La Global initiative for asthma (Gina) fournit régulièrement des recommandations actualisées fondées sur les publications parues depuis la révision précédente (1). En 2019, le constat du Gina sur l’asthme n’a pas changé par rapport à 2015 : « il y a au minimum 300 millions d’asthmatiques dans le monde et la prévalence de l’asthme augmente dans de nombreux pays en voie de développement » (2,3). L’asthme est responsable d’une forte morbidité, de coûts de santé de plus en plus élevés et d’importantes perturbations familiales. À tout âge, surtout parmi les adolescents et les jeunes adultes, l’asthme est encore responsable de nombreux décès (1-4).
Le texte principal de la mise à jour de 2019 comporte 3 principaux chapitres : i) définition et le diagnostic de la maladie ; ii) évaluation du patient asthmatique ; iii) traitement permettant d’obtenir le contrôle les symptômes (2). Fort de 199 pages, le texte est argumenté par 739 références bibliographiques.
Il est accompagné d’un « Guide de poche à l’intention des professionnels de santé » (version courte disponible en français) qui nécessite cependant la consultation du texte principal. Il est divisé en 4 parties : i) ce que l’on sait au sujet de l’asthme ; ii) sur le diagnostic de la maladie ; ii) sur l’évaluation de la maîtrise de l’asthme ; iii) sa prise en charge par paliers ; iv) et la gestion des poussées d’asthme (exacerbations).
La comparaison des recommandations de 2015 et de 2019 ne montre pas de différence importante au sujet des symptômes et du diagnostic. En revanche, il existe des changements majeurs concernant le traitement de l’asthme léger, le contrôle de l’asthme, la gestion de l’asthme sévère avec un palier 5 bien distinct du palier 4.
Traitement de l’asthme léger
Au cours de l’asthme léger (caractérisé par des symptômes moins de 3 jours par semaine, des réveils nocturnes moins de 2 fois par mois, l’utilisation de bêta2-agonistes de courte durée d’action [B2CA], une activité normale, une fréquence respiratoire normale et des exacerbations absentes ou rares [au plus une par an]), les bêta2-agonistes de courte d’action (B2CA) tels que le salbutamol et la terbutaline ne sont plus recommandés pour soulager les symptômes. C’est la principale nouveauté du Gina 2019. Aux paliers 1 et 2, les patients (enfants, adolescents, adultes) doivent donc recevoir à la demande une association fixe formotérol + budésonide, sans recourir à un traitement de fond. En effet, il a été montré que les B2CA seuls étaient, certes, momentanément efficaces mais qu’ils ne protégeaient pas vis-à-vis des exacerbations sévères (2,3).
Naguère, l’utilisation fréquente des B2CA était considérée en pratique comme le principal indicateur d’une perte de contrôle (ou d’un contrôle insuffisant) de l’asthme. Cependant, le Gina 2019 apporte le changement le plus important de ces 30 dernières années : « Par souci de sécurité, le Gina ne recommande plus les B2CA utilisés seuls pour soulager les symptômes d’asthme au motif que cette stratégie ne protège pas des exacerbations graves et que, au contraire, l’utilisation régulière ou fréquente de B2CA augmente le risque d’exacerbation » (3).
Bien que les B2CA procurent le plus souvent un soulagement des symptômes, ils n’agissent que sur la composante spastique de l’asthme et non sur sa composante inflammatoire. Or cette dernière est observée chez la presque totalité des patients asthmatiques, même ceux atteints d’asthme léger intermittent. Il en résulte que les patients traités uniquement par les B2CA risquent de présenter des exacerbations sévères et développer une dégradation de leur fonction respiratoire. Ces résultats ont été acquis à la suite de la publication d’études-pilotes (5,6) confirmées pas de nouvelles études (7,8) parues après les nouvelles recommandations du Gina (lire encadré).
Le traitement de secours par les B2CA seuls à la demande, y compris dans l’asthme léger, est donc maintenant remplacé par une association fixe de CI (budésonide) + formotérol – qui est un bêta2-agoniste de longue durée d’action (B2LA), dont l’action est aussi rapide que celle des B2CA (terbutaline, salbutamol) mais plus longue. L’utilisation de B2CA seuls est certes efficace sur le moment, mais elle ne protège pas vis-à-vis des exacerbations sévères. Par contre, l’utilisation conjointe d’une association fixe formotérol/budésonide, agit à la fois sur le bronchospasme et sur l’inflammation des voies aériennes qui constitue la base physiopathologique de l’asthme.
Stratégie générale du traitement de l’asthme
Le Gina 2019, comme celui de 2015, insiste sur la gestion personnalisée de l’asthme à l’aide du schéma classique : « évaluation de la réaction-évaluation du traitement-ajustement du traitement » (2,3). Cette séquence doit être effectuée/évaluée à chaque consultation. L’ajustement du traitement, en augmentant ou en diminuant les doses, en fonction des besoins de chaque patient comporte deux volets : i) le traitement de contrôle préférable pour prévenir les exacerbations et diminuer les symptômes aux différents paliers (stades) ; ii) le traitement de secours privilégié.
Traitement de contrôle
Le traitement de contrôle (naguère « traitement de fond » ou « traitement d’entretien ») varie selon le stade (de 1 à 5). Ces recommandations sont données chez les patients (enfants de 12 ans et plus, adolescents, adultes).
Stade 1. L’association CI à faible dose (budésonide) + formotérol est recommandée si besoin ou, à défaut, l’administration d’un CI à faible dose à chaque prise de B2LA.
Stade 2. Le Gina recommande la prise quotidienne de CI à faible dose ou l’association CI + formotérol à faible dose à la demande, et c’est l’option préférentielle. Une autre option est anti-leucotriènes (ALT) ou CI à faible dose à chaque administration de B2LA.
Stade 3. Les CI à faible dose + B2LA sont l’option principale. L’autre option est CI à dose moyenne ou CI à faible dose + ALT (antileucotriène).
Stade 4. La recommandation principale est CI à dose moyenne + B2LA. Une option peut être CI à dose élevée + tiotropium ou ALT.
Stade 5. Le Gina recommande les CI à doses élevées + B2LA, en précisant le phénotype de l’asthme et, selon les cas, des traitements additionnels comme le tiotropium, les anti-IgE, les anti-IL5/5R, ou anti-IL4R. Une autre option peut être l’adjonction d’une corticothérapie orale à faible dose sous couvert d’une évaluation des effets indésirables.
Cas particulier des enfants de 6-11 ans. Au stade 3, l’association B2LA + CI à faible dose est privilégiée, une autre option étant les CI à dose moyenne.
Les doses de CI basses, moyennes et élevées, en fonction de chaque spécialité sont données sur les tableaux suivants, pour les adolescents et adultes et pour les enfants de 6 à 11 ans :
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Facteurs modifiables
Les facteurs modifiables peuvent aggraver l’asthme ; leur éviction (ou leur contrôle) peut améliorer les symptômes et prévenir les exacerbations.
– Tabagisme : le Gina 2019 recommande de soustraire les patients asthmatiques au tabagisme passif, en particulier les enfants, et de tout faire pour éviter que les pré-adolescents ou les adolescents s’adonnent au tabagisme actif. Les sensibilisations aux aéroallergènes (en particulier les acariens) sont associées non seulement au risque de développer un asthme mais aussi à la survenue de symptômes d’asthme (2,5).
– Allergènes : L’éviction des acariens est logique chez les enfants et adolescents atteints d’asthme et de rhinite aux acariens, le Gina recommande d’essayer de la mettre en place et d’en évaluer la faisabilité et le coût (2). Aux paliers 3 et 4, il faut également envisager la prescription d’une immunothérapie allergénique (ITA) vis-à-vis des acariens, qui peut être effectuée par voie sous-cutanée (ITSC) ou sublinguale (ITSL), voie préférentielle chez les enfants et les adolescents. Il faut également rechercher une allergie alimentaire (en particulier à l’arachide) associée à l’asthme et prendre l’avis d’un spécialiste en allergologie alimentaire pour mettre en place une gestion appropriée (éviction, prescription d’une trousse contenant de l’adrénaline en stylo auto-injecteur, accompagnée d’un plan d’action écrit) [2,3].
Asthme difficile à traiter/asthme sévère
L’utilisation de l’association fixe formotérol/budésonide (cf. ci-dessus) n’est pas la seule recommandation nouvelle que nous donne le Gina 2019 qui consacre une monographie (guide de poche de 38 pages) à l’asthme difficile à traiter chez l’adolescent et l’adulte (4). Le texte est divisé en partie : i) évaluation des patients atteints d’asthme difficile à traiter ; ii) évaluation et traitement des phénotypes de l’asthme sévère ; iii) surveillance et gestion de l’asthme sévère (4).
L’asthme non contrôlé comporte deux composantes : i) un mauvais contrôle des symptômes qui sont fréquents, nécessitent souvent des traitements de secours, limite l’activité en particulier scolaire et physique, entraîne des réveils nocturnes ; ii) des exacerbations fréquentes (2 ou plus par an) nécessitant des corticoïdes per os (CPO) ou des exacerbations sévères (au moins une par an nécessitant des hospitalisations) [4].
Ces définitions étant posées, le Gina 2019 décrit les deux types de ces asthmes que les auteurs dénomment « difficult asthma » (asthmes difficiles) : i) l’asthme difficile à traiter qui est un asthme non contrôlé auX paliers 4 et 5 du Gina malgré un traitement « lourd » : corticoïdes inhalés (CI) à doses moyennes ou élevées, association à un deuxième médicament pour contrôler les symptômes, ou nécessité de CPO, associé à des facteurs non modifiables (mauvaise observance du traitement, mauvaise technique d’inhalation, tabagisme, comorbidités) [4] ; ii) l’asthme sévère qui est un sous-groupe du précédent pour plusieurs raisons telles que un mauvais contrôle malgré une bonne adhésion et une observance correcte d’un traitement optimal, ou qui s’aggrave lorsque l’on essaye de réduire les doses (élevées) de CI. Il faut noter que lorsque l’asthme redevient possible après apprentissage d’une bonne technique d’inhalation et/ou la correction des facteurs modifiables (par exemple, le tabagisme actif ou passif). Le pourcentage d’asthmes de paliers 4 ou 5 est de 24 %, celui des asthmes difficiles à traiter de 17 % et celui des asthmes sévères de 3,7 %, ces deux derniers pourcentages étant donnés aux paliers 4 et 5 (3). Les répercussions psychologiques, familiales et sociales de ces types d’asthme sont très importants chez les adolescents (4).
De façon schématique, les recommandations du Gina 2019 face à ces types d’asthme préconisent de consulter un spécialiste ou un établissement (service) spécialisé pour confirmer le diagnostic d’asthme sévère et éliminer les autres diagnostics (diagnostics différentiels), rechercher les facteurs qui favorisent les symptômes, les exacerbations et les altérations de la qualité de vie (allergènes, comorbidités, anxiété, difficultés sociales, niveau socio-économique) [4].
L’ensemble de ces éléments permettra de mettre en place un traitement optimal. Cela sous-entend, outre une éducation sur l’asthme, le traitement des comorbidités, l’adjonction d’un traitement d’appoint non biologique, l’augmentation des doses de CI (si cela n’a pas été fait), toutes les actions sur l’ensemble des facteurs modifiables. La réponse à ce traitement sera évaluée au bout de 3 à 6 mois. Si l’asthme n’est toujours pas contrôlé, il s’agit alors d’un asthme sévère et le patient entre dans un « schéma de gestion très spécialisé » (inscription à un registre, implication d’une équipe multidisciplinaire, participation à un essai clinique éventuel). C’est dans ce cadre que l’on peut être conduit à rechercher une maladie auto-immune, une ABPA (aspergillose bronchopulmonaire allergique) [4].
Si le contrôle n’est pas obtenu, il faudra envisager des traitements non biologiques (par exemple, tiotropium, macrolides, etc.). Si le contrôle n’est toujours pas obtenu, des « traitements biologiques » sont indiqués tels que les anti-IgE, les anti-IL5/anti-IL5R, les anti-IL4R. Chez ces patients, les décisions thérapeutiques sont longtemps hors du contrôle décisionnel du pédiatre généraliste mais avec sa collaboration : celui-ci doit connaître l’existence de « consultations et unités dédiées à l’asthme sévère ». Dans le cadre imparti à cette revue critique, le lecteur est renvoyé au Gina 2019 qui, précise les étapes de la gestion thérapeutique, toujours basée sur la boucle « évaluation-traitement-contrôle » (4).
Le Gina 2019, précise également les phénotypes inflammatoires d’asthme sévère : i) type 2 (50 % des patients) où l’inflammation implique surtout les cytokines (IL) de type 4, 5 et 13 ainsi que les éosinophiles ; ii) type non 2 où l’inflammation implique les neutrophiles. Le Gina envisage en détail les critères d’indication des traitements biologiques, leur coût, leurs avantages et inconvénients, les critères prédictifs d’une réponse favorable (4).
Pédiatre allergologue-pneumologue
(1) Pocket guide for asthma management and prevention for adults and children older than 5 Years, Gina (Global Initiative for Asthma), Updated, 2015, 28 pages
(2) Global Initiative for Asthma. Global Strategy for Asthma Management and Prevention. Updated 2019, 199 pages
(3) Guide de poche pour le traitement et la prévention de l’asthme pour les adultes et les enfants de 5 ans et plus. Gina (Global Initiative for Asthma), Mise à jour 2015, 37 pages
(4) Gina. Asthme difficile à traiter et asthme sévère chez les patients adolescents et adultes. Diagnostic et prise en charge, V.2.0 Avril 2019, 1 vol., 38 pages
(5) Holgate ST, Thomas M. Asthme. In : Allergologie. Le Middleton. O’Hehir RE, Holgate ST, Sheikh A. Traduction française : Dutau G, Elsevier-Masson, 2018:137-196
(6) Bateman ED, Reddel HK, O’Byrne PM, Barnes PJ, Zhong N, et al. As-needed budesonide-formotérol versus maintenance budesonide in mild asthma. N Engl J Med 2018;378(20):1877-87
(7) O’Byrne PM, FitzGerald JM, Bateman ED, Barnes PJ, Zhong N, Keen C, et al. Inhaled combined budesonide-formotérol as needed in mild asthma. N Engl J Med 2018; 378(20):1865-76
(8) Beasley R, Holliday M, Reddel HK, Braithwaite I, Ebmeier S, et al. Controlled trial of budesonide-formoterol as needed for mild asthma. N Engl J Med 2019; 380(21): 2020-30.
(9) Hardy J, Baggott C, Fingleton J, Reddel HK, Hancox RJ, et al. Budesonide-formoterol reliever therapy verrsus maintenance budesonide plus terbutaline reliever therapy in adults with mild to moderate asthma (PRACTICAL): a 52 week, open-label, multicentre, superiority, randomised controlled trial. PRACTICAL study team. Lancet 2019; 394(10202):919-28.
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