête.

L’une des particularités de l’hôpital vient du fait qu’il existe un bruit de fond particulièrement intense (jusqu’à 75 dB) et qu’il s’y surajoute des bruits dits « de crête » aigus, brutaux, réplétifs, mais dont la différence d’intensité par rapport aux bruits de fond est peu importante (80 à 82 dB).

Or le bruit appelle le bruit : les conversations sont systématiquement dans un registre plus intense qu’en extérieur, les alarmes sont préréglées à un niveau sonore très élevé, pour se faire entendre les patients ressentent le besoin de crier… Il faut reconnaître que la vigilance pour des impacts sonores alertants dans d’autres circonstances est diminuée dans l’univers hospitalier.

Troubles cardio-vasculaires, HTA…

Quel est l’impact du bruit sur les soignants ? Comme toute personne exposée au bruit, les médecins et infirmiers peuvent présenter une fatigue auditive avec l’apparition de bourdonnements d’oreilles ou acouphènes, voire d’une diminution transitoire de l’audition.

La communication est perturbée, le ton des conversations est plus haut, ce qui ne les rend pas nécessairement plus audibles et ce d’autant plus que la concentration est, elle aussi, impactée. Le risque de mauvaise compréhension, d’erreurs, d’incidents ou d’accidents du travail est majoré.

Les soignants en arrivent parfois à une « fatigue des alarmes » et leur attention est moins aiguë en raison de l’excès de sollicitations constantes. Par ailleurs, les moments de détente au calme sont rares dans les journées, puisque même les lieux de repos ou de repas sont soumis aux bruits de conversations – souvent bien nécessaire – des équipes soignantes.

Physiologiquement, en réponse au bruit, l’organisme produit des hormones de stress (cortisol, adrénaline, noradrénaline) qui peuvent induire des troubles cardio-vasculaires (majoration de 20 % du risque des personnes qui travaillent avec un bruit de fond de 70 dB par rapport à celles qui travaillent sous 60 dB), une hypertension (risque d’HTA triplé tous les 5 dB, au-dessus de 50 dB), des troubles de la glycémie. Il s’y ajoute des risques de tachycardie, de stress, d’irritabilité et ce d’autant plus que la qualité du sommeil est perturbée par le rythme de travail.

Dans les unités de soins intensifs où les patients eux aussi ressentent les effets du bruit, les interactions humaines peuvent devenir problématiques du fait de l’irritabilité de tous les intervenants.

Absorber, bloquer, couvrir

En France, une législation sur le bruit (valeur moyenne et valeur de crête) est définie par un arrêté du 25 avril 2003 qui précise les exigences d’isolement des nouveaux bâtiments.

Pour réduire le bruit à l’hôpital, trois grandes séries de mesures doivent être proposées : l’absorption, le blocage et la couverture. Pour absorber le bruit dans les services hospitaliers, un effort particulier doit être fait sur le revêtement des plafonds en choisissant des matériaux spécifiques. Dans les lieux particulièrement bruyants, il est possible d’installer de larges panneaux verticaux couverts de substance absorbante.

Une attention particulière doit être portée aux sols : les sols souples qui amortissent le bruit des pas et des objets roulants doivent être préférés. Ils permettent en outre de limiter des risques de fractures en cas de chute.

Dans les services techniques ou médico-techniques, la diffusion de bruits blancs (son constant et monotone) permet de masquer ou d’ignorer les autres bruits de l’environnement.

Les fabricants de matériels médicaux commencent à être sollicités pour adapter les alarmes et les bruits de fonctionnement à un environnement déjà saturé. Afin de permettre de garder une vigilance aux signes de dysfonctionnements, les industriels tentent de limiter au maximum les déclenchements de « fausses alarmes » qui restent des artefacts et non des signes d’alerte. En effet, plus une machine envoie des signaux de fausse alerte, moins l’attention des soignants est aiguë. Parmi les autres pistes proposées par les industriels, la mise en place de sons différenciés selon les machines voire d’alarmes parlées (« saturation en baisse… » par exemple) est une approche qui est plébiscitée par les soignants.

Enfin, la formation du personnel à la bonne utilisation des dispositifs bruyants, à protection individuelle et un suivi par le service de santé au travail sont indispensables.

Noise pollution in hospital BMJ 2018; 363 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.k4808 Estelle Jobson: Engaging with patients on the hospital soundscape. The BMJ opinion. November 19, 2018   Darbyshire J. Excessive noise in in

Source : Le Quotidien du médecin: 9705