PAR LE Pr GUY MEYER ET LE Dr OLIVIER SANCHEZ*
DIAGNOSTIQUER une embolie pulmonaire (EP) nécessite le plus souvent de combiner les résultats de plusieurs tests diagnostiques à ceux de la probabilité clinique. Cette approche permet de confirmer ou d’éliminer le diagnostic avec une bonne sécurité, mais reste complexe et n’est pas mise en uvre de façon rigoureuse dans la moitié des cas. Éliminer une EP après une démarche non conforme aux recommandations expose le malade à un risque accru d’événement thromboembolique à court terme. Des résultats récents suggèrent qu’une aide informatique à la décision, aide fournie sur un ordinateur de poche de type Palm, améliore sensiblement l’adéquation des pratiques face à une suspicion d’EP (1). Vingt services d’urgences ont été randomisés pour recevoir une aide au diagnostic classique reposant sur des posters et des plaquettes de poche rappelant les algorithmes validés ou une aide informatique disponible sur Palm, dont le principe est de guider le clinicien pas à pas dans sa démarche. Le logiciel lui fait d’abord calculer la probabilité clinique et propose l’examen le plus approprié. La probabilité d’EP est calculée en fonction de la probabilité clinique et du résultat du test. Le logiciel propose alors, soit d’arrêter les investigations si l’EP est confirmée ou exclue, soit de poursuivre la démarche quand le premier test ne permet pas de trancher, cela jusqu’à ce que le diagnostic soit confirmé ou exclu avec une sécurité suffisante. Les centres qui ont bénéficié de l’aide informatique à la décision ont presque doublé leur taux de démarches appropriées alors que l’aide classique n’obtenait qu’une amélioration anecdotique (1). Le logiciel est téléchargeable gratuitement sur le site de la ligue française contre la maladie veineuse thromboembolique : www.live-mvte.org.
Un score de gravité associant données cliniques et paracliniques.
Des études ont récemment mis en évidence le rôle pronostique de l’état de choc et des comorbidités chez les malades atteints d’EP. Des données préliminaires suggèrent que l’échocardiographie et les biomarqueurs tels que le Brain Natriuretic Peptide (BNP) ou la troponine pourraient également avoir un rôle pronostique à la phase aiguë de l’EP, mais les études disponibles étaient jusqu’à présent entachées de limites méthodologiques. L’analyse d’une cohorte multicentrique de 570 malades a permis tout récemment de confirmer ces données avec une plus grande rigueur (2). Les troubles de conscience, l’état de choc à l’admission et un cancer sous-jacent étaient indépendamment associés à une augmentation de mortalité ou de complication majeure liée à l’EP (récidive ou état de choc), mais les augmentations du BNP et du diamètre ventriculaire droit sur l’échocardiographie aggravaient également le pronostic, indépendamment des données cliniques. Un score de gravité associant les données cliniques (trouble de conscience, état de choc, cancer) et les données paracliniques (BNP et rapport des diamètres ventriculaires) a été proposé par les auteurs pour définir trois classes de risque croissant (2). Ce score doit être validé dans d’autres cohortes avant de pouvoir être utilisé en routine. Si ces données sont confirmées, elles permettront de valider l’utilisation des biomarqueurs et de l’échocardiographie pour estimer le pronostic immédiat de l’EP.
La relève des AVK.
Les antagonistes de la vitamine K (AVK) étaient jusqu’à présent les seuls anticoagulants disponibles par voie orale. Ils sont difficiles à administrer en raison de leur pharmacodynamique qui varie largement d’un malade à l’autre. De nouvelles molécules orales cherchent à les remplacer. Le dabigatran est un inhibiteur direct de la thrombine, administrable par voie orale, dont la demi-vie est de 17 heures et qui est éliminé par voie rénale. Il s’administre à dose fixe sans surveillance biologique. L’alimentation n’interfère pas avec son activité anticoagulante et ses interactions médicamenteuses sont beaucoup moins fréquentes que celles des AVK. Le dabigatran, administré à la dose de 150 mg deux fois par jour a été évalué dans l’étude RECOVER, un essai randomisé contrôlé multicentrique en double aveugle réalisé chez 2 539 malades atteints de maladie veineuse thromboembolique traités pendant 6 mois (3). Un traitement par héparine de bas poids moléculaire était initialement administré dans les deux groupes pendant 8 à 11 jours jusqu’à obtention d’un INR › 2 dans le groupe traité par AVK et jusqu’au début du traitement par dabigatran dans le groupe expérimental. Le taux de récidives thromboemboliques n’était pas différent dans les deux groupes (2,4 % sous dabigatran contre 2,1 % sous AVK ; Hazard Ratio [HR] : 1,10 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] : 0,65-1,84). Aucune différence n’était observée pour les hémorragies majeures, mais un taux significativement plus faible de saignements cliniquement significatifs était constaté dans le groupe traité par dabigatran (5,5 % contre 8,3 % ; HR : 0,63 ; IC : 0,47-0,84) (3). Si ces premiers résultats sont confirmés dans un deuxième essai actuellement en cours, cette molécule devrait logiquement obtenir une autorisation de mise sur le marché. Le rivaroxaban, une autre molécule orale qui inhibe directement le facteur Xa, fait également l’objet d’une large étude de phase III et devrait à terme également constituer une alternative aux AVK. D’autres molécules sont ou vont être comparées aux AVK et il fait peu de doutes qu’elles soient en mesure de pouvoir les remplacer, si elles tiennent leurs promesses. Dans cette attente, l’Afssaps a récemment formulé des recommandations très complètes sur le traitement de la maladie veineuse thromboembolique, elles sont consultables sur le site de l’agence (4).
*Service de pneumologie, hôpital européen Georges Pompidou, APHP ; université Paris Descartes, Paris.
(1) Roy PM, Durieux P Gillaizeau F, Legall C, Armand-Perroux A, Martino M, Hachelaf M, Dubart AE, Schmidt J, Cristiano M, Chretien JM, Perrier A, Meyer G. A Computerized Handheld Decision-Support System to Improve Pulmonary Embolism Diagnosis. A Randomized Trial. Ann Intern Med 2009;151:677-86.
(2) Sanchez O, Trinquart L, Caille V, Couturaud F, Pacouret G, Meneveau N, Verschuren F, Roy PM, Parent F, Righini M, Perrier A, Lorut C, Tardy B, Benoit MO, Chatellier G, Meyer G. Prognostic Factors for Pulmonary Embolism: The PREP Study, A Prospective Multicenter Cohort Study. Am J Respir Crit Care Med 2010;181:168-73.
(3) Schulman S, Kearon C, Kakkar AK, Mismetti P, Schellong S, Eriksson H, Baanstra D, Schnee J, Goldhaber SZ. . Dabigatran versus warfarin in the treatment of acute venous thromboemblism. N Engl J Med 2009;361:2342-52.
(4) http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Recommandations-de-bonne-pratiq… (language)/fre-FR.
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