«DÈS LA NAISSANCE, y compris en cas de prématurité, l’enfant perçoit la douleur, rappelle le Pr Claude Ecoffey. Chez les nourrissons jusqu’à l’âge de cinq ans et à partir de six mois, le seuil de déclenchement de la douleur est même moins élevé que chez les plus grands, en raison de l’immaturité des systèmes d’inhibition de la transmission de la douleur. La mémorisation de la douleur est un phénomène important, et après une première confrontation à des stimuli douloureux, le seuil se modifie lors des confrontations suivantes. La réalisation, dans le cadre d’études cliniques, d’IRM fonctionnelles chez des adolescents, confirme que ceux ayant été hospitalisés en période néonatale et ayant été exposés à des gestes douloureux perçoivent de façon plus importante un stimulus douloureux que ceux qui n’ont pas été hospitalisés ».
L’évaluation de la douleur en pédiatrie est aujourd’hui facilitée par le recours à des échelles adaptées à tous les âges et aux différentes situations : douleur liée aux soins, douleur postopératoire, douleur chronique, enfant non communiquant…
La codéine contre-indiquée avant 12 ans.
Comme tous les autres médicaments, les analgésiques ont des particularités pharmacocinétiques chez l’enfant, dans l’ensemble bien connues.
Une vaste enquête réalisée aux États-Unis montre que les antalgiques les plus utilisés chez l’enfant hospitalisé sont le paracétamol, l’ibuprofène, le fentanyl et la morphine, ce qui correspond peu ou prou aux habitudes françaises.
Le paracétamol ne doit pas être administré par voie intrarectale, associée à une médiocre biodisponibilité, mais par voie orale ou intraveineuse. La marge thérapeutique est étroite et une insuffisance hépatique peut survenir pour des posologies à peines supérieures à la dose recommandée de 60 mg/kg/jour.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) restent sous-utilisés chez l’enfant alors qu’ils sont très efficaces, ils permettent de réduire les besoins en morphine et ont peu d’effets secondaires. À côté de l’ibuprofène et du diclofénac, qui ont une autorisation de mise sur le marché (AMM), le kétoprofène peut être utilisé (hors AMM) dès un an, à la posologie de 1 mg/kg quatre fois par jour.
Suite à quelques cas d’accidents respiratoires graves ayant conduit au décès d’enfants métaboliseurs rapides, l’Agence nationale pour la sécurité du médicament (ANSM), dans le sillage de la FDA (Food and Drug Administration) a récemment limité la prescription de codéine en pédiatrie, qui est désormais contre-indiquée avant l’âge de 12 ans. En remplacement, le tramadol est proposé mais il pourrait exposer à un risque comparable car il est métabolisé par le même cytochrome ; il faut donc être particulièrement prudent chez les enfants ayant des apnées du sommeil et/ou obèses.
À l’hôpital, en postopératoire, le recours à la morphine, dont la pharmacocinétique à tous les âges est bien connue, est fréquent. Les accidents respiratoires sont rares, généralement secondaires à une erreur de dilution ce qui souligne l’importance d’une bonne formation du personnel et du choix d’une seule présentation. La nalbuphine, peut représenter une alternative intéressante dans les douleurs modérées. La kétamine ne semble pas améliorer la qualité de l’analgésie chez l’enfant, mais les études sont peu nombreuses. Enfin, selon une étude récente, la gabapentine en prémédication dans la chirurgie de la scoliose chez l’adolescent permet de réduire les besoins en morphine.
En anesthésie locorégionale, les nouveaux produits comme la ropivacaïne ne s’accumulent pas lorsqu’ils sont perfusés en continu. Les indications de bloc unique sont intéressantes pour la chirurgie courante car elles s’accompagnent d’une analgésie persistant au-delà de la sixième heure chez 40 % des enfants. L’anesthésie péridurale continue est quant à elle adaptée à la chirurgie majeure chez le petit enfant ; les incidents sont surtout d’ordre technique. Enfin, comme chez l’adulte, il est possible de recourir à l’analgésie périphérique continue régionale, même si les indications sont moins fréquentes.
En ambulatoire, informer les parents.
« En ambulatoire, de façon paradoxale, l’anesthésie locorégionale expose à une douleur d’intensité plus élevée à J1 », note le Pr Ecoffey qui insiste sur la qualité de l’information délivrée aux parents et ce, dès la consultation d’anesthésie. « Il faut leur expliquer l’importance du respect de l’ordonnance et de la prise systématique du traitement antalgique. L’ordonnance doit être délivrée dès la consultation d’anesthésie (traitement systématique par paracétamol ou ibuprofène et médicament de recours comme le tramadol en cas de douleurs plus intenses), afin que les parents aient le temps de se procurer les médicaments. Il est utile de leur remettre un document indiquant quelques paramètres simples (enfant qui pleurniche et se plaint davantage, joue moins que d’habitude…) à prendre en compte pour évaluer la douleur ».
Après une amygdalectomie en ambulatoire, geste douloureux, le traitement antalgique se fondait sur l’association paracétamol-codéïne, car les AINS étaient contre-indiqués suite à une méta-analyse ayant montré un risque accru de saignements. La relecture de cette méta-analyse en faisant abstraction de l’utilisation du kétorolac ne retrouve pas d’excès de saignements sous AINS, qui pourraient donc être utilisés dans cette indication. « La recommandation de la Société française d’anesthésie réanimation, qui date de 2005, pourrait être modifiée dans ce sens, estime le Pr Ecoffey. La dexaméthasone qui n’augmente pas les saignements et réduit les nausées et vomissements, relayée par un corticoïde per os, est un possible recours dans ce cadre ».
Enfin, dans les soins douloureux le MEOPA et l’hypnorelaxation pour les actes brefs ont tout leur intérêt.
D’après un entretien avec le Pr Claude Ecoffey, chef du pôle hospitalo-universitaire anesthésie-samu-urgences-réanimations, CHU Rennes, université Rennes 1.
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