C’EST UNE RÉVOLUTION dans le milieu pédiatrique. D’après une étude multicentrique française, randomisée et contrôlée, l’incontournable kiné respiratoire dans la bronchiolite ne semble pas améliorer les choses chez les nourrissons hospitalisés pour forme grave. « L’étonnement est très français, explique pour « le Quotidien » le Dr Vincent Gajdos, premier auteur et pédiatre à l’hôpital Antoine Béclère, Clamart. Il existe une incertitude sur l’efficacité de la kiné respiratoire, qui fait que ce traitement n’est pas pratiqué ailleurs dans le monde, par exemple aux États-Unis. Seules la France, la Belgique, la Suisse et quelques autres la recommandent sur un avis d’experts, ce qui est faible comme niveau de preuve. Il faut noter que la dernière conférence de consensus de l’Anaes en 2000 soulignait le manque d’études à ce sujet ». Sur l’ensemble des 7 centres pédiatriques participants, la kiné respiratoire n’a pas amélioré le délai de guérison, ni diminué la durée d’hospitalisation par rapport à l’aspiration nasale seule. Faut-il en déduire que la kiné respiratoire n’est pas beaucoup plus utile en ville ? « Les formes hospitalisées sont les plus graves et ne représentent qu’une toute petite partie des bronchiolites, commente le Dr Gajdos. C’est à peine 3 % de l’ensemble des bronchiolites. Il est vraisemblable que les effets ne sont pas les mêmes chez les enfants soignés à domicile. Il n’est pas question pour l’instant de remettre en question la prescription en ville, mais ces résultats nous rappellent la nécessité d’évaluer aussi son intérêt chez les enfants ambulatoires ».
Signes de gravité
Entre octobre 2004 et janvier 2008, 496 enfants âgés de 15 jours à 24 mois ont été randomisés en deux groupes, l’un avec kiné respiratoire (n = 246), l’autre avec aspiration nasale (n = 250). Chaque enfant allait ainsi 3 fois par jour en salle de kiné et seuls les kinésithérapeutes étaient au courant du traitement donné aux nourrissons. Les enfants inclus présentaient au moins l’un des symptômes de gravité suivants : épisode d’apnée ou de cyanose, fréquence respiratoire›60/min, oxymétrie <95 %, prise alimentaire<2/3 des besoins, mauvais état général. N’étaient pas éligibles les enfants relevant de la réanimation pédiatrique. La kinésithérapie respiratoire consistait en l’association de deux techniques, l’accélération du flux expiratoire et la toux provoquée. Selon les recommandations en cours, de l’oxygène nasal était administré si la saturation en O2 était <95 % à l’état de veille et <92 % pendant le sommeil. De même, si la prise alimentaire spontanée était <2/3 des besoins, la voie entérale était proposée en premier, avant la voie intraveineuse. Quant aux autres traitements, comme les bronchodilatateurs, les corticostéroïdes et les antibiotiques, ils étaient administrés à la demande des médecins, s’ils le jugeaient nécessaire. Un enfant était considéré comme guéri s’il n’avait pas eu besoin d’oxygène depuis 8 heures et s’il prenait plus des 2/3 des apports alimentaires nécessaires.
Sélectionner les enfants
Le délai de guérison était comparable entre les deux groupes. De 2,31 jours pour le groupe contrôle, il était de 2,02 jours pour le groupe intervention, ce qui est non significatif d’un point de vue statistique. « La guérison ne semble acquise qu’une fois le virus éliminé et la réaction inflammatoire locale enrayée, propose le pédiatre. La kiné ne permet pas de guérir plus vite ». Faut-il alors arrêter d’en faire en milieu hospitalier ? « Ce n’est pas une bonne solution de passer de séances pluriquotidiennes à rien du tout, expose le Dr Gajdos. La prescription de kiné a besoin en revanche d’être rationalisée. Il faut développer des outils permettant de sélectionner les enfants qui pourraient en bénéficier ». Certaines analyses post-hoc et en sous-groupe suggèrent quelques pistes à suivre. « Il semble que la kiné respiratoire soit plus efficace chez les enfants non atopiques que chez les atopiques, poursuit le pédiatre. Mais plus important encore, on a l’impression que la kiné respiratoire est davantage bénéfique pour les enfants moins graves et qu’elle les aiderait à passer un cap en étant un peu moins gêné pour respirer. En effet, dans l’étude, il semble qu’il y ait un bénéfice plus grand chez les enfants non hypoxémiques que chez les hypoxémiques ». Chez les enfants moins graves, la kiné respiratoire en ville pourrait améliorer leur confort et permettre ainsi d’éviter une hospitalisation.
PLoS Medicine, septembre 2010, volume VII, numéro 9.
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