Un avis du CES sur la pédopsychiatrie

Des solutions contre le dépistage tardif

Publié le 24/02/2010
Article réservé aux abonnés
1276102139F_600x_132224_IMG_30445_1267201503151.jpg

1276102139F_600x_132224_IMG_30445_1267201503151.jpg
Crédit photo : PHANIE

DES TROUBLES trop souvent mal connus et diagnostiqués tardivement. Lors de l’assemblée plénière du Conseil économique, social et environnemental (CES) au Palais d’Iéna, Jean-René Buisson, au nom de la section des Affaires sociales, a dressé un état des lieux de la prévention et de la prise en charge des troubles psychiatriques avérés des enfants et des adolescents. Huit mois de travaux et une vingtaine d’auditions, dont certaines lors d’une visite à l’Établissement public de santé de Ville Évrard, auront été nécessaires au groupe de travail pour répondre à trois questions : comment mieux connaître et détecter les troubles précocement ? Comment organiser la prise en charge et coordonner les différentes structures et les différents acteurs ? Comment intégrer les jeunes concernés dans la structure la plus adaptée ?

L’avis balaie l’ensemble des difficultés liées à l’organisation de la prise en charge, à la multiplicité des intervenants, aux délais d’obtention d’un premier rendez-vous et propose des solutions pour améliorer le dépistage. « Si d’indéniables progrès ont été accomplis, le dépistage précoce et la prise en charge rapide des enfants et des adolescents constituent toujours les points noirs de la pédopsychiatrie », souligne l’avis, qui énumère, pêle-mêle, délais excessifs, démographie médicale préoccupante, importance du coût des soins laissés à la charge des familles, carence de la réponse apportée aux troubles des adolescents.

Généralistes et pédiatres.

Le CES s’est d’abord attaché « à distinguer la souffrance psychique des troubles psychiatriques », expliquant que « certains comportements d’enfants ou d’adolescents sont souvent improprement assimilés à des pathologies psychiatriques ». Un enfant sur 8 souffrirait d’un trouble mental en France, qu’il s’agisse d’autisme, d’hyperactivité, de troubles obsessionnels compulsifs, de troubles de l’humeur, d’anxiété, d’anorexie, de boulimie ou de schizophrénie, selon une expertise collective de l’INSERM. La demande en soins psychiatrique est, tout comme le recours aux soins en psychiatrie générale, en forte croissance, de7 % depuis 2000.

Face à cette demande, l’offre organisée en secteur depuis la circulaire du 15 mars 1960, majoritairement ambulatoire, est le fait des centres médico-psychologiques (CMP) dans la majorité des cas (97 %), mais aussi des centres d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) et hospitalisation de jour. L’hospitalisation à temps complet est réservée aux cas les plus difficiles, les plus lourds, ou aux situations de crise aiguë. Les intervenants sont nombreux, essentiellement les psychiatres, psychologues, éducateurs, assistants sociaux. Toutefois, « les médecins généralistes, les pédiatres et les médecins de l’Éducation nationale ont un rôle essentiel », affirme le CES. Ce sont eux qui sont amenés à assurer un dépistage précoce, mais « leur connaissance des avancées scientifiques, dans le domaine du repérage des troubles, est la plupart du temps insuffisante, comme leur formation continue en la matière » et dans le cas des médecins scolaires, « en raison de l’insuffisance chronique des moyens, (ils) ne peuvent jouer un rôle en matière de repérage des troubles ».

Module de formation et stage.

L’avis propose en particulier de renforcer l’enseignement de la pédopsychiatrie dans les programmes des études médicales, avec un module de formation obligatoire dans le cadre de la réforme licence-master-doctorat (LMD), ou encore d’inclure dans l’internat de médecine générale un stage d’un semestre, obligatoire, lui aussi, dans une unité psychiatrique. Il suggère de revaloriser la fonction de médecin de l’Éducation nationale et de renforcer leur nombre. L’école devrait aussi être associée, en inscrivant le repérage des troubles dans le cahier des charges de la formation initiale et continue des maîtres pour les doter d’un socle de connaissances minimales. L’adolescence constitue par exemple un moment clé du dépistage et certains troubles qui se manifestent au moment de la puberté sont trop souvent désignés sous le vocable flou de « mal-être ».

D’autres propositions visent à mieux organiser l’offre de soins, qui doit être pensée en termes de réseaux afin de garantir la continuité des soins. Selon le CES, la prise en charge par l’Assurance-maladie devrait être étendue aux professionnels capables d’intervenir en amont de l’établissement d’un bilan, tels que les psychologues et les psychomotriciens libéraux. Afin de garantir un nombre suffisant de pédospychiatres, un nombre de postes profilés spécifiquement pédopsychiatrie devraient être proposés à l’internat.

Enfin, l’accompagnement des familles est un des points fort de l’avis. La généralisation de lieux d’accueil, comme ceux déjà créés par certaines municipalités, devrait leur permettre « de partager leurs interrogations sur le comportement de leurs enfants avant toute "médicalisation" » .

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8716