90 % de guérison en seulement 6 mois de traitement BPaL

Efficacité impressionnante d’une nouvelle trithérapie dans la tuberculose ultra- et multirésistante

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Publié le 20/04/2020

Les tuberculoses ultra-résistantes (XDR) et multirésistantes (MDR) posent un important problème de traitement et constituent un énorme frein à l’éradication de la tuberculose au niveau mondial. Une nouvelle trithérapie, dite BPaL (bédaquiline, prétomanid et linézolide), permettant 90 % de guérisons en 6 mois de traitement pourrait ouvrir des perspectives, au prix néanmoins de toxicités non négligeables.

Crédit photo : phanie

Dans les tuberculoses multirésistantes (MDR), c’est-à-dire résistantes à l’isoniazide et la rifampicine, il y a encore 5 ans les patients étaient mis durant 18 mois à deux ans sous de multiples thérapeutiques, parfois jusqu’à sept, dont un médicament injectable de seconde ligne avec, à la clé, près de 50 % d’effets secondaires modérés à sévères.

De leur côté, les tuberculoses hautement résistantes (XDR), résistantes à l’isoniazide, la rifampicine mais aussi aux fluoroquinolones et à au moins un des traitements injectables (amikacine, capreomycine ou kanamycine) avaient peu d’options de traitement avec des taux de guérisons moyens de seulement 14 [2-22] %. Aujourd’hui, l’irruption d’une nouvelle trithérapie, totalement orale, capable en 6 mois de traitement d’engendrer 90 % de guérisons ouvre des perspectives (1).

Etude ouverte Sud-Africaine : 26 à 39 semaines de trithérapie plus 6 mois de suivi

L’étude Nix-TB est une étude ouverte d’efficacité et sécurité (1). Menée dans trois centres Sud-Africains, elle a recruté 109 sujets porteurs, pour 71 d’entre eux, d’une tuberculose XDR et 38 d’entre eux d’une tuberculose MDR. Le caractère MDR ou XDR a été documenté 3 mois avant par phénotypage ou génotypage, et non-réponse à un traitement d’au moins 6 mois pour les tuberculoses MDR.

Globalement, ces sujets ont 35 ans d’âge médian ([17-60] ans) la moitié sont des hommes et les trois quarts sont Noirs. À la radiographie pulmonaire, une grande majorité présentaient, à l’inclusion, des cavernes, unilatérales dans 47 % des cas, bilatérales dans 40 % des cas. Enfin, la moitié d’entre eux étaient VIH +.

La majorité (100/109 patients) étaient sous antituberculeux avant l’inclusion, avec des traitements pouvant aller jusqu’à 13 molécules (7 médicaments en valeur médiane ; [3-13])

Le traitement administré est une trithérapie associant bédaquiline, prétomanid et linézolide, association dite BPaL agréée par la FDA en août dernier, sur la foi de cet essai avant sa publication. À noter : le prétomanid est le premier antituberculeux développé par une ONG, l’Alliance contre la tuberculose (TB Alliance). La durée de traitement testée dans l’essai est de 26 semaines, soit 6 mois. Elle pouvait être prolongée à 39 semaines si les cultures étaient toujours positives à la 16e semaine. Ce fut le cas pour seulement deux patients sur cette série de 109.

Le critère primaire de l’étude est l’échec de traitement bactériologique ou clinique ou la rechute au cours des 6 mois de suivi. Côté sécurité, les effets secondaires en particulier cardiaques, hématologiques, ophtalmologiques et neurologiques (neuropathies) ont été soigneusement suivis.

Plus de 90 % de guérisons en seulement 6 mois de traitement

À 6 mois après l’arrêt du traitement, on n’a que 11 patients en échec, sur 109. Il s’agit de 7 décès, dont 6 durant la phase de traitement, 2 rechutes dans les 6 mois de suivi, un perdu de vue et une sortie d’étude. Résultat, en intention de traiter, on est à 90 [83-95] % d’issues favorables. Ce taux est comparable dans le sous-groupe MDR (92 % de réussite) et XDR (89 % de réussites).

Chez l’un des deux patients en rechute, la comparaison des isolats avant et après traitement a mis en évidence l’apparition d’une résistance à la bédaquiline.

Des toxicités non négligeables, notamment hématologiques et neurologiques

Les effets secondaires liés à cette trithérapie sont importants. Près de 17 % des patients ont développé des effets secondaires sévères et plus de la moitié (57 %) des effets secondaires de grade 3 ou 4, tout aussi fréquents chez les VIH- que les VIH + (sous traitement antirétroviral).

Les toxicités sont dominées par les neuropathies périphériques, en général modérées à moyennes. Elles ont touché plus de 80 % des sujets mais pourraient être réversibles, des patients s’étant améliorés en 3 mois. Deux névrites optiques, résolutives à l’arrêt du linézolide ont par ailleurs été observées.

La seconde toxicité la plus fréquente est hématologique. Près de la moitié des sujets ont souffert de myélosuppression, dominée par l’anémie (37 %) parfois sévère (7 patients).

Enfin, des élévations des enzymes hépatiques ont été observées chez 17 patients.

En conséquence de ces toxicités, chez 85 % des patients on a dû, à un moment, réduire la posologie ou interrompre le linézolide.

Une évaluation insuffisante au vu des enjeux

Dans l’éditorial accompagnant la publication de cet essai, les auteurs saluent cette avancée « remarquable ». Ils notent toutefois que se fonder sur un seul essai, non randomisé, de petite taille et mené dans un seul pays, même bien conduit, n’est pas à la hauteur des enjeux. Selon eux, de vastes essais collaboratifs comme ceux ayant permis la validation de la trithérapie rifampicine/isoniazide/pyrazinamide sont nécessaires. Des outils pour suivre l’émergence de résistance sont aussi indispensables d’autant qu’une résistance à la bédaquiline a été documentée dans cet essai. Sans compter que la toxicité du linézolide, la nécessité de suivre le QT et l’hépatoxicité potentielle du pretomanid font craindre des interruptions de traitement favorisant l’émergence de résistances.

 

(1) F Conradie et al. Treatment of Highly Drug-Resistant Pulmonary Tuberculosis. NEJM 2020; 382:893-902

(2) G Thwaites, P Nahid. Triumph and Tragedy of 21st Century Tuberculosis Drug Development. NEJM 2020; 382:959-960

 

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr