Les infirmières puéricultrices représentent la spécialité infirmière numériquement la plus importante. Expertes dans les différents domaines de l’enfance, elles sont peu valorisées, invisibilisées, ne disposent pas d’actes dédiés pour une reconnaissance d’activité libérale ; leur universitarisation ne doit plus souffrir d’un délai supplémentaire.
Le rapport récent de l’Igas (1) formule et priorise fortement ces recommandations, il conforte leur rôle incontournable et leur position dans un parcours de santé de l’enfant coordonné et repensé. Elles ont été les grandes oubliées de la constitution de la Commission des 1 000 jours ou encore de l’arrêté du 20 août 2021 sur l’application de la réalisation des examens obligatoires (2) : la preuve de l’absence de vision unifiée et concertée des politiques de santé avec ses acteurs de terrain.
Depuis plus de 40 ans à l’étranger
Les puéricultrices en pratique avancée existent déjà dans de nombreux pays, notamment d’Amérique du Nord et du Royaume-Uni (Advanced practice pediatric nurse). Selon leur orientation, elles vont faire une ou deux années de plus après leur cursus classique afin de se perfectionner dans une pratique spécialisée. Elles peuvent exercer dans les secteurs acute care (urgences, réanimation, autres soins critiques), in-patient care (diabétologie, hémato-oncologie, néphrologie, cardiologie, etc.), ou en primary care (équivalent PMI, cabinets médicaux ou infirmiers, prévention, accompagnement parentalité, dépistage, etc.).
Elles travaillent avec, et au côté, des médecins et personnels infirmiers, puéricultrices, auxiliaire de puériculture ; elles n’ont pas vocation à « se substituer à » : elles sont parfaitement positionnées dans un circuit patient bien défini, permettant une fluidité du parcours et la mise en adéquation du niveau requis d’expertise avec la complexité des pathologies, au bénéfice du patient et sa famille.
Leur surexpertise relève à la fois de la clinique (examen, consultation, coordination, dépistage), de la prescription d’examens complémentaires et d’actes techniques spécialisés (pose de voie centrale, actes d’échographie, ponction lombaire, sutures, etc.), de l’enseignement et de la recherche clinique. Leur activité dépend de la spécialité pédiatrique dans laquelle elles vont exercer et du lieu d’exercice (établissements hospitaliers, cliniques, médecine libérale, PMI ou équivalent).
Par exemple, dans les services d’urgences pédiatriques ou polyvalents d’Amérique du Nord, elles gèrent, en lien étroit avec les médecins et pédiatres séniors référents, les patients évalués à bas risque se présentant en consultation, elles sont positionnées sur une activité entrant dans leur champ de compétence ; laquelle est croissante d’année en année, pour les raisons démographiques évoquées plus haut. Elles constituent ainsi un pivot interprofessionnel.
Un constat de carence évident en France
En France, il n’est pas difficile d’imaginer leur rôle en PMI, en médecine scolaire, dans les maisons pluriprofessionnelles, en particulier dans les zones désertes en pédiatres (3), au sein de futures maisons de santé de l’enfant, en binôme dans des cabinets médicaux avec, comme prérequis, l’inscription dans la NGAP d’actes dédiés étendus.
Le constat par les familles d’un accès de plus en plus difficile à des primo-consultations en médecine libérale, de médecins de plus en plus saturés par des patientèles grossissantes, avec une démographie défavorable dans les années à venir, confère une place légitime et pertinente aux puéricultrices de pratique avancée.
Les craintes corporatistes doivent évoluer ; parfois, ce qui est nouveau fait peur, mais est-ce réellement une nouveauté ? Les puéricultrices de pratiques avancées existent depuis les années soixante-dix en Amérique du Nord, leur plus-value est telle que la demande dépasse l’offre. Dépêchons-nous, nous avons 50 ans de retard !
Pédiatre-Cheffe Pôle Enfants, Cheffe de service des urgences pédiatriques, Toulouse
(1) La pédiatrie et l’organisation des soins de santé de l’enfant en France. Rapport Igas, mai 2021
(2) JORF n° 0201 du 29 août 2021, Texte n° 8
(3) Accès aux soins : agir vite et fort avant le point de non-retour. Rapport Assemblée nationale N° 1185
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