Les chiffres de l’INVS soulignent l’augmentation entre 2011 et 2015 de l’incidence (39 500 à 45 000 nouveaux cas/an) et de la mortalité par cancer du poumon (28 100 à 30 000 décès/an). « L’augmentation phénoménale du cancer du poumon de la femme est très préoccupante. Ce cancer n’existait pas chez la femme avant 1970 ! Aujourd’hui, un patient sur 4 est une femme ! », s’alarme le Pr Marie-Pierre Revel, radiologue à l’hôpital Cochin.
De l’intérêt du dépistage…
Reprenons l’historique. En 1970 aux USA, une étude randomisée du National Cancer Institute, le Mayo Lung Project, ne montre pas de réduction de mortalité du groupe dépisté (radio de poumon et cytologie des crachats) vs groupe non dépisté. Mais dans le groupe non dépisté, plus d’un avait fait la radio…
En 1999, 1re déflagration. L’étude ELCAP (1) Early Lung Cancer Action Project sur 1 000 volontaires (fumeurs, > 60 ans, > 10 paquets année), montre la capacité du scanner faible dose à dépister 2,7 % de cancers, dont 96 % opérables ! « L’étude, non randomisée, est très décriée. Elle ne prouve pas qu’un dépistage précoce réduit la mortalité » note le Pr Revel. D’où en 2002, l’étude randomisée NLST (2). Elle inclut 53 454 patients (55-74 ans, ⩾30 paquets/année, sevrage tabagique < 15 ans), répartis en bras scanner et bras radio (T = 0, 1an, 2 ans), suivis jusqu’en 2009. « Et en 2010… 2e déflagration. La réduction de la mortalité spécifique par cancer du poumon atteint 20 % dans le bras scanner ! Sans parler de la réduction de la mortalité globale -6,7 % (dépistage de calcifications coronaires…) », précise le Pr Revel.
Y a-t-il un bénéfice à dépister les patients à risque ? Pour le Pr Revel « Probablement, surtout que l’irradiation des scanners ultra-basses doses tend vers celle d’une radio de poumon ». Mais le dépistage pose des problèmes, de coût et d’organisation mais surtout de gestion des faux positifs. Le risque de trouver au moins un petit nodule non calcifié à investiguer dans la population cible approche 50 %. « La caractérisation des images nodulaires a beaucoup progressé. Critère de qualité du dépistage, peu de patients subissent aujourd’hui une exérèse de lésion bénigne » précise le Pr Revel. Mais l’expertise des intervenants (radiologues, pneumologues, chirurgiens) est requise pour éviter surdiagnostics, surtraitements et morbi-mortalité induite.
Peut-on affiner la population cible du dépistage ? Le Dr Mathieu Coblence chirurgien thoracique et vasculaire à l’hôpital Bichat et ses collègues se méfient des ''pieds bleus'' : « Tout fumeur opéré d’une artérite des membres inférieurs à Bichat à un scanner thoracique à la recherche d’un cancer du poumon. Il semble particulièrement fréquent chez ces patients ». Ce surrisque potentiel est actuellement évalué à l’Hôpital Saint-Joseph et à l’HEGP (étude DETECTOR, avec pour référent radiologue le Pr Revel). « Il pourrait y avoir un intérêt à dépister plus particulièrement les fumeurs artéritiques mais aussi ceux exposés à l’amiante », confirme le Pr Revel.
À l’urgence de mettre le paquet sur le sevrage tabagique !
Cette maladie gravissime serait exceptionnelle s’il n’y avait le tabac. « Le tabac provoque 90 % des cancers du poumon ! L’addiction au tabac est affreusement banalisée. Arrêter de fumer limite l’accroissement du risque mais ne l’annule pas. Quant au bénéfice du dépistage, il est marginal. Arrêtons d’imaginer qu’il réglerait le problème : -20 % de mortalité sur 53 454 patients, c’est certes 88 vies sauvées… Mais n’oublions pas les 796 morts, 354 dans le bras scanner et 442 dans le bras radio de poumon. Combien seraient en vie s’ils n’avaient pas été exposés au tabac ? », invite à retenir le Pr Revel.
[1] Henschke Cl. et al., Lancet 1999, vol. 354(9173) pp. 99-105
[2] National Lung Screening trial Research Team, NEJM 2011, vol. 365(5) pp. 395-409
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