PAR LES Drs JEAN-MICHEL CONSTANTIN ET RENAUD GUERIN *
LA VENTILATION MECANIQUE est une pierre angulaire de la réanimation moderne, permettant d’assurer les échanges gazeux de patients en défaillance ventilatoire ou sédatés pour d’autres raisons. Si elle permet de « sauver » un grand nombre de patients, elle est grevée d’une morbi-mortalité propre. Le réglage du ventilateur est une activité quotidienne en réanimation dont l’impact sur la survie des patients a été largement démontré. Des règles simples permettent d’éviter les pièges et ainsi garantir une ventilation la plus sécuritaire possible.
Quel mode ventilatoire ?
Le choix du mode ventilatoire, volume ou pression contrôlée, a été longtemps discuté. À l’heure actuelle, il n’y a pas d’argument scientifique pour l’une ou l’autre de ces solutions à la condition que la pression de plateau ne dépasse pas 28-30 cmH 2O. Le choix se fera donc en fonction des habitudes des équipes. Dès que l’état du patient le permet, l’utilisation de modes partiels, comme la ventilation spontanée avec aide inspiratoire (VS-Ai) est à favoriser. En effet, ils permettent de limiter la dysfonction diaphragmatique, de diminuer les besoins en sédation-analgésie tout en favorisant la course diaphragmatique.
Quel volume courant ?
L’utilisation d’un volume courant (Vt) limité est une priorité. Le premier point à respecter pour régler le Vt consiste à se baser sur le poids idéal théorique (fonction de la taille et du sexe) et non sur le poids réel. Ensuite, le niveau de Vt à utiliser a fait l’objet de nombreuses études ; si la discussion entre 6 et 8 ml/kg perdure dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), il est clair qu’il ne faut plus utiliser de Vt › 10 ml/kg.
Quelle fréquence ventilatoire ?
En ventilation contrôlée, la fréquence ventilatoire va être d’autant plus élevée que le Vt est limité. En effet, l’augmentation de la fréquence est le seul moyen de limiter l’hypoventilation. Il n’y a pas de limite absolue à l’augmentation de fréquence, mais une limite relative représentée par l’apparition d’une auto-PEP (pression expiratoire positive). Lorsque la fréquence augmente, per se, le temps dédié à l’expiration diminue et ne permet plus l’expiration de l’ensemble du Vt. En dehors des patients bronchospastiques, une augmentation de la fréquence jusqu’à 30-35 cycles par minute est acceptable. Le premier signe d’apparition de l’auto-PEP est un débit expiratoire qui ne revient plus à zéro.
En VS-Ai, la fréquence ventilatoire idéale a longtemps été de 12 à 20 cycles par minute. Pour obtenir une telle fréquence ventilatoire, le niveau d’assistance nécessaire est souvent très important. La sur-assistance est un facteur de risque d’asynchronisme patient-machine. L’objectif de fréquence ventilatoire sera donc, là aussi, plus proche de 25-30 par minute.
Quel débit d’insufflation ?
Les débits utilisés classiquement se situent entre 40 et 60 l/min.
En mode contrôlé, des débits élevés permettent, en raccourcissant la première phase du temps inspiratoire, de maintenir un temps expiratoire assez long et évitent ainsi l’apparition d’une auto-PEP. De plus, un débit élevé permet de maintenir une ventilation des espaces distaux.
Lorsque les patients « déclenchent » en mode contrôlé, il est souvent utile d’augmenter le débit. En effet, si l’effort inspiratoire du patient est supérieur au débit d’insufflation, deux phénomènes vont se produire : apparition d’une dyspnée et désadaptation patient-machine. La première solution est d’essayer un mode spontané comme la VS-Ai. Si le patient ne peut supporter le mode spontané, alors l’augmentation du débit d’insufflation entre 60 et 100 l/min peut permettre une adaptation du ventilateur au patient.
Quel niveau de pression expiratoire positive ?
La PEP est un des points les plus importants et les plus débattus en ventilation mécanique. Son rôle est de s’opposer au dérecrutement alvéolaire. Ce phénomène de collapsus peut être secondaire à une pathologie pulmonaire, mais existe dès qu’un patient est anesthésié et ventilé. De ce fait, l’utilisation d’une PEP doit être systématique en dehors de l’asthme aigu grave (où le bronchospasme est tel que la PEP externe, si appliquée à un niveau inférieur à l’auto-PEP, sera sans effet bénéfique). En dehors de cette situation physiopathologique, il n’y a aucun argument scientifique pour ventiler sans PEP.
Le niveau de PEP peut être très variable d’un patient à l’autre et durant un même séjour. Chez un patient ventilé pour un SDRA, la PEP peut atteindre plus de 20 cmH 2O. Chez un patient ayant des poumons sains, une PEP de base de 5 cmH 2O peut être recommandée. Le niveau de PEP va également dépendre du Vt utilisé en prenant soin de ne jamais dépasser une pression de plateau › 28-30 cmH 2O.
Chez des patients en VS-Ai, dont la pathologie pulmonaire est responsable d’une auto-PEP, l’utilisation d’une PEP externe de l’ordre de 70 à 80 % de l’auto-PEP peut être utile. Dans ce contexte, la PEP diminue l’effort inspiratoire à fournir par les patients avant de parvenir à « déclencher » le ventilateur.
*Service de réanimation adulte, hôtel-Dieu, Clermont-Ferrand.
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