Maladie de Still

Complications de la corticothérapie

Publié le 29/05/2018
complication pulmonaire

complication pulmonaire
Crédit photo : DR

Ce cas clinique fait suite à celui présenté lors d’un précédent Débrief Rhumato. Pour mémoire, il s’agissait d’une femme sans antécédent ayant présenté initialement un tableau dermatologique avec apparition de lésions érythémateuses prurigineuses péri-orbitaires bilatérales étendues en 4-5 jours aux troncs et membres. Dix jours plus tard est apparue une polyarthrite touchant les mains, les épaules, les genoux, les chevilles et les pieds avec un dérouillage de plusieurs heures associée à un œdème cutané important et une fièvre vespérale. Une pharyngite était également présente. Le diagnostic de maladie de Still de l’adulte a été porté sur les arguments cliniques, avec l’association d’atteinte cutanée, rhumatologique, cardiaque et la pharyngite ainsi que des arguments biologiques avec une hyperferritinémie et une baisse de la ferritine glycosylée. La patiente répondait donc aux critères de Fautrel (1) et de Yamaguchi (2).

Un traitement par corticoïdes à forte dose soit 1 mg/kg par voie orale a été introduit, rapidement associé au méthotrexate injectable (3). Après 10 jours de corticoïdes, en l’absence de réponse clinique suffisante, un traitement de fond par anakinra (Kineret) a été débuté (4,5). La réponse clinique et biologique restait insuffisante après 7 jours de Kineret et il a été décidé de le remplacer par le tocilizumab (6) à la dose de 8 mg/kg en perfusion mensuelle avec cette fois une bonne efficacité.

Néanmoins, la persistance de polyarthralgies inflammatoires et l’intensité du syndrome inflammatoire initial, nous ont contraints à maintenir une forte dose (60 mg/jour) de corticoïdes pendant plusieurs semaines.

Une complication pulmonaire

La patiente s’est présentée dans le service en urgence, 2 mois après le début du traitement, pour une dyspnée non fébrile d’installation rapide sur quelques jours s’étant aggravée ces derniers jours avec une dyspnée au moindre effort.

À l’examen clinique, il était retrouvé une dyspnée à la parole, une fréquence respiratoire à 24 par minute, l’auscultation pulmonaire était claire. L’auscultation cardiaque retrouvait une tachycardie.

Le bilan biologique initial a mis en évidence une hypoxémie à 58 mmHg, une hypocapnie à 32 mmHg. Les sérologies légionelles et pneumocoques étaient négatives ainsi que les PCR grippe et VRS.

Sur la radiographie de thorax, il existait un syndrome interstitiel bilatéral (voir photo en haut de l'article). L’angioTDM thoracique éliminait une embolie pulmonaire et confirmait l’atteinte interstitielle avec de multiples plages pseudo-nodulaires en verre dépoli, diffuses, des deux champs pulmonaires, prédominant aux apex (photo ci-dessous).
 

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Une fibroscopie bronchique a été réalisée et a mis en évidence au lavage broncho alvéolaire une immunofluorescence positive avec six kystes visualisés et une PCR Pneumocystis jiroveci positive. Un traitement par cotrimoxazole a été introduit initialement associé au céfotaxime et à la spiramycine introduits avant les résultats du lavage. À cinq jours de l’introduction du cotrimoxazole, l’apparition d’un rash maculo papuleux prurigineux a fait suspecter un DRESS syndrome pour lequel le cotrimoxazole et le céfotaxime ont été arrêtés et un relais par atovaquone a été réalisé. Des biopsies cutanées ont été effectuées infirmant le diagnostic de toxidermie médicamenteuse.

L’évolution a été favorable sous traitement : efficacité clinique, régression de la dyspnée, et biologique, diminution de la CRP. Une décroissance de la corticothérapie est débutée et le cotrimoxazole a été réintroduit à dose prophylactique.

La corticothérapie comme facteur de risque

La maladie de Still est une maladie systémique inflammatoire dont le tableau clinique initial est souvent bruyant en lien avec un « orage cytokinique » nécessitant un recours à des traitements immunosuppresseurs puissants dont le premier mis en place est la corticothérapie.

Les complications de la corticothérapie sont bien connues et prévenues par le régime nutritionnel, la prise en charge de l’ostéoporose et des comorbidités. Cependant cette complication pulmonaire connue mais plus rare nécessite une discussion quant à la prophylaxie par cotrimoxazole chez les patients sous corticoïdes au long cours dans les maladies systémiques. Une étude a évalué les facteurs de risque de survenue d’une pneumocystose au cours de maladie systémiques (7) et il ressortait que la corticothérapie à plus de 20 mg/jour d’équivalent prednisone pendant 1 mois ou plus de 16 mg/jour pendant 2 mois était un facteur de risque significatif.

Service de rhumatologie, hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris
(1) Fautrel B, Zing E, Golmard JL, et al.Proposal for a new set of classification criteria for adult-onset still disease. Medicine (Baltimore) 2002;81:194-200
(2) Yamaguchi M, Ohta A, Tsunematsu T, et al. Preliminary criteria for classification of adult Still's disease. J Rheumatol 1992;19:424-30
(3) Efthimiou P, Paik PK, Bielory L. Diagnosis and management of adult onset Still's disease, Ann Rheum Dis 2006;65:564-72
(4) Laskari K, Tzioufas AG, Moutsopoulos HM. Efficacy and long-term follow-up of IL-1R inhibitor anakinra in adults with Still's disease: a case-series study. Arthritis Res Ther 2011;13:R91
(5) Lequerré T, Quartier P, Rosellini D, et al. Interleukin-1 receptor antagonist (anakinra) treatment in patients with systemic-onset juvenile idiopathic arthritis or adult onset Still disease: preliminary experience in France. Ann Rheum Dis 2008;67:302-37
(6) Yokota S, Imagawa T, Mori M, et al. Long-term treatment of systemic juvenile idiopathic arthritis with tocilizumab: results of an open-label extension study in JapanAnn Rheum Dis 2013;72:627-8
(7) Khellaf M, Godeau Bertrand. Pneumocystose au cours des maladies systémiques, La Presse Médicale 2008:251-9

Julia Herrou, Pr Philippe Orcel

Source : lequotidiendumedecin.fr