« C'est une histoire formidable, se réjouit le Pr Erea-Noël Garabédian, chirurgien ORL pédiatrique à l'hôpital Necker (AP-HP). Quatre ans après la greffe complète de trachée, cette enfant, que je suis depuis tout bébé et qui est aujourd'hui une jeune fille de 16 ans, est vivante et reprend une vie normale, alors que par deux fois le pronostic vital a été engagé, à 9 mois et à 12 ans, en raison d'une sténose trachéobronchique congénitale ».
Dans « The New England Journal of Medicine », l'équipe multidisciplinaire regroupant les Prs Vincent Couloigner et Erea-Noël Garabédian, pédiatres ORL et le Dr Régis Gaudin, chirurgien cardiaque, les trois de l'hôpital Necker (AP-HP), le Dr Frédéric Kolb, chirurgien plasticien à l'institut Gustave Roussy (IGR) et le Dr Sacha Mussot, chirurgien thoracique à l'hôpital Marie Lannelongue, rapporte les résultats à 4 ans de la première reconstruction trachéale complète autologue réalisée en pédiatrie, chez une enfant alors âgée de 12 ans.
La prise en charge d'une sténose de trachée chez l'enfant est complexe. Si une greffe de trachée s'avère souvent nécessaire chez les patients ayant une sténose sévère, il n'existe aujourd'hui pas de méthode idéale pour reproduire les propriétés biomécaniques et la fonction mécanique de la trachée.
Une technique développée chez l'adulte
« Ces résultats prouvent que la technique développée chez l'adulte marche aussi chez l'enfant, estime le Dr Frédéric Kolb. Ce n'est plus du compassionnel, c'est une alternative faisable dans des cas très particuliers. » Dès 2005, le chirurgien plasticien de l'IGR et le Pr Philippe Dartevelle du centre chirurgical Marie Lannelongue, ont mis au point une technique chirurgicale de greffe de trachée autologue, la technique dite des lambeaux, d'abord pour un remplacement partiel puis circulaire.
La technique a dû être adaptée au contexte pédiatrique. « Le lambeau n'a pas été prélevé au niveau de l'avant-bras mais au niveau du grand dorsal », détaille le Dr Kolb. Cette première en pédiatrie avait été programmée au vu de la dégradation de l'état clinique. « L'enfant a décompensé subitement avec deux arrêts cardio-respiratoires, se souvient le Pr Garabédian. On savait qu'il fallait le faire au moins 3 mois auparavant mais l'intervention s'est faite dans l'urgence. Tout a pu se faire grâce à la mobilisation très rapide de l'ensemble des médecins. »
Une alternative faisable et pérenne
Retrait de la trachée, prélèvement de grand dorsal et de cartilage costal (côtes flottantes) et transplantation du greffon en position orthotopique, tout s'est fait en un seul temps opératoire sous circulation extracorporelle (CEC). « L'intervention a duré environ 12 heures, se souvient le Dr Kolb. C'était long en raison de tous les ajustements techniques. » Comme chez l'adulte, le lambeau musculaire était « armé » par des anneaux trachéaux réalisés avec du cartilage costal. Un tube endotrachéal a été mis en place 9 jours en postopératoire puis retiré. La trachéostomie, laissée en place plus de 2 ans par sécurité et pour faciliter les contrôles, a été refermée chirurgicalement.
L'intervention a permis à l'enfant de passer un cap. La jeune fille, cachectique à l'âge de 12 ans (20 kg), a rattrapé en partie son retard de croissance avec 36 kg pour 1m50 à l'âge de 15 ans. Grâce à cette greffe autologue, elle n'a besoin d'aucun immunosuppresseur et son traitement se limite à de la kinésithérapie.
Des améliorations en vue
Pour le Dr Kolb, la technique chirurgicale « est une vraie substitution trachéale pérenne dans le temps ». Dans l'offre actuelle, « les stents trachéaux ne sont pas pérennes, l'allogreffe de transplant "acclimaté " sur l'avant-bras développé par l'équipe de Leuven nécessite plus d'une année de mise en nourrice sur l'avant-bras avec immunosuppresseur », développe-t-il. Quant à la greffe de trachée ensemencée de cellules-souches, « c'est l'avenir, estime le chirurgien de l'IGR. Mais la technique n'est pas encore au point, les adultes greffés développent une trachéomalacie. Aujourd'hui, le petit garçon greffé en Grande-Bretagne a besoin d'un stent trachéal ».
La greffe complète autologue n'est néanmoins pas encore parfaite, reconnaît le Dr Kolb. « Il y a deux points particuliers à améliorer, explique-t-il. Premier point, l'épithélium de la lumière est kératinisant et de la kiné est nécessaire pour bronchoaspirer les croûtes. Une piste d'amélioration est la greffe de cellules ciliées respiratoires au niveau de l'épithélium. Deuxième point, la quantité importante de cartilage costal pour les anneaux trachéaux occasionnent des séquelles et des douleurs postopératoires qui gênent la respiration. Une voie de recherche est de recourir à du cartilage issu de culture cellulaire ».
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