C’EST EN 1832 que Thomas Hodgkin décrivit la maladie qui porte son nom, mais il aura fallu attendre plus de 150 ans pour que l’origine lymphoïde de l’affection que l’on dénomme aujourd’hui plus justement lymphome de Hodgkin (LH) soit attestée. Certes une cellule tumorale particulière a été très tôt mise en évidence, en 1898 par Carl Sternberg et en 1902 par Dorothy Reed, mais sa nature et son origine n’ont été individualisées qu’il y a une quinzaine d’années. Au plan physiopathologique, la situation du LH est tout à fait singulière parmi les autres lymphomes. En effet, les cellules géantes multinucléées de Reed-Sternberg (HRS), pathognomoniques de la maladie, sont en très faible quantité (moins de 1 %), contrastant avec une réaction inflammatoire tissulaire et pluricellulaire très importante. Il est démontré aujourd’hui que les cellules HRS dérivent de cellules lymphoïdes provenant des centres germinatifs ganglionnaires. Les techniques de vidéo-microdissection ont en effet permis de résoudre les difficultés d’identification liées à la rareté de ces cellules, en offrant la possibilité de les isoler et de les analyser par PCR. Il s’agit de cellules clonales dotées des caractéristiques géniques des cellules lymphocytaires B en cours de maturation.
Gros plan sur la cellule de Reed-Sternberg.
Toutefois, le phénotype de la cellule HRS est très différent de celui d’un lymphocyte B normal, signant une « reprogrammation » cellulaire : absence d’immunoglobuline de surface fonctionnelle, perte de l’expression de nombreux gènes associés au phénotype B. Parmi les anomalies génomiques à l’origine de ces modifications, figurent notamment des mutations récurrentes des gènes de la voie de signalisation Nf-Kappa B, qui a un rôle essentiel dans l’apoptose, de même que d’autres anomalies contribuant également à la survie et à la prolifération cellulaires. L’hypothèse actuelle est donc que, parallèlement à la dérégulation des facteurs de transcription habituels des lymphocytes B, la cellule HRS réussit à déjouer les processus d’apoptose via certains mécanismes oncogénétiques. De plus, elle sécrète de nombreuses chémokines et cytokines qui induisent le recrutement de cellules inflammatoires. C’est donc la cellule HRS qui produit la réaction inflammatoire intense qui l’entoure, ce qui conditionne aussi, probablement, sa survie.
Autre confirmation récente, celle du lien entre virus Epstein-Barr et développement de lymphome de Hodgkin. Une grande étude de cohorte danoise a démontré que le risque de développer un LH EBV + dans les cinq ans suivant une mononucléose était multiplié par quatre par rapport au risque de la population générale.
Une épidémiologie particulière.
Toutes ces singularités s’assortissent d’un profil épidémiologique particulier avec une répartition trimodale. Le LH peut en effet concerner, mais rarement, de jeunes enfants plutôt du sexe masculin (en sachant que la maladie est exceptionnelle avant 4 ans), le plus souvent des adolescents et des adultes jeunes, mais aussi des sujets de plus de 40-45 ans qui sont alors plus souvent de sexe féminin.
Chez l’enfant et l’adolescent, il s’agit de la première cause de lymphome : en France, environ 100 à 110 nouveaux cas sont rapportés chaque année dans la population des moins de 18 ans (médiane d’âge de 14 ans). Contrairement aux autres lymphomes, son incidence est stable.
Le diagnostic de certitude repose sur la biopsie d’un ganglion, un diagnostic en général aisé. Certaines formes (osseuse ou grosse masse médiastinale isolée) peuvent toutefois poser problème. Les progrès technologiques et la mise à disposition de procédés d’imagerie de plus en plus performants ont contribué à une meilleure précision diagnostique et à un meilleur staging de la maladie. L’identification du type histopathologique s’appuie sur les caractéristiques du granulome inflammatoire avec, schématiquement, selon la dernière classification de l’OMS en 2008, deux formes principales : le LH classique subdivisé en deux sous-types, la forme scléronodulaire et la forme à cellularité mixte ; plus rarement, le LH nodulaire à prédominance lymphocytaire, entité distincte du LH classique.
Le staging de la maladie est indispensable à la mise en route d’un traitement adapté, puis au suivi de ce dernier. Il a grandement bénéficié de l’apport de la tomographie par émission de positons (TEP-scan) et l’association, voire le couplage scanner-TEP, représente aujourd’hui la base indispensable de ce bilan. Il faut cependant souligner la possibilité, rare, de discordances entre imagerie conventionnelle et imagerie métabolique. Il est à cet égard fondamental que la lecture et la confrontation des données obtenues soient effectuées par des équipes en ayant l’expertise, car c’est sur ces éléments que s’appuiera la stratégie thérapeutique.
Nouvelles stratégies.
Le LH est aujourd’hui une affection curable dans plus de 90 % des cas. Grâce à la radiothérapie, qui est associée, depuis la fin des années 1970 à une polychimiothérapie, en 20 ans, les taux de mortalité rapportés ont ainsi été divisés par 2,5. Néanmoins, cette efficacité est associée à la survenue, à long terme, de complications et de séquelles : tumeurs secondaires, stérilité, ménopause précoce, accidents cardio-vasculaires, troubles de la croissance, endocriniens... La volonté de limiter ces conséquences délétères a donc entraîné, dès le début des années 1980, une désescalade thérapeutique, en réduisant les doses et les champs de radiothérapie. La recherche d’une prise en charge la plus dénuée de risques ultérieurs sans pénaliser les chances de guérison se poursuit encore. L’étape actuelle vise à identifier les patients pour lesquels la limitation de l’utilisation des alkylants, des anthracyclines,ou de la radiothérapie peut être proposée. C’est dans ce cadre qu’une étude européenne randomisée a débuté en 2008 en France dans le but d’inclure 2 000 enfants en France. Les résultats sont attendus pour 2015.
› Dr PATRICIA THELLIEZ
D’après un entretien avec le Pr Judith Landman-Parker, service d’hémato-immuno-oncologie pédiatrique, hôpital Armand-Trousseau, Paris.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024