« ALORS QUE NOTRE MÉTIER est de faire de la prévention - prématurité, morbidité materno-feotale, prise en charge des addictions-, nous ne nous préoccupons pas suffisamment de la prévention de la maltraitance, à l’impact pourtant également très important sur la morbimortalité infantile précoce », rappelle le Dr Jean-Yves Diquelou. Huit enfants sur dix hospitalisés pour sévices physiques ont moins de 3 ans, dont la moitié moins de un an. La très grande majorité -95 %- des traumatismes crâniens sévères chez les moins d’un an sont liés à la maltraitance et on estime à environ 77 000 le nombre d’enfants à risque en France. « Une étude rétrospective sur 2 100 dossiers menée en 1990 dans le Var, motivée par un infanticide, nous a permis d’estimer à près de 2 % le taux de maltraitance durant la première année de vie – taux comparable à celui rapporté dans d’autres études-et d’identifier cinq types majeurs de désordres relationnels : altérations de l’image maternelle, désorganisation de l’écosystème familial, absence d’individualisation de la future mère, altération et remise en cause de l’image du père, incapacité à différencier féminité-maternité. En pratique, certains signes doivent conduire à la vigilance en consultation obstétricale, tels que le jeune âge maternel, les antécédents de maltraitance, les antécédents de mauvais traitement dans la fratrie de l’enfant à naître, les perturbations de la parentalité, un écosystème économique défaillant, des antécédents psychiatriques des parents, des pathologies obstétricales ou encore le déni de grossesse. »
« Dans le cadre d’un réseau périnatal préventif mis alors en place, nous nous sommes attachés à repérer ces troubles pendant la grossesse et à proposer, avec l’appui du conseil général (par le biais d’une convention), une prise en charge spécifique du couple, afin d’éviter la séparation mère-enfant à la naissance », précise le Dr Diquelou. En pratique, tous les dossiers considérés comme délicats par l’équipe obstétricale sont discutés avec les travailleurs sociaux, les médecins de PMI et les psychologues au cours du « staff », après accord du couple. Ce système, mis en place dans le Var depuis 20 ans, permet de réduire le risque de maltraitance précoce, en témoignent les chiffres. De 1991 à 2011, sur 22 587 naissances, le taux de dysfonction légère a été de 18 % ; 771 cas ont été présentés au staff, soit 5,3 % de la population tout venant. Des informations prénatales ont été données à la justice dans 83 cas (0,5 %) et un signalement au juge pour retrait immédiat de l’enfant à la maternité n’a été nécessaire que dans 0,35 % des cas. « Ainsi, entre 1991 et 2011, nous sommes passés d’un taux de maltraitance de 1,77 % à 0,43 %, sur une population comparable, sans inflation des séparations mère-enfant. Une prise en charge collégiale et concertée au cours de la grossesse permet dans ce cadre d’être aussi efficace que pour le dépistage des maladies chromosomiques, avec beaucoup moins de ressources. Il faut avant tout écouter les femmes enceintes, quel que soit leur milieu, car la maltraitance touche tous les milieux sociaux », insiste le Dr Diquelou.
Récemment, l’ARS (Agence régionale de santé) PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur) a décidé d’inclure dans le SROS-PRS (Schéma régional d’organisation des soins-projets régionaux de santé) la prise en charge psychosociale des femmes enceintes. Une commission d’experts travaille à la mise en place, dans les établissements de santé, du dépistage et prise en charge des troubles de la parentalité dès le stade prénatal.
« Les obstétriciens doivent se mobiliser, car ils jouent un rôle majeur dans la prévention de la maltraitance précoce, qui représente un événement indésirable aussi grave qu’une hémorragie de la délivrance, un décès maternel ou une séquelle neurologique liée à une complication obstétricale. La formation initiale des médecins à cette problématique doit aussi évoluer », conclut le Dr Diquelou.
D’après un entretien avec le Dr Jean-Yves Diquelou,
centre hospitalier, Draguignan.
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